Créer des îlots de fraîcheur en ville

Durant la dernière décennie, la France a connu quatre fois plus de jours de canicule que dans les années 1980, y compris dans des villes autrefois tempérées. Chiffre qui pourrait encore doubler d’ici 2050. Le plan canicule de 2004 recommande aux acteurs publics d’indiquer les endroits publics frais, recenser les points d’eau, faciliter l’accès des sans-abri aux douches et lieux publics frais… Toutefois, la question du rafraîchissement « et donc de l’habitabilité des villes demeure encore largement impensée », peut-on lire dans la note Transformer l’espace public pour créer des îlots de fraîcheur urbains, publiée en avril 2025 par la Fabrique de la cité.

Au préalable, il convient de cartographier le territoire pour comprendre ses conditions climatiques, mais aussi ses spécificités sociales. En effet, selon le lieu de vie et les revenus, les populations sont diversement exposées aux épisodes de chaleur. Il faut aussi déterminer les espaces à traiter en priorité, travailler en concertation avec les autres institutions du territoire et tenir compte des calendriers saisonniers. Car les projets peuvent être longs, en particulier lorsqu’il s’agit de planter.

Valence (Drôme, 65 486 habitants) a adopté un plan fondé sur quatre piliers : protection des arbres anciens (les plus efficaces pour rafraîchir) contre les maladies et dégradations humaines, plantation d’arbres et boisements urbains, plantation de vergers (les fruits peuvent être librement cueillis), permis de végétaliser autorisant les citoyens à installer des plantes grimpantes en pied de façade. La ville fournit la plante et conseille le citoyen, qui gère notamment son entretien.

Le rafraîchissement de l’espace public impliquant de nombreux services de la collectivité, Valence a créé deux postes dédiés à la lutte contre les îlots de chaleur. Le premier, opérationnel, gère la faisabilité, le choix des essences, le suivi des entreprises, tandis que le second est chargé de l’aspect stratégique (études, participation citoyenne…). Ces agents ont rencontré l’ensemble des services qui interviennent sur l’espace public : gestion des déchets, sports et éducation, éclairage et usage de l’eau, événementiel, stationnement, urbanisme et prévention des risques. « Une prise de contact préalable indispensable à la bonne réalisation des projets », précise le guide.

La ville de Nancy (Meurthe-et-Moselle, 105 792 habitants) examine la possibilité de planter des arbres à chaque projet d’aménagement urbain : création de pistes cyclables, de voies de bus… Sa direction écologie et nature est une force de proposition dans les projets menés par les autres directions. Par exemple, en faisant prendre conscience au service espaces verts des besoins d’entretien supplémentaire en cas de végétalisation de nouveaux espaces. Pour ce type de démarche, les équipes doivent recruter des professionnels formés à la gestion du patrimoine végétal – des profils rares.

Atouts et inconvénients

Quant à l’établissement public territorial de Plaine Commune (8 communes, 450 000 habitants), il a entrepris d’aménager ses canaux pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Le canal Saint-Denis a été adapté aux mobilités douces, équipé de parcours sportifs, végétalisé et agrémenté d’œuvres d’art. Une quarantaine d’agents dédiés sont décentralisés dans les directions opérationnelles. En outre, une équipe de sept personnes aux compétences diverses (climat, biodiversité, mobilisation citoyenne…), créée en 2008 et rattachée à la direction, apporte un appui stratégique et technique aux autres directions. Elle fournit des pistes opérationnelles sur les enjeux environnementaux et la prise en compte de certains thèmes, comme l’adaptation au changement climatique, avant d’en déléguer la gestion aux directions métiers. Elle s’assure également du respect des engagements.

Le grand intérêt de ce guide est d’examiner aussi bien les résultats probants que les inconvénients des procédés qui contribuent au rafraîchissement, ce qui permet aux collectivités d’envisager la question de façon globale. Un tableau détaillé montre les impacts et les bénéfices annexes d’une vingtaine de solutions : parcs urbains, végétalisation de parois, formes urbaines bioclimatiques, désimperméabilisation des sols, usage raisonné de la climatisation…

À noter : la Fabrique de la Cité organisait un webinaire sur le sujet le 3 juin 2025 de 12h à 13h.

Martine Courgnaud – Del Ry