“L’ACO et les 24 Heures participent activement à la transition énergétique” (2/2)

Publiée le 17 janvier 2023 à 9h00 - par

Deuxième partie de notre entretien avec Pierre Fillon, Président de l'Automobile Club de l'Ouest (ACO), association organisatrice des 24H du Mans.
“L'ACO et les 24 Heures participent activement à la transition énergétique”

Vous travaillez avec les administrations locales, vous êtes intégré dans le tissu économique et social. Comment se concrétisent ces collaborations ?

Nos liens avec les grands et petits acteurs locaux sont très étroits et multiples, et cela pour X raisons. La première concrétisation de ce lien réside en la location par l’ACO du circuit des 24 Heures du Mans, qui est la propriété du syndicat mixte, composé de Le Mans Métropole, le département de la Sarthe et la région Pays de la Loire. Locataire, l’ACO participe à l’entretien du circuit, son bon fonctionnement.

Bien évidemment, quand on est organisateur de courses et identifié comme événement touristique, on se doit de respecter certaines règles d’accueil, de sécurité du public, mais aussi des riverains, de l’environnement. Ce sont des échanges, des collaborations devenus classiques et ordinaires entre l’ACO et les différentes administrations et institutions.

Sur des sujets plus récents, notamment celui portant sur le déploiement de l’hydrogène, vert bien entendu, dans la ville, le département ou la région, l’ACO s’est intégré à H2 Ouest, avec la ville et Le Mans Métropole, la Région Pays de la Loire, le Sydev et Lhyfe. L’ACO a ainsi créé une station de distribution Hydrogène, proche de l’aérodrome, qui sert au ravitaillement d’un bus H2 de la ville et sous peu d’une flotte de bennes à ordures puis de véhicules de société… Pour le développement de cette station, nous avons reçu des subventions de l’Ademe (agence de l’énergie et de la maitrise de l’environnement). Nous avons aussi noué des liens avec la Commission européenne, suite à la venue de la Commissaire Mariya Gabriel, en charge de la recherche et innovation, jeunesse et éducation. Le fait que nous traitions de l’hydrogène, dans sa globalité, à savoir production d’hydrogène, stockage, sécurité, performance, évolution financière, nouveaux métiers, a convaincu la commissaire que notre laboratoire de recherches qu’est la course, peut répondre à de multiples questions soulevées par l’hydrogène et son écosystème.

Pour résumer nos relations avec les différentes entités du Mans et alentours, nous ne pouvons et ne voulons pas travailler seuls. Il s’agit de travailler avec notre environnement et ses intervenants.

Justement, pourquoi viser 2025 pour le développement d’une course dédiée aux prototypes hydrogène ?

Parce que nous travaillons avec les constructeurs pour la mobilité durable de demain. En 2035, en Europe, la vente de voitures neuves à moteur thermique classique sera interdite, aussi faut-il trouver des solutions avec les constructeurs pour une mobilité accessible à tous et responsable. Pourquoi l’hydrogène ? Parce qu’il est sûr, fiable, qu’il assure performance, autonomie et recharge rapide, avec zéro émission de CO2 aux échappements de notre prototype doté d’une pile à combustible. Depuis 2018, notre prototype évolue sur différents circuits, notamment Le Mans, en Road to Le Mans, et en Michelin Le Mans Cup, une première mondiale à ce niveau de compétition. Avec cette machine, nous avons créé tout l’écosystème nécessaire puisque cette technologie n’a jamais couru en sport automobile, à ce niveau de compétition. Nous devons ainsi établir les règles de sécurité, avec différentes entités comme la FIA mais aussi le SDIS et l’ENSOSP, l’école nationale des sous-officiers sapeurs-pompiers d’Aix en Provence, référence internationale avec le Japon pour les incendies Hydrogène. Nous avons eu l’aide de Total Énergies pour construire une station H2 mobile, qui va de circuit en circuit, une autre première mondiale. Plastic Omnium fournit les réservoirs adéquats à la pratique du sport automobile. Symbio développe une pile à combustible adaptée aux demandes de cette pratique automobile. Avec ce programme, l’ACO et les 24 Heures témoignent de leur raison d’être : servir à la mobilité de tout un chacun. Avec MissionH24, nous participons activement à la transition énergétique puisque ce prototype, voiture laboratoire engagé par l’ACO et Green GT, partage toutes ces datas avec un groupe de travail constitué de constructeurs automobiles engagés dans la production de véhicules H2. En mettant à disposition nos recherches, nos avancées, nous progressions plus vite et de façon moins coûteuse pour tous. L’objectif : en 2025, 2026, aux 24 Heures du Mans, une catégorie hydrogène évoluera et rivalisera avec les moteurs thermiques classiques en piste pour la victoire au général.

