“La Ville du Mans vit au rythme des 24H” (1/2)

Publiée le 10 janvier 2023 à 9h00 - par

Première partie de notre entretien avec Pierre Fillon, Président de l'Automobile Club de l'Ouest (ACO), association organisatrice des 24H du Mans.
“La Ville du Mans vit au rythme des 24H”

Quel est l’intérêt pour un territoire comme le territoire Manceau d’être le théâtre d’une course comme les 24 Heures du Mans ?

Depuis près d’un siècle, les 24 Heures, course d’endurance, sont indissociables du Mans. Le Mans = les 24 Heures, les 24 Heures = Le Mans. La formule illustre parfaitement le lien existant entre l’épreuve sportive et la ville, Le Mans métropole, le département de la Sarthe et la région Pays de la Loire. Le succès et la renommée internationale de l’événement dépassent largement les portes du circuit. Des millions de téléspectateurs, plus de 250 000 visiteurs sur site contribuent chaque année à l’essor du Mans. Dans le monde entier, on connait la Tour Eiffel et Paris, tout comme, dans une moindre mesure sans doute, les 24 Heures et Le Mans, identifiées par le magazine National Geographic comme l’un des événements touristiques à avoir visité une fois dans sa vie.

Comment se traduisent concrètement les retombées de la course pour le territoire et de quelles natures sont-elles ?

Cette renommée internationale se traduit sur le « terrain ». Ainsi, avant la période Covid que nous avons traversée, nous avions mené une étude – avec l’université du Mans d’ailleurs – pour mesurer trois types de retombées financières des 24 Heures du Mans : directes, indirectes et induites. La période concernée était 2014.

Sur la base de ces données, il était alors possible de jauger l’impact économique, en emplois, et en termes de revenus salariaux. Les retombées financières directes (billetterie, droits télé, droits de licences, marketing, écoles de pilotage, séminaires…) s’élevaient à 52,3 millions d’euros en 2014 (contre 25 millions en 2001 et 38 millions en 2009).

Les retombées financières indirectes (dépenses des spectateurs non locaux en hébergement et restauration…) s’élevaient à 29,6 millions d’euros (contre 27,6 millions d’euros en 2009) et les retombées financières induites (liées aux entreprises locales dont l’activité est dépendante des sports mécaniques, les prestataires qui participent à l’événement) s’élèvent à 9,85 millions d’euros. Soit un total de 91,75 millions d’euros en 2014. Par comparaison, un club de football professionnel français générait en moyenne à cette date, 51,8 millions d’euros (source UCPF, saison 2012/2013) annuellement. Les retombées économiques (diffusion de l’impact dans l’activité du département) étaient estimées à 114,7 millions d’euros (111,5 millions d’euros en 2009).

Par comparaison, l’Open de France de Tennis générait alors 277 millions d’euros sur deux semaines d’événement, près de 500 000 spectateurs présents et 15 300 heures de télévision.
L’impact en emplois sur la Sarthe de l’activité du circuit des 24 Heures du Mans était de 2 456 équivalents temps pleins (2 290 en 2009) et, en termes de revenus salariaux nets, de 45,1 millions d’euros. Avec près de 160 salariés (aujourd’hui 190), l’ACO générait ainsi une activité économique équivalente à une entreprise de 2 456 équivalents temps pleins. Cela correspondait à 1 % de l’emploi en Sarthe.

La crise sanitaire a-t-elle confirmé en creux l’importance économique d’un évènement comme les 24 Heures du Mans pour le développement d’un territoire ?

La crise du Covid-19, drame sanitaire international, a démontré l’activité intense suscitée par les 24 Heures du Mans. Après une édition disputée à huis clos en 2020, puis la suivante, en 2021, sous jauge (50 000 spectateurs), le retour heureux à la « normale » en 2022 a été salué par tous, les concurrents, les spectateurs et les « locaux ». En 2023, pour le centenaire des 24 Heures du Mans, l’engouement est tel que nous avons déjà vendu toutes les places en tribune, en l’espace de quelques jours, puis toutes les aires d’accueil et de parking. Exceptionnellement, nous allons sans doute devoir veiller pour la première fois de l’histoire des 24 Heures, à la vente des billets enceinte générale sur la semaine afin de maitriser les transports, les accès au circuit, les flux autour de l’enceinte. Cette passion pour les 24 Heures profite bien évidemment au Mans directement et indirectement.

Imaginez 250 000 personnes présentes sur les quelques hectares que représente le circuit, certaines campant plusieurs jours sur site, dans une ville de 150 000 habitants ! Voilà l’un des impacts très concret des 24 Heures. Pour cela, il faut s’organiser, créer une « ville » dans la ville. Les prestataires, très souvent issus de la région, ou dans un périmètre de quelques dizaines de kilomètres, voient leur agenda bien mobilisé par la préparation des 24 Heures. La ville vit au rythme de la course. Le slogan choisi par la municipalité n’est-il pas significatif : « of course Le Mans ».

Votre club est en même temps un acteur de la mobilité durable, engagé dans la transition énergétique. Comment cela se concrétise-t-il ?

L’ADN des 24 Heures du Mans est, depuis près de 100 ans, identique : la course, la plus exigeante du monde, est un véritable laboratoire technologique. En piste, depuis 1923, de nombreuses évolutions technologiques ont été testées, validées. Les constructeurs automobiles, les acteurs du monde automobile, viennent au Mans jauger une innovation avant de la transformer en projet industriel.

La sécurité, la performance, le confort de conduite, la réduction de la consommation d’énergie et depuis une dizaine d’années, la mobilité durable et la recherche de nouvelles technologies permettant de réussir la transition énergétique nécessaire pour la défense de notre planète sont les thématiques testées en piste, durant 24 Heures de compétition hors normes.

Depuis 2018, l’ACO promeut l’hydrogène en compétition, avec MissionH24, programme en collaboration avec GreenGT. L’objectif : la création d’une catégorie dédiée aux prototypes hydrogène pour les 24 Heures du Mans, à horizon 2025.

Propos recueillis par Fabien Bottini, Consultant, Professeur à l’Université du Maine, Membre de l’IUF

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