« Année blanche » et suppression de deux jours fériés: Bayrou annonce sa potion budgétaire amère

Publié le 15 juillet 2025 à 18h35 - par

Le Premier ministre François Bayrou a annoncé mardi 15 juillet des mesures drastiques pour réduire le déficit public et faire 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026. Parmi les principales annonces, le gel des prestations sociales et des retraites et la suppression de deux jours fériés, le « lundi de Pâques » et le « 8 Mai », immédiatement décriées par les oppositions qui le menacent de censure.

"Année blanche" et suppression de deux jours fériés : Bayrou annonce sa potion budgétaire amère
© Par BreizhAtao - stock.adobe.com

« C’est notre moment de  vérité », a déclaré d’emblée le Premier ministre, la mine grave, lors d’une conférence de presse en présence de la plupart des membres de son gouvernement.

Depuis des mois, le dirigeant centriste qui a fait de la lutte contre les déficits et la dette son ADN politique a multiplié les images esquissant un sombre tableau des finances publiques pour, dit-il, alerter les Français.

« Le surendettement », qui oblige le pays à « emprunter tous les mois pour payer les retraites ou payer les salaires des fonctionnaires », « est une malédiction qui n’a pas d’issue », a-t-il martelé mardi 15 juillet 2025, soulignant qu’à « chaque seconde, la dette de la France augmente de 5 000 euros ».

Dans ce contexte, et malgré un paysage politique fracturé qui présage d’une mission quasi-impossible pour faire adopter les budgets pour 2026 au Parlement à l’automne, François Bayrou a présenté « un plan pour dire stop à la dette et un plan pour dire en avant la production ».

Suppression de deux jours fériés

Le Premier ministre a proposé une mesure qui fait déjà grand bruit : la suppression de deux jours fériés, par « exemple » le « lundi de Pâques » et le « 8 Mai », tout en se disant « prêt à en accepter ou en examiner d’autres », pour doper l’activité qu’il juge insuffisante en France.

« Le lundi de Pâques n’a aucune signification religieuse », a relevé le chef du gouvernement, alors que cette date est fériée dans plus d’une centaine de pays dans le monde.

Quant au mois de mai, il est « devenu un véritable gruyère, où l’on saute de ponts en viaducs de congés ».

Gel des dépenses de l’État 

L’État, pour « montrer l’exemple », va geler ses dépenses en 2026 au niveau de 2025, « à l’exception de l’augmentation de la charge de la dette et des dépenses supplémentaires pour le budget des armées », a énoncé François Bayrou. Il a aussi mis en place « une règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite (…) pour les années qui viennent ».

L’État va réduire le nombre d’emplois publics de 3 000 postes dès 2026. Certaines agences de l’État vont être supprimées, d’autres vont voir leurs effectifs baisser pour un total de 1 000 à 1 500 suppression de postes.

Année blanche pour toutes les prestations sociales

Il a également annoncé une « année blanche » pour toutes les prestations sociales, y compris les pensions de retraite, c’est-à-dire qu’elles seront aussi gelées et ne seront pas revalorisées au niveau de l’inflation. 

« On aura exactement le même montant des retraites pour chaque pensionné que celles qu’on avait en 2025 », a-t-il indiqué. « L’ensemble des prestations sociales seront maintenues en 2026 à leur niveau de 2025 et il n’y aura pas d’exception », a-t-il ajouté.

Même gel pour les barèmes de l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée – ce qui reviendra à augmenter ces prélèvements, alors même que la hausse des impôts est censée être une ligne rouge pour la plupart des partis qui soutiennent le gouvernement.

« C’est le scénario catastrophe qu’on craignait », a indiqué à l’AFP le directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) Manuel Domergue après l’annonce par le Premier ministre d’un gel du barème des impôts, des prestations sociales et des retraites en 2026. « C’est un effort qui va peser sur les ménages modestes qui en ont le plus besoin », a-t-il ajouté.

« C’est une très mauvaise nouvelle », a abondé Delphine Rouilleault, présidente du collectif Alerte qui réunit 37 associations de lutte contre la pauvreté.

« L’Insee annonce la semaine dernière que la France a atteint un taux de pauvreté record, la seule réponse que le Premier ministre apporte c’est d’aggraver la situation des personnes les plus fragiles dans notre pays », a-t-elle déploré, demandant au gouvernement de « revoir sa copie et de ne pas faire des plus pauvres de notre pays les victimes de son projet de budget ».

Fiscalité 

Le Premier ministre a annoncé la création d’une « contribution de solidarité » pour les Français « les plus fortunés ».

Elle « devra faire participer à l’effort national les plus hauts revenus », a-t-il dit, en rappelant aussi sa volonté de « lutter contre l’optimisation abusive des patrimoines non productifs ».

« Nous ferons la chasse aux niches fiscales inutiles, inefficaces », a-t-il ajouté.

François Bayrou entend également réformer l’exemption fiscale pour frais professionnels des retraités. Ils bénéficient actuellement d’un abattement de 10 %, qui sera transformé en forfait annuel dans le but de mettre à contribution les retraites les plus importantes.

Un projet de loi sera déposé « à l’automne » contre la fraude sociale et fiscale.

5,3 milliards d’euros d’économies pour les collectivités 

L’État va demander 5,3 milliards d’euros d’économies aux collectivités en 2026, selon un document transmis par Matignon à la presse.

« La contribution qui sera demandée aux collectivités sera de 5,3 milliards d’euros. C’est 13 % de l’effort global, soit moins que la part des collectivités dans la dépense publique, qui s’élève à 17 % », a précisé à la presse François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire.

« Cela veut dire que la progression de la dépense devra être limitée au niveau de l’inflation », a-t-il expliqué.

Ces économies sont « inacceptables pour l’ensemble des élus locaux », a réagi auprès de l’AFP André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL), qui défend les intérêts financiers des collectivités.

Si ces propositions étaient « maintenues, nous serions conduits à en appeler au Parlement pour refuser ce budget », a averti André Laignel, également premier vice-président délégué de l’Association des Maires de France (AMF), qui craint que la facture soit en réalité plus salée pour les collectivités.

Le dispositif de ponction des recettes fiscales des collectivités, qui s’élève à 1 milliard d’euros en 2025, sera notamment « reconduit » pour le budget 2026, a indiqué le  Premier ministre François Bayrou, sans plus de précisions.

Ce mécanisme de « lissage » de la dépense sera « mobilisé à un niveau plus élevé », a complété François Rebsamen, évoquant des « modalités de retour » à discuter avec les collectivités, ainsi qu’une nouvelle conférence financière « avant la fin de l’été ».

Le Premier ministre a également annoncé un « soutien exceptionnel de 300 millions d’euros » aux départements les plus en difficulté.

Négociations avec les partenaires sociaux 

Six mois après la dernière loi sur l’assurance chômage, le Premier ministre a annoncé son intention de vouloir à nouveau réformer et débattre avec les partenaires sociaux sur les indemnisations des demandeurs d’emploi.

Il va aussi leur proposer d’ouvrir des négociations sur le droit du travail afin notamment de « faciliter les recrutements » et augmenter les offres d’emploi.

Médicaments et affection longue durée

Il a annoncé le doublement à 100 euros de la franchise annuelle sur les remboursements de médicaments, dans le cadre d’un plan de réduction de 5 milliards d’euros des dépenses sociales annuelles.

Parmi les autres mesures d’économie figure également une révision du statut des affections longue durée, avec un déremboursement des médicaments « sans lien » avec la maladie et la « sortie du statut » dans certains cas qui ne sont plus justifiés.

Allocation sociale unifiée 

François Bayrou va proposer avant la fin de l’année un projet de loi pour créer « une allocation sociale unifiée ».

Le versement social unique, qui fusionnerait plusieurs prestations sociales (RSA, prime d’activité…), est une ancienne promesse de campagne d’Emmanuel Macron pour faciliter le recours à certaines de ces aides.

Sans majorité, il a reconnu être « à la merci des oppositions », qui, si elles joignent leurs voix de la gauche à l’extrême droite, peuvent le faire tomber comme ce fut le cas en décembre, justement sur des textes budgétaires, pour son prédécesseur Michel Barnier. Mais il a assuré vouloir « changer les choses », « qu’importe le risque » de censure.

Or les premières réactions laissent présager une bataille parlementaire épique.


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