Hier 6 mai, s’est déroulée pendant 3 heures à Paris, la conférence financière des territoires, en présence du Premier ministre au début, et de quatre ministres : Éric Lombard (Économie et finances), Amélie de Montchalin (Comptes publics), François Rebsamen (Aménagement du territoire et Décentralisation) et Catherine Vautrin (Travail, Santé et Solidarités). La conférence a rassemblé une quarantaine de participants, représentant les associations d’élus locaux1, le comité des finances locales (CFL) et les délégations parlementaires aux collectivités.
« Pas de mesures correctives sans concertation »
Selon le gouvernement, « cela a permis de partager un état des lieux des finances des collectivités, notamment de l’évolution de leurs recettes et de leurs dépenses entre 2019 et 2024, illustrant les spécificités de chaque strate », « sans toutefois tenir compte de l’inflation », selon Bertrand Hauchecorne, représentant de l’AMRF. François Rebsamen a assuré ne pas vouloir « imposer de mesures correctives sans concertation ». « Il y a eu un vrai travail préalable entre Bercy, la DGCL et les associations d’élus – l’ADF en tout cas – pour présenter des chiffres similaires. De plus, les ministres ont intégré les différences entre les niveaux de collectivités, apprécie Jean-Léonce Dupont, président de la commission finances de l’ADF. Globalement, cela se tend pour les régions, il y a urgence pour les départements, tandis que la situation est plus favorable pour le bloc communal ».
Les représentants des associations d’élus ont exprimé leurs priorités. La dotation globale de fonctionnement non indexée sur l’inflation ainsi que la suppression de la dynamique de la TVA ont été une nouvelle fois rappelées. Bertrand Hauchecorne, représentant de l’AMRF, a évoqué les inégalités entre communes, le recul de la transition écologique, la menace pour les communes (subventions, aide sociale, ingénierie) du retrait des départements, des économies possibles par allègement des contraintes et normes pesant sur élus et services, point également souligné par David Lisnard, président de l’AMF.
Il y a urgence pour les départements
À l’issue de ces échanges, le gouvernement a annoncé la mise en place de groupes de travail : l’un spécifique aux Départements à la demande de François Sauvadet, président de l’ADF, un autre sur la Fonction publique territoriale (FPT), un sur la prévisibilité des recettes et des investissements, un sur la contribution des collectivités. « Le groupe de travail des Départements va fonctionner comme un comité d’alerte dans l’immédiat. À plus long terme, il abordera la question de la solidarité, explique Jean-Léonce Dupont. C’est urgent, car les départements, dont 70 % des dépenses de fonctionnement – sociales – sont non pilotables risquent d’être en cessation de paiement, suite à des décisions de l’État. On ne décide pas du nombre de bénéficiaires ni du montant des allocations ou de la prise en charge de l’enfance ». Selon lui, l’effort demandé aux grandes collectivités par la loi de finances à travers le Dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), doit prendre en compte la situation spécifique des départements qui ne peuvent faire des économies que sur 30 % de leurs dépenses pilotables : « Or, dans les faits, les Départements financent 38 % de l’effort global demandé aux collectivités par la loi de finances », observe-t-il.
Ne faut-il pas réduire la voilure sur les aides ? Jean-Léonce Dupont, tout comme David Lisnard, demandent l’application aux collectivités de l’article 40 de la Constitution qui limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière : une charge publique ne doit pas être aggravée s’il n’y a pas de ressource en face. Pour les collectivités, « cela signifie refuser toute dépense nouvelle imposée sans recette nouvelle associée, précise Jean-Léonce Dupont. Déjà, une majorité de départements a refusé l’extension du Ségur de la santé fin 2024 et la hausse de 1,7 % du RSA le 1er avril dernier : si la CAF verse la hausse, une majorité de départements ne versent rien à la CAF ».
« Il va bien falloir parler politiques publiques »
Les groupes de travail devront présenter des propositions début juillet. Plusieurs élus ont indiqué qu’il faudra aussi, après l’abandon non souhaité de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou de la taxe d’habitation, aborder la question des recettes, notamment Johanna Rolland, présidente de France Urbaine. Un projet d’impôt résidentiel a ainsi été abordé à la fois par France Urbaine et l’AMRF, « mais François Bayrou ne veut pas en entendre parler », rapporte Bertrand Hauchecorne. Si les élus locaux ont apprécié la méthode, à l’image de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la FPT qui loue « beaucoup de précautions dans l’état des lieux, un ton non accusatoire et une rencontre dès début mai et non fin septembre comme d’habitude », il n’est cependant pas certain qu’ils proposent spontanément d’anticiper les efforts qui seront inévitablement demandés aux collectivités locales lors de la prochaine loi de finances pour 2026… si le gouvernement est encore là. « Le redressement des comptes publics, ce n’est pas que de la gestion. Les leaders politiques ne veulent pas dire quelles politiques publiques on diminuerait, mais il va bien falloir en parler un jour », conclut Philippe Laurent.
Frédéric Ville
1. Association des Maires de France (AMF), Association des maires ruraux de France (AMRF), Association des petites villes de France (APVF), Villes de France, France Urbaine, Intercommunalités de France, Assemblée des départements de France (ADF), Régions de France.