Pour les directeurs et directrices d’école, la pression du nombre d’élèves

Publié le 9 juin 2020 à 12h38 - par

Les directeurs et directrices d’école, en première ligne de la gestion du retour à l’école, se disent « fatigués » d’être pris en étau entre les directives gouvernementales d’accueillir un maximum d’élèves, un protocole sanitaire qui l’empêche et la pression des parents.

Pour les directeurs et directrices d'école, la pression du nombre d'élèves

« Ça fait longtemps que l’on dit qu’on se sent seuls, croulant sous trop de travail, mais là, cette période de crise sanitaire démontre bien que les directeurs et directrices d’école sont au cœur du système, confrontés à beaucoup de stress », explique à l’AFP Olivier Flippo, directeur d’une école élémentaire dans le Val-d’Oise.

Cet enseignant, syndiqué au SE-Unsa, se dit même « en colère : on affiche en haut lieu des directives sur l’accueil de tous les enfants à l’école. Mais en bas, sur le terrain, c’est démerdez-vous comme vous pouvez, avec un protocole sanitaire qui demande 4m2 par enfant, donc non on ne peut pas accueillir tout le monde », peste-t-il.

« On se débrouille, on rend service pour accueillir au mieux les enfants, mais c’est un manque de respect vis-à-vis des directeurs et directrices », regrette-t-il.

Les directeurs font part depuis longtemps de leurs conditions de travail très compliquées, mises en lumière par le suicide d’une de leurs collègues à l’automne dernier, Christine Renon. Cette dernière avait expliqué dans une lettre son geste en raison de son « épuisement », sa « solitude » dans la fonction.

Après ce drame, le ministère avait évoqué des mesures qui se font encore attendre. Mardi 9 juin 2020, le Sénat doit présenter un rapport d’information sur la situation des directeurs d’école. L’Assemblée doit aussi étudier le 22 juin une proposition de loi de la députée LREM Cécile Rilhac, portant sur la création d’un statut de « super » directeur.

Dans cette problématique de réouverture des écoles, « on est fatigué psychologiquement », dénonce une directrice d’école élémentaire à Paris souhaitant garder l’anonymat.

« Il va falloir enfin que le gouvernement soit clair avec les parents d’élèves : le retour à l’école n’est pas possible tous les jours pour tous, à cause de ce protocole sanitaire trop contraignant », demande-t-elle.

« Ils ont mouillé la chemise »

Lundi 8 juin 2020, elle explique avoir « passé sa matinée à répondre à plus de dix appels de parents qui demandent plus d’accueil de leur enfant, car ils ont la pression de leur employeur pour revenir au travail ». « Alors j’explique, avec le plus de pédagogie possible, mais je ne peux malheureusement pas faire plus », poursuit-elle.

Selon les derniers chiffres du ministère, 1,8 million d’écoliers – sur un total de 6,7 millions – sont retournés à l’école mais rarement à temps complet. Les enfants sont souvent accueillis par roulement, parfois une ou deux journées par semaine, souvent moins dans des grandes villes comme Paris.

« Aujourd’hui, j’accueille 120 élèves sur 280, on approche la moitié, mais ce protocole m’interdit d’aller plus loin », assure la directrice, qui note « l’incompréhension totale » des parents : « les bars, les restaurants, tout est en train de rouvrir, les enfants jouent ensemble de manière très proche dans les parcs, mais l’école, elle, tel un sanctuaire, n’allège pas son protocole, ça ne tourne pas rond ».

Le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a dit jeudi 4 juin espérer « bientôt » un assouplissement du protocole sanitaire, mais cela pourrait être seulement pour la rentrée de septembre 2020.

« En attendant, on demande au primaire (maternelle et élémentaire) une agilité qui touche à l’insupportable », rétorque Stéphane Crochet, secrétaire général de SE-Unsa. « Les directeurs doivent appliquer les directives dans l’urgence, on constate ainsi un très haut niveau de tension et d’épuisement, c’est très net », souligne-t-il.

Pour Francette Popineau, la secrétaire générale du Snuipp-FSU, le premier syndicat du primaire, les directeurs ont durant toute cette crise sanitaire « bien montré qu’ils étaient indispensables, ils ont mouillé la chemise ». « Là, ils sont coincés, c’est intenable. »

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