Écoles ouvertes malgré le Covid : une « exception » française ?

Publié le 3 mars 2021 à 13h53 - par

Garder les écoles ouvertes autant que possible en dépit de la pandémie, ne les fermer qu’en « dernier recours » : en faisant depuis plusieurs mois ce choix politique motivé par la volonté d’éviter des « catastrophes éducatives », la France fait figure de quasi-exception.

Écoles ouvertes malgré le Covid : une "exception" française ?

C’est l’un des pays européens ayant connu le moins de semaines de fermeture d’écoles selon les dernières données du 2 mars 2021 compilées par l’Unesco et communiquées à l’AFP.

La France a fermé ses classes complètement ou temporairement pendant 10 semaines depuis mars 2020, période correspondant au premier confinement qui comprenait deux semaines de vacances scolaires.

Beaucoup moins que ses voisins : l’Italie, touchée très tôt par la pandémie, a fermé les siennes 30 semaines, complètement ou partiellement. L’Espagne totalise 15 semaines de fermeture, comme en Belgique, l’Allemagne 24 semaines et le Royaume-Uni 26 semaines.

Seuls quelques pays affichent moins de jours de fermeture que la France : 6 semaines en Suisse et en Islande.

Le discours du gouvernement n’a pas bougé : les écoles ne doivent fermer qu’en « dernier recours ». Et ce, malgré les alertes de plusieurs scientifiques sur les risques de contamination en milieu scolaire.

L’école n’est « pas une variable d’ajustement », martèle le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, se faisant le héraut de cette volonté partagée au sommet de l’État.

« C’est vrai que ça devient une exception française mais il y a tout lieu d’en être fier », s’est-il félicité mardi 2 mars 2021 sur France inter. « Cette crise peut être une catastrophe éducative, j’essaye d’éviter ça à la France ».

La conscience que l’épidémie de Covid-19 peut faire des ravages en dehors du plan sanitaire pousse la France à tenir « aussi longtemps que possible sur cette ligne de crête, qui consiste à maintenir les apprentissages à l’école, tout en garantissant à tous une protection sanitaire », confie-t-on dans l’entourage de M. Blanquer.

« Le consensus qui émerge, c’est que les écoles ne semblent pas être des amplificateurs de la transmission du virus, et que les cas dans les écoles reflètent simplement la prévalence au sein de la communauté », ont récemment estimé plusieurs épidémiologistes dans la revue médicale britannique BMJ, dont le Français Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique qui guide le gouvernement.

« Un sanctuaire à protéger »

De plus, la décision de laisser les écoles ouvertes « dépasse la seule question du contrôle de l’épidémie », notent ces scientifiques, en soulignant les dégâts éducatifs et sociaux que les fermetures peuvent entraîner pour les enfants. Pour autant, ouvrir les écoles doit s’accompagner « de mesures efficaces de réduction du risque », préviennent-ils.

Depuis septembre, la France est parvenue à garder ses établissements ouverts, en imposant le port du masque dès le primaire ou l’« hybridation » au lycée (un mélange de présentiel et distanciel).

« Nous sommes capables de décider de fermetures ciblées » lorsque plusieurs cas sont détectés, rappelle aussi M. Blanquer.

Si les syndicats déplorent un protocole sanitaire insuffisant, aucun ne souhaite revivre l’épisode d’« école à distance » du printemps dernier.

La France « se singularise par sa volonté de maintenir le plus possible ses écoles ouvertes », constate Alain Bouvier, ex-rédacteur en chef de la revue internationale d’éducation de Sèvres, qui compare les politiques éducatives dans le monde.

« À l’autre bout du spectre, on a la Nouvelle-Zélande qui, pour éradiquer totalement le Covid, n’hésite pas à prendre des décisions radicales et immédiates de fermetures. Et au milieu, de nombreux cas de figure, avec des pays qui peuvent décider des fermetures de certains niveaux uniquement ou dans certaines régions seulement », poursuit-il.

Comment expliquer cette « exception » française ? « Par le rôle de l’école dans l’histoire du pays », souligne l’historien de l’éducation Claude Lelièvre. « Depuis la Révolution Française, l’institution est totalement surinvestie, on lui accorde un rôle quasi-démiurgique ». « Chaque fois qu’un problème important se pose, on estime que c’est à elle de le résoudre ».

Selon l’historien, l’école est devenue en France « un sanctuaire qu’il faut protéger ». Donc « prendre le risque de laisser les établissements ouverts ne heurte pas notre inconscient collectif ».

« Cette volonté de laisser les écoles ouvertes à tout prix est assez unique en Europe même si dans tous les pays, il y a un conflit entre les objectifs sanitaires et les enjeux éducatifs », juge aussi Éric Charbonnier, analyste éducation à l’OCDE.

Il faut dire que la France est l’un des pays où les inégalités scolaires sont les plus fortes. « Toutes les études montrent qu’elle se sont aggravées pendant le premier confinement », rappelle M. Charbonnier. Le pays fait donc face à un enjeu de taille : ne pas les creuser davantage.

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