Municipales 2026 et risque sur les parrainages des candidats à la présidentielle

Publiée le 7 octobre 2025 à 14h30 - par

En mars 2026, les élections municipales renouvelleront bien davantage que les conseils municipaux : elles conduiront aussi à l'élection de 70 % des élus habilités à présenter un candidat à l'élection présidentielle. Or, il y a lieu de s'y intéresser parce que cette prérogative essentielle est en danger. Un constat d'autant plus vrai avec la loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 qui étend le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants.
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Le nom et la qualité de tous les « citoyens » élus qui parrainent un candidat à l’élection présidentielle sont rendus publics, dans un objectif souhaitable de transparence préconisé par le Conseil constitutionnel. Il est difficile de le contester, moralement et politiquement, comme l’a pourtant fait Marine Le Pen en 2012 en déposant une question prioritaire de constitutionnalité1. Pourtant, « les changements ayant affecté la vie politique et l’organisation institutionnelle du pays depuis cette date »2 justifient qu’on y réfléchisse de nouveau.

Risque pour les maires d’afficher leur choix

L’hystérisation du débat politique, que l’on constate depuis plusieurs mois, risque de se conjuguer avec la récente montée de la violence contre les élus locaux. En 2023, sept maires sur dix ont affirmé avoir été victimes d’incivilités depuis plusieurs mois (+ 16 points depuis 2020 et 6 points en une seule année) ; quatre maires sur dix ont signalé des menaces verbales ou écrites (+ 13 points par rapport à 2020 et 2 points par rapport à 2022) ; 27 % des maires ont dénoncé des attaques sur les réseaux sociaux ou Internet (+ 7 points par rapport à 2020). Enfin, 19 % des maires font état de harcèlement moral, soit 4 points de plus que l’année précédente et 7 points de plus qu’en 20203.
Dans ces conditions, les maires vont-ils prendre le risque d’afficher publiquement leur choix, et ainsi leur sensibilité politique ?

Un soutien en tant que « citoyen »

Il convient, en effet, de rappeler ce qui est largement ignoré : c’est à titre de « citoyen » que chaque élu est habilité à soutenir une candidature. En 1962, le passage à l’élection au suffrage universel direct du Chef de l’État a conduit à réserver cette prérogative non pas à des « représentants », mais à des « citoyens »4.
Simplement, puisqu’il fallait en identifier quelques-uns, il a semblé de bonne procédure de choisir des citoyens qui avaient eux-mêmes déjà reçu la confiance d’autres citoyens, et qui n’étaient pas ignorants de la chose publique. Le Conseil constitutionnel en a déduit que « la présentation d’un candidat est un acte personnel et volontaire »5, et même « un acte individuel qui relève de chaque citoyen habilité par la loi pour le faire »6. Il ne peut être ni soumis au conseil municipal si le présentateur est maire, ni à son parti politique si le parrain est encarté.

Une forme de outing

Concrètement, cela signifie que dans un pays où seules les listes aux élections municipales des communes de plus de 3500 habitants doivent déclarer une « nuance » politique (ce qui ne correspond qu’à 3 346 communes sur 34 871) et dans lequel de très nombreuses têtes de liste se présentent cependant « sans étiquettes », la publication des parrainages conduit à une violation du droit constitutionnel des « citoyens » à conserver leurs opinions politiques secrètes (dont le Conseil constitutionnel n’a jamais été saisi). C’est une forme de outing, même si le principe est celui de la « présentation » et non celui du « soutien ».
Cela était supporté par ceux qui faisaient néanmoins le choix de parrainer des candidats.

Intimidations ou représailles pas à exclure

Toutefois, dans un climat de violence et de menaces grandissant à l’égard des élus locaux et d’hystérisation politique, le risque est de constater une très forte baisse des présentations de candidatures aux prochaines élections présidentielles. Des intimidations ou des représailles ne sont pas à exclure, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle « Il est voté au scrutin secret (…) lorsqu’il y a lieu de procéder à une nomination ou à une présentation » depuis la grande loi municipale de 1884 (idem avec la loi départementale de 1871 puis avec la loi créant les régions) : nous n’avons pas peur d’affirmer qu’il s’agit d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, non encore reconnu par le Conseil (faute d’occasion) qui vise à protéger des pressions et représailles.
Si le parrainage ne peut ainsi prétendre au secret protégeant le vote (dont il se distingue clairement), il le doit au regard du risque qui pèse sur la liberté de ce choix, qui pourrait même ne plus être exprimé par crainte de représailles.

