Arnaud Thenoz : “Nous demandons qu’une procédure aide le préfet à décider quels événements il peut autoriser pendant les Jeux olympiques”

Publiée le 5 février 2024 à 9h00 - par

Entretien avec Arnaud Thenoz, Président délégué de la Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités (FNCOF).
Arnaud Thenoz : “Nous demandons qu'une procédure aide le préfet à décider quels événements il peut autoriser pendant les Jeux olympiques”

Sécuriser les Jeux olympiques entraîne une mobilisation sans précédent des policiers et gendarmes, entre juin et septembre 2024, dont les modalités sont précisées par une circulaire du 13 décembre 2022 (Intérieur, Culture et Sports). D’où un manque de visibilité sur les forces de l’ordre qui resteront disponibles pour la sécurité des événements festifs et culturels qui se déroulent traditionnellement l’été dans les territoires. Quelques mois avant l’ouverture des JO, dans le doute, les préfets multiplient les interdictions, allant ainsi à l’encontre de la circulaire qui prévoit le maintien des événements de moindre ampleur nécessitant le recours à des moyens locaux de sécurité, « dans un usage modéré des forces et en dialogue avec les collectivités territoriales ». Le collectif de défense des festivités populaires et culturelles de France* sera reçu par le gouvernement le 12 février 2024. Arnaud Thenoz, Président délégué de la Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités, nous en dit plus.

Pouvez-vous rappeler le contexte de la sécurisation des JO 2024 ?

La circulaire du 13 décembre 2022 précise que la sécurité des sites olympiques nécessite de mobiliser les forces de l’ordre et de les renforcer par les effectifs présents dans les départements et les régions. Ce qui induira forcément une perte d’effectifs dans les territoires. Après une période Covid compliquée, le rythme de croisière des festivités n’a pas totalement repris. Les interdire l’été prochain reviendrait à un nouvel arrêt de l’activité associative dans les territoires. Avec un impact sur le lien social, une perte d’attractivité et d’activité touristique et, enfin, une perte économique importante, non seulement pour les fêtes et festivals, mais aussi en termes de retombées chez leurs partenaires et prestataires. Sachant que la France compte environ 27 000 associations festives qui pèsent pour 13 milliards d’euros dans l’économie nationale. Notre objectif est donc de trouver des solutions pour au moins garantir un maximum de festivités dans les territoires ruraux éloignés des sites olympiques cet été. Dans 80 % des cas, il n’est pas nécessaire que des forces de l’ordre soient présentes sur le site pendant la durée d’un événement ; elles sont bien évidemment impliquées dans le dispositif de sécurité, mais il n’y a pas de brigade ou de compagnie de gendarmes mobilisables sur place.

Les annulations proviennent aussi des organisateurs ?

L’État a donné autorité au préfet pour juger de ce qui pourrait être conservé ou pas, sur la base de données qui ne sont pas connues pour le moment, puisqu’on ignore le nombre d’effectifs de forces de l’ordre qui seront conservés dans les territoires. Mais les préfets aussi sont dans le flou total sur le nombre d’effectifs qui seront disponibles. Et il n’y a pas que les policiers et les gendarmes, il y a aussi une forte mobilisation des secouristes et des sociétés de sécurité privée qui sont demandées en renfort massif pour les Jeux olympiques et ne seront plus disponibles dans les territoires. Lors des échanges de concertation avec les préfets, la pression est telle que l’organisateur bénévole de l’événement préfère annuler de lui-même pour ne pas subir une annulation administrative. On en est aujourd’hui à plus de mille annulations du fait des organisateurs partout dans les territoires, sur environ 30 000 événements.

Ces annulations mettent en péril toute l’économie touristique locale ?

Non seulement l’économie touristique, mais toute l’économie locale elle-même. Artificiers, forains, traiteurs, débits de boisson, loueurs de matériels… Tous seront impactés, sans compter les artistes intermittents du spectacle qui n’atteindront pas les 507 heures qui leur sont nécessaires pour bénéficier des aides de l’État. C’est un effet « boule de neige ». C’est pourquoi nous avons relancé mi-janvier le collectif qui existait depuis 2020, qui réunit les artistes, les organisateurs, les collectivités et les représentants économiques autour des festivités pour pouvoir ensemble porter une voix et trouver des solutions.

Vous rencontrez le gouvernement le 12 février 2024, qu’en attendez-vous ?

Depuis 2022, nous avons saisi à plusieurs reprises les ministres concernés, y compris