Yvan Lubraneski, vice-président de l’AMRF : “On invite les habitants à se battre avec nous”

Publiée le 1 octobre 2025 à 14h00 - par

À moins de six mois des élections municipales, les maires ruraux de France étaient réunis, du 26 au 28 septembre, dans la Vienne. Dans leur résolution finale, portée par le slogan « Le futur s'invente au village », l'AMRF invite les Français à s'engager dans la vie communale de leur pays. Décryptage avec Yvan Lubraneski, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) et ancien maire des Molières, dans l'Essonne.
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Vous avez, sur un plan personnel, été contraint de démissionner, en 2023, parce que vous ne parveniez plus à concilier vie publique et vie politique. L’engagement que vous appelez de vos vœux n’est-il pas, de ce fait, aussi difficile à mettre en œuvre que dans votre propre cas ?

Le statut de l’élu doit s’adapter à plusieurs réalités. Il faut une meilleure indemnisation des élus, même s’il y a eu quelques avancées en la matière lors de la loi Engagement et proximité promulgué en 2019. Mais le coût de la vie a rattrapé en quelque sorte cette avancée, le décalage est désormais trop grand. Je veux insister sur l’activité même de maire. Nous sommes favorables au fait intercommunal, même si ça ne se passe pas bien partout en France. Mais le cadre intercommunal renvoie à une série de réunions et de représentations infernales. Si vous êtes le maire d’un petit village et que vos adjoints ne peuvent vous remplacer régulièrement, vous ne pouvez pas suivre le rythme. Cette réalité intercommunale a bouleversé l’agenda des maires. L’autre point qui a alourdi leur travail, c’est l’inflation des normes. Beaucoup de procédures se sont complexifiées. Nous n’avons pas saisi le sens de la simplification que l’État a souhaité intégrer dans la dématérialisation, c’est le contraire que nous ressentons. Je ne voulais pas rester un maire à 20 % du travail que je réalisais. D’où ma démission…

Vous êtes maire d’une commune de 2 000 habitants et votre charge de travail est énorme, parce que vous avez souhaité mener votre mandat avec application. Est-ce que cette charge s’est alourdie au fil du temps ?

Les communes de 2 000 habitants reposent sur un drôle d’équilibre, elles ont les mêmes charges qu’une commune de 3 500 habitants avec quatre fois moins de moyens. Les attentes des habitants sont importantes mais les moyens sont ceux d’une commune de moins de 1 000 habitants.

L’intercommunalité a rajouté des charges de représentation mais a aussi permis aux petites communes de mieux s’épanouir…

Bien sûr, mais les compétences transférées à l’intercommunalité l’ont-elles été après une approbation unanime ? Prenons le cas du tourisme, dont la compétence a été transférée. Une commune dynamique sur ce plan-là s’en réjouira mais celle dont la dynamique est ailleurs, pourquoi la lui imposer ? De telles injonctions pénalisent dans la foulée le bon fonctionnement de l’intercommunalité. Dans le cadre des compétences gérées par les intercommunalités, les communes doivent y être associées en permanence. La grosse commune ne doit pas décider pour les autres. Les élus ruraux souhaitent que les intercommunalités fonctionnent sur le principe de la collégialité. C’est une manière aussi de lutter contre la fatigue démocratique, de sortir de cette verticalité. Car le maire ne pourra jamais dire à un citoyen, la sécurité, c’est pas moi, c’est l’État. Il doit assumer le fait d’être celui qui rend des comptes sur tout. Car le quotidien se fait toujours au coin de la rue. On ne peut pas écrire un numéro de la préfecture sur un post-it et dire à la personne, « vas-y, débrouille-toi ». Sinon les gens pensent que l’on ne peut plus répondre à leurs problèmes et ils finissent par voter RN et leur propre ségrégation sociale.

N’y a-t-il pas un paradoxe à appeler les citoyens, et notamment les plus jeunes, à s’engager alors que votre propre cas plaiderait plutôt dans le sens d’une approche prudente…

On les invite à se battre avec nous ! Il y a eu un moment fort dans le congrès lors de la journée consacrée à la jeunesse et à l’éducation que j’ai animée. J’ai voulu mettre à l’aise les jeunes avec la temporalité. Beaucoup de jeunes hésitent à s’engager parce qu’ils se disent qu’ils suivront un master dans deux ans dans une grande commune, etc. Pour les jeunes, se projeter sur 6 ans, c’est énorme. Ça n’a rien à voir avec le fait d’avoir les trois quarts de sa vie professionnelle derrière soi. Je les ai décomplexés par rapport à cette crainte. Un élu, quel que soit son âge, peut s’absenter, déménager, démissionner, etc. L’engagement est aussi une succession de petits pas.

Vous souhaitez aussi que l’engagement citoyen puisse faire l’objet d’une sensibilisation dans les écoles, dès le primaire…

Je ne sais pas si l’Éducation nationale y serait favorable. Mais il y a de plus en plus d’initiatives autour des jeunes, des conseils municipaux de jeunes, etc. Ne faudrait-il pas avoir plus d’ambition en proposant des parcours citoyens, qui favoriseraient plus tard des formes d’engagement. Parce que nous sommes présents auprès des jeunes, de la garderie jusqu’à la cantine. Ces activités périscolaires peuvent être des temps ouverts à cette sensibilisation. Je trouve aussi que l’on a tendance à ramener le jeune à sa jeunesse. Qu’un enfant qui est donc aussi un élève ait des idées pour améliorer le cadre de l’école, c’est plus une fonction de délégué de classe. Souvent, quand ils font campagne pour devenir délégués, les jeunes parlent d’autres choses que de l’école. Ils ont des idées qui vont au-delà de l’école et il faudrait pouvoir les entendre.

Vous appelez au renforcement du dispositif « Village d’avenir ». Le bilan est-il positif ?

Nous avons demandé à l’État que les communes de moins de 3 500 habitants puissent bénéficier d’une aide en ingénierie, dans la continuité des programmes « Petites villes de demain » et « Action cœur de ville ». Dans certains secteurs, l’accompagnement de l’État est efficace, tout dépend de la personnalité du chef de projet. On souhaiterait qu’il y ait un à deux interlocuteurs permanents à l’échelle préfectorale pour inscrire le dispositif dans la durée.

Stéphane Menu

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