Aides aux familles : le rapport Fragonard contesté

Publié le 11 avril 2013 à 0h00 - par

Dans son rapport sur les dispositifs d’aides aux familles, le président du Haut Conseil de la famille (HCF) préconise une modulation des allocations familiales pour les ménages les plus aisés. Une majorité des membres du HCF se déclare « hostile » à une telle mesure. Au gouvernement de trancher.

Saisi fin janvier 2013 par le Premier ministre d’une mission globale sur les dispositifs d’aides aux familles, leur ciblage et leur efficience, Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille (HCF), a rendu son rapport définitif à Jean-Marc Ayrault le 9 avril, accompagné de l’avis discordant, adopté le 8 avril, par les membres du HCF. Bertrand Fragonard émet des propositions concernant les différentes mesures envisageables, comme un meilleur ciblage de certaines prestations et le renforcement des aides au bénéfice des familles fragiles, précisent les services du Premier ministre.

Le rapport avance, en premier lieu, des mesures pour améliorer le système, avec :

– Un effort financier important sur l’action sociale, dont l’essentiel porte sur le développement des établissements d’accueil des jeunes enfants : le Fonds national d’action sociale (Fnas) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) progresserait au rythme de 7,5 % par an sur la période 2014-2017, soit près de quatre points au-dessus de l’évolution du PIB ;

– L’augmentation des prestations servies aux familles modestes : la majoration du complément familial dont bénéficient les familles nombreuses et de l’allocation de soutien familial dont bénéficient près de 30 % des familles monoparentales mobiliseraient 785 millions d’euros à l’horizon 2018. Un système de bonus pourrait améliorer les aides au logement des familles dont le taux d’effort pour se loger est abusivement élevé ;

– Le doublement des crédits consacrés à la politique d’accompagnement de la parentalité : il permettrait d’avoir une politique plus active dans ce domaine.

Pour financer ces actions et ramener la Cnaf à l’équilibre financier en 2016, soit un besoin de financement de 2,1 milliards d’euros à cette date, le rapport envisage des économies substantielles. « Il s’agit d’un ajustement d’ampleur modérée puisque, net des redéploiements, il représente moins de 3 % des prestations familiales et fiscales dont bénéficient les familles ayant des enfants à charge », explique son auteur.

« Pour couvrir ce besoin de financement, un principe fort nous a guidés : demander un effort aux ménages les plus aisés, pour l’essentiel les familles des deux déciles de revenus supérieurs », plaide Bertrand Fragonard. Cet effort « pourrait comprendre la modulation de leurs allocations familiales », poursuit-il. Dans le schéma envisagé par le rapporteur, on conserverait le principe d’universalité des allocations familiales : toutes les familles ouvriraient droit à ces allocations, mais leur montant diminuerait avec le revenu. Cette modulation serait mise en œuvre en respectant deux impératifs :

– Le premier : ne pas toucher le haut des classes moyennes et donc ne diminuer les allocations qu’à partir d’un seuil suffisamment élevé de revenu ;

– Le second : ne pas altérer de façon significative la progression de ces allocations avec la taille de la famille et donc adopter un seuil qui progresse avec le nombre d’enfants.

« Si l’on veut respecter cet équilibre dans la durée, il faut indexer les seuils de revenus sur l’évolution des salaires et non sur celle des prix pour éviter que la progression des revenus fasse « passer » un nombre croissant de familles au-dessous du seuil où débute la diminution des allocations », complète Bertrand Fragonard. En dépit de ces précautions, une majorité des membres du HCF s’est déclarée « hostile à une telle modulation ».

Toutefois, la réforme des allocations familiales ne peut, à elle seule, couvrir le besoin de financement. « Elle devrait donc être complétée par des mesures fiscales qui ne touchent pas à la conception d’ensemble de notre système de prise en compte des enfants dans le barème de l’impôt sur le revenu d’une part, par des ajustements significatifs des autres prestations familiales d’autre part », ajoute le rapport.

Une fois opéré le rééquilibrage financier de la Cnaf, la branche famille retrouverait, à partir de 2017 et à législation constante, le chemin d’un excédent croissant, prévoit le rapport. Il sera alors temps de « procéder à des arbitrages sur l’emploi de cet excédent. Il faudra, et ce sera le choix majeur, choisir entre une meilleure indexation des prestations familiales et une révision de leur architecture ou un autre équilibre entre les services aux familles et les prestations monétaires ».

Le Premier ministre a demandé à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, et à Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, d’étudier, « de façon approfondie », les propositions du rapport, en prenant en compte l’avis exprimé par le Haut Conseil de la famille. Jean-Marc Ayrault réunira « prochainement » cette instance pour annoncer les options retenues par le gouvernement.