Comment ces actions s’articulent-elles avec celles de la métropole et de la région ?

Cette décarbonation de la course, de l’activité en piste, s’inscrit dans un bilan carbone global qui concerne la métropole et la région. À horizon 2030, nous avons planifié des résultats en matière de décarbonation très significatifs. Avec Race to 2030, notre ambition est d’atteindre la neutralité carbone de notre épreuve phare, en réduisant de 30 % ses émissions et en compensant les 70 % restant par des actions.

Nous avons en effet réalisé le bilan carbone des 24 Heures du Mans, prenant en compte les activités en piste, les transports des équipes, la venue des spectateurs… Pour 2019, il représentait plus de 36 000 tonnes de CO2. Selon les thématiques, les activités pistes représentaient 2,5 %, le transport, les spectateurs totalisaient 65 % des émissions C02. Nous avons entamé des projets de réduction. Pour les activités pistes, nous sommes déjà passés de 2,5 % à 1,4 % grâce à l’introduction en 2022 d’un carburant 100 % renouvelable issu de résidus vinicoles, l’Excellium Racing 100 de Total Énergies. Pour le transport des spectateurs, avec la Métropole, nous les incitons à de la mobilité douce. La métropole et la région rendent possible cette mobilité douce (tramway, bus H2…) avec une fréquence adéquate à la demande.

Pour atteindre ses objectifs, l’ACO s’engage également à développer un programme de contribution carbone ambitieux afin de soutenir des projets permettant de capturer plus de 25 000 tonnes de CO2 annuelles à horizon 2030. Un bénéfice pour tous.

Pour l’Automobile Club de l’Ouest, acteur de la mobilité durable, la défense de la planète est l’affaire de toutes et tous.

Pourquoi avoir accepté d’être le premier parrain de la chaire neutralité 2040 de Le Mans Université ?

L’un des principes de l’Endurance est le travail en équipe. Les pilotes se partagent le volant de leur voiture, les ingénieurs et les mécaniciens participent au développement, à la performance de la machine et de l’équipe. Chaque personne est un maillon essentiel, avec ses forces, ses atouts propres. Cette chaire de neutralité carbone s’articule sur le même principe en réunissant le monde de la recherche, le secteur privé et les pouvoirs publics. Il s’agit d’une mise en commun des moyens (financiers et humains), une mutualisation des recherches, pour des résultats plus rapides, plus précis. Ces trois éléments sont bien distincts mais chacun a ses forces particulières, ce qui offre un plus grand terrain de jeux et d’application.

Être le parrain d’un tel « assemblage » pour une telle « cause » est plus que cohérent pour moi ; je suis vraiment honoré de cette fonction et j’en attends des propositions concrètes, lors de différents points d’étape que nous allons planifiés. Réfléchir et agir ensemble, quel meilleur programme ?

Vos responsabilités vous amènent à parcourir le monde. Comment se situe selon vous la France et ses territoires dans la lutte contre le dérèglement climatique ?

En tant qu’organisateur de courses et de championnats, internationaux, européens, l’Automobile Club de l’Ouest rencontre les autorités, les circuits et plus globalement les acteurs automobiles américains, européens, asiatiques, les pays du Golfe… À l’échelon national, nous avons rencontré la ministre des Sports et des conseillers de l’Élysée et du Premier ministre sur les sujets de la transition énergétique. Nous avons ainsi présenté notre offre de Green Ticket (incitation des spectateurs à utiliser une mobilité propre pour se rendre au circuit), une première à ce niveau d’événement sportif. Nous avons cette volonté de pédagogie, de partage d’informations sur la transition énergétique, partout où nous allons dans le monde. Les recherches et les stratégies sont différentes suivant les pays. Nous croyons aux recherches, aux progrès de la science, de la technique, nous y participons, mais pour atteindre cet objectif, c’est une prise de conscience globale qui est nécessaire, un changement de comportement général. Tout ne va pas être résolu grâce à la science ; nous devons apprendre à gérer différemment l’énergie, sous quelle que forme qu’elle soit. Et cela nécessite une collaboration de tous les acteurs, privés, publics, à l’échelon local, national et international.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Consultant, Professeur à l’Université du Maine, Membre de l’IUF

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