Finances locales 2025 : coup de gueule d’André Laignel contre le gouvernement

Publié le 19 juin 2025 à 15h00 - par

Alors que le Comité des finances locales examinait hier le rapport de l’OFGL sur les finances locales 2025, André Laignel, son président, a appelé à une censure du gouvernement si les contraintes qui pèsent sur les collectivités locales s’aggravent. Réaliste ?

Finances locales 2025 : coup de gueule d'André Laignel contre le gouvernement
© Par Olivier Le Moal - stock.adobe.com

Hier 18 juin, dès l’ouverture du Comité des finances locales (CFL), son président, André Laignel, attaquait fort : « La poursuite des contraintes sur les collectivités locales pourrait conduire la France à la récession, et justifierait donc la censure du gouvernement ».

Baisse de trésorerie de 41 % !

Le CFL examinait en effet le rapport annuel de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) sur les finances locales en 2024 mis en ligne aujourd’hui1, lequel, prend soin de préciser Benjamin Pasquier, directeur de cabinet de l’Association des Maires de France (AMF), « offre une vision objective des finances locales, car préparé par la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) ». La situation est alarmante, jugez plutôt !… En 2024, alors que les concours de l’État aux collectivités ont stagné à + 0,7 % et que l’inflation normative a coûté 5 Mds€ en 3 ans2, l’épargne brute et l’épargne nette sont en très forte baisse, respectivement – 9 % et – 15,4 %, a indiqué André Laignel lors d’une conférence de presse qui a suivi le CFL3. Quant aux dépenses de fonctionnement, elles ont davantage augmenté (+ 3,9 %) que les recettes (+ 2,2 %). Et même si l’investissement a crû (+ 7 %), comme traditionnellement en période pré-électorale, cela a été financé par une « hausse importante de la dette et une baisse de la trésorerie de 41 %, passée de 133 jours en moyenne dépenses de fonctionnement à 78 jours », selon André Laignel, les régions voyant même celle-ci fondre de 71 %, les départements étant « mieux » lotis à – 27 %. Au final, la dette des collectivités locales augmente de 4,2 %, leur solde s’élevant donc à – 10,3 Mds€ fin 2024, soit – 5 Mds€ en un an. Mais cela ne représente toujours que 7,9 % de la dette publique, en baisse d’un point par rapport à 2023, a tempéré le président du CFL, avant d’ajouter : « Le besoin de financement s’accentue, mais il est très loin des campagnes polémiques menées par l’État, annonçant 16 Mds€ de dérapage ».
Toutefois, selon André Laignel, « la dégradation des comptes va s’accélérer, s’aggraver, mettant l’ensemble des collectivités locales dans une grande situation de précarité dès cette année et portant le risque probable d’une récession de la France ». La situation du bloc local au sein des collectivités pourrait paraître enviable, celui-ci ayant encore de l’autonomie fiscale avec la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises, mais prévient Bertrand Hauchecorne, membre du CFL, « il va subir la rétraction des aides de l’État, des régions et des départements, ce qui ne peut encore figurer dans ce rapport pour 2024. Dans le Loiret, département plutôt à l’aise jusqu’ici, c’est – 20 % en 2025 par rapport à 2024 ». Voilà pour le constat, difficilement contestable. « André Laignel a raison, même s’il noircit le tableau, note Philippe Laurent, vice-président de l’AMF. Le bloc local qui doit continuer à assurer les services de proximité, va donc réduire l’investissement, ce qui participera à la récession ».

Se poser la question des politiques publiques ?

Maintenant, que faut-il faire ? « Si on annonce de nouvelles coupures de moyens pour 2026, la seule réponse possible est la censure sous toutes ses formes. Qu’elle soit appliquée par les collectivités locales dans le refus de payer à la place de l’État ou qu’elle soit une traduction parlementaire de ce recul inacceptable pour la nation », a assuré André Laignel. Là-dessus, Philippe Laurent s’inscrit en faux : « Appeler à la censure du gouvernement, c’est le travail des parlementaires, pas le nôtre ».
De son côté, le gouvernement cherche des économies maintenant : « Il a un budget à adopter, des comptes à rendre à Bruxelles4 », note Philippe Laurent. « Aux deux groupes de travail sur la conférence des territoires auxquels je participais, le gouvernement veut connaître nos lignes rouges, abonde Bertrand Hauchecorne : le remboursement intégral du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) par exemple5 ». Mais Philippe Laurent rappelle que « ce que nous faisons, nous collectivités locales, n’est pas facultatif, cela sert à maintenir la cohésion ».
Peut-on toutefois, une fois encore, baisser les investissements ? Rogner sur l’entretien des routes et des bâtiments, sur la nécessité de nouveaux équipements pour de nouveaux services, etc, a ses limites. Peut-on encore, après une augmentation de + 20 % en moyenne nationale de la taxe foncière entre 2018 et 20236, vouloir augmenter les taux ? Pour l’évolution des bases avec l’inflation, le gouvernement serait d’ailleurs « opposé à une augmentation l’an prochain pour ne pas alourdir les prélèvements obligatoires, autre contrainte imposée par Bruxelles », selon Bertrand Hauchecorne.
Ne faut-il pas alors se poser la question des politiques publiques elles-mêmes ? C’est l’avis de Philippe Laurent : « Le gouvernement dit qu’il faut gérer mieux, mais on ne gagnera ainsi que quelques milliards. La question, c’est quelles prestations remettre en cause, comment produire plus de richesses, que fait-on sur le vieillissement, la petite enfance, la politique familiale, les retraites… ? Ce sera aux habitants de faire les efforts ». Une façon de renvoyer à l’État la responsabilité de la dette et de le presser d’agir. Mais les collectivités interviennent aussi dans ces domaines. Les prestations, ce sont aussi celles des Départements, certes décidées et financées par l’État mais avec un reste à charge pour les Départements… L’action sociale, c’est aussi celle des CCAS, « mais qui pèse peu dans le budget du bloc local », selon Philippe Laurent. Par contre ce dernier reconnaît « le rôle important des tarifications de services en fonction des ressources des ménages, à la discrétion des collectivités locales. Il faut se poser la question d’une remise en cause, mais il faut une cohérence nationale sur le sujet ». Finalement, toutes ces questions appellent des décisions politiques. La suite avec les résultats de la conférence des territoires mi-juillet.

Frédéric Ville


1. Le rapport annuel de l’Agence France locale sur les finances locales 2024 est paru un peu avant.

2. 5 Mds€ en 2 ans (2023-2024), selon Gérard Larcher, président du Sénat.

3. Source (chiffres et citations d’André Laignel de tout l’article) : AFP, communiqué du 18 juin 2025.

4. La Commission envoie aux États membres au plus tard en juin la « référence trajectoire » pour leurs dépenses nettes pour les années suivantes, lesquels états doivent soumettre au plus tard le 20 septembre, leur plan budgétaire et structurel national à moyen terme (3 à 7 ans).

5. La loi de finances pour 2025 a finalement acté le remboursement intégral du FCTVA, alors que le PLF de Michel Barnier avait voulu l’amputer.

6. Source : rapport annuel 2024 de l’Observatoire des taxes foncières. Augmentation due pour 14,8 % à la revalorisation légale des valeurs locatives et pour 4,5 % à des hausses de taux.