Un communiqué commun a été publié le 17 juillet. Pourquoi une réaction commune de trois organisations professionnelles de la FPT ?
Notre approche n’est ni dogmatique, ni corporatiste. Les trois organisations s’inquiètent de la logique de classification qui se profile pour les métiers de direction. Avec un point de vigilance plus particulièrement marqué dans la création d’un niveau 4 global, qui concernerait 80 % des emplois de direction générale des collectivités de plus de 40 000 habitants, soit 2 090 emplois en tout.
Que reprochez-vous à ce fameux « niveau 4 » ?
Il est potentiellement source de déclassement et tire les emplois de direction vers le bas. Ainsi, aucune distinction ne serait faite entre un DGS et un DGA, ni même entre les grades A et A+. De plus, aucune perspective de carrière n’est prévue, aucun moment d’accélération. Les rémunérations sont entourées d’un certain flou ; bien qu’augmentés, les plafonds de régime indemnitaire seraient similaires pour des fonctions et des responsabilités différentes et feraient l’objet d’une négociation de gré à gré. Une incertitude renforcée par la suppression de la NBI pour tous les DGS et DGA, NBI qui entraient dans le calcul des retraites. Nous identifions également deux autres problématiques dans les projets soumis, à savoir une clause de sauvegarde limitée, que nous souhaitons étendre à tous les niveaux concernés ainsi qu’une modification des délais de fin de détachement. Pour les arrondissements de Lyon et Marseille, le projet de décret réduit les délais de prévenance en cas de fin de détachement. Nous réclamons une meilleure protection.
Comment envisagez-vous la suite des négociations ?
Il y a plusieurs sources d’inquiétude. On parle encore d’une hypothèse puisque nous n’avons pas encore vu la dernière version, ce document sur le niveau 4 n’ayant pas été soumis au CSFPT du 9 juillet. Je reste focalisée sur les documents de travail que nous avons eu entre les mains sur les derniers mois. Cette réforme de la haute fonction publique a été bâtie à l’origine pour l’État et aujourd’hui, on essaie de faire entrer le « carré » de la territoriale dans le « rond » de la fonction publique d’État. La territoriale a ses singularités, les métiers de direction sont construits autour de strates historiques qui ne peuvent être remises en cause à la faveur d’un texte de ce type. La question des emplois de direction générale pose un problème puisqu’il n’y a pas d’équivalence de poste de DGS ou de DGA au sein de l’État. L’État disposant de 4 niveaux, il faut faire entrer nos DGS, nos DGA, les administrateurs et les attachés hors classe dans les communes de plus de 40 000 habitants dans ces cases-là. Et ce travail homologique doit se faire selon les critères de l’État…
Ce qui pose une limite à l’exercice, celui d’une homologie introuvable ?
Oui, même si les principes arrêtés du côté de l’État sont plutôt bons, comme la garantie des parcours, avec des passerelles possibles d’une fonction publique à l’autre, ou encore le fait de changer de fonction sans perdre en rémunération et que cette dernière ne stagne pas à partir de 20 ans d’exercice mais soit plus étalée dans sa progression dans le temps… Tout ça va dans le bon sens… La difficulté est de dégager une approche symétrique entre les trois versants de la fonction publique mais on se heurte à des difficultés difficilement surmontables. Cependant, il faut conserver les mêmes principes.
Vous insistez sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une réaction corporatiste mais d’une nécessité d’ajustement pour optimiser les métiers de direction dans la territoriale…
Oui, on parle là des directeurs de demain, pour qu’ils aient envie de s’engager sur des postes exposés, qui sont mis en question régulièrement devant différentes juridictions, avec des niveaux de responsabilités très engageants mais à partir de strates différentes, avec une multiplicité d’employeurs. Là est la difficulté.
Comment la surmonter ?
On avait trouvé une voie de compromis avec l’État il y a plusieurs mois, à travers des subdivisions au sein du niveau 4. Un décret est sorti le week-end dernier qui organise la classification du côté de la magistrature et le même process est en cours pour l’hospitalière, on se dit donc qu’il serait possible qu’une telle démarche s’organise autour de la territoriale. Mais les propositions que nous avons pu faire n’ont pas été entendues pour le moment. Nous ne sommes pas écoutés, ou reconnus.
Quels sont les prochains rendez-vous ?
Le résultat de la CSFPT de la semaine dernière est aussi un désaveu de la méthode, puisque le rejet est complet. Chacun utilise sa paire de lunettes selon son organisation. Nous ne siégeons pas au CSFPT, donc je ne peux juger plus en avant. Mais sur la forme comme sur le fond, ce désaccord est très parlant et doit nous pousser à réinterroger le texte. On espère donc que l’on pourra se remettre autour de la table. On va analyser le décret sorti sur la magistrature, pour essayer de coller à ce que souhaite l’État et on a donc jusqu’au 19 septembre, date du prochain passage en CSFPT, pour faire des propositions qui entraîneraient une plus grande adhésion.
Qu’est-ce qui pourrait évoluer pour aller dans cette direction ?
Je n’ai pas de boule de cristal mais quand on est aux manettes d’une réforme et que l’on voit ce qui s’est passé au CSFPT, on devrait s’interroger, ce me semble ! Quand j’entends le ministre Laurent Marcangeli redire son intention de transposition de cette réforme, je ne peux que saluer cette volonté, nous ne sommes pas arcboutés, je le répète, sur des revendications corporatistes !
Qu’est-ce qui bloque ? Le coût ?
Je n’ai pas compris qu’il s’agissait d’une question financière. Notre approche est responsable, l’idée n’est pas de faire exploser les plafonds financiers, surtout en ce moment. Il ne s’agit pas de gagner plus mais de ne pas perdre en salaire. Le facteur bloquant est lié au fait que ce texte de transposition est inspiré par la vision de l’État. On a échangé, on a évolué au fil des mois, mais je n’ai pas eu le sentiment que l’on pouvait se mettre en posture de compromis.
L’AATF salue le texte tel qu’il existe aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
On dit la même chose que les administrateurs, à savoir que les grilles indiciaires évoluent dans le bon sens. Mais reste la question cruciale des emplois de direction, question qui ne sera pas rediscutée, on nous l’a clairement fait savoir, quand ce texte sera adopté. Mais, et je mets des guillemets, les « simples » administrateurs qui n’occupent pas à ce jour des emplois de direction mais les occuperont demain, que penseront-ils du fait que cette évolution de carrière ne changera rien pour eux, si ce n’est le gré à gré dans la négociation du régime indemnitaire ? Ce niveau 4 reste encore pour nous une coquille vide, avec 2 090 emplois à l’intérieur sans aucune distinction de responsabilité.
Propos recueillis par Stéphane Menu