Risque de faire éclater la cohésion d’une équipe

Cela est d’autant plus vrai que la loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 qui étend le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants (qui s’applique ainsi à 71 % de ce vivier de parrains) risque d’abaisser encore le nombre de présentations : pour parvenir à former une liste unique dans ces petites communes, il faudra réunir des sensibilités politiques différentes autour d’un projet local commun. Il s’agira d’organiser une « cohésion municipale » ainsi que l’expose très clairement le titre de la loi.
Dans ces conditions, quel maire prendrait le risque de faire éclater la cohésion d’une équipe élue sur la seule volonté de gérer ensemble la commune, en parrainant un candidat d’une sensibilité potentiellement urticante pour le reste du conseil municipal ? Comment continuer à collaborer sereinement après s’être révélé politiquement ? Certes, cela était déjà difficile auparavant, mais on ne voit pas comment cela pourrait ne pas l’être encore plus, pour encore davantage de communes.

Une situation particulièrement inquiétante

Il s’agit donc d’une situation particulièrement inquiétante. Un peu parce que les maires des petites communes sont ceux qui votent le plus pour des petits candidats : Nathalie Arthaud, par exemple, avait pu se présenter grâce à eux en 2022. Il serait dommage que le pluralisme des courants politiques en pâtisse. Elle l’est surtout parce que depuis plusieurs élections présidentielles, le nombre de présentations diminue régulièrement. Ainsi, en 2012, le Conseil constitutionnel a comptabilisé 15 047 parrains. À l’élection présidentielle de 2022, il n’y en avait plus que 13 427. Le vivier même de citoyens habilités a diminué avec la fusion des régions, la fusion des départements Alsaciens, celle des départements de Corse avec la collectivité territoriale de Corse, et enfin avec les fusions de communes, même si les maires délégués peuvent parrainer des candidats (il y en a tout de même moins).
Que se passera-t-il si, demain, un des deux partis politiques qui ont obtenu de bons résultats aux dernières élections législatives ne parvenait pas à obtenir le simple droit de concourir à l’élection, par crainte des uns et des autres d’accorder leur parrainage à leur candidat ? Le risque d’émeutes urbaines sera grand.

Organiser autrement la transparence des parrainages

Cela ne signifie pas qu’il faut renoncer à la transparence des parrainages mais simplement qu’il faut l’organiser autrement. Elle peut être qualitativement supérieure en étant respectueuse des droits constitutionnels des citoyens élus concernés : un recensement quantitatif du nombre de présentations dans le département, avec l’indication des qualités (maire, exécutif ou conseillers départementaux ou régionaux…) et du nombre de présentations reçues par les candidats dans le département pourrait être obligatoire.
Le recensement pourrait distinguer les présentateurs selon certains critères à déterminer par décret et, par exemple, selon qu’ils disposent d’une « forte notoriété politique », ou pas, d’une « notoriété publique non politique » (arts, sports, etc.), pour permettre au candidat de déterminer l’importance des soutiens des candidats.
Il nous semble qu’il est urgent d’y réfléchir.

Géraldine Chavrier, Professeure agrégée de droit public, École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), ancienne directrice de la préparation à l’ENA.
Déclaration d’intérêts : lien avec l’AMF.


1. Décision 2012-233 QPC du 21 février 2012.

2. Condition autorisant une nouvelle QPC en vertu de la décision précitée.

3. P. Garcia, Violence envers les élus : une nouvelle salve de mesures, La Gazette des communes, 16 février 2024.

4. Art. 1, 2°, dernier alinéa Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, encore en vigueur : « Huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, le Conseil constitutionnel rend publics le nom et la qualité des citoyens qui ont valablement proposé les candidats ».

5. Observ. sur l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai 2007 – Délibération des 31 mai et 7 juin 2007.

6. Élection présidentielle 2007 : FAQ. Questions les plus souvent posées aux services du Conseil constitutionnel sur la préparation et l’organisation de l’élection du président de la République, p. 10.

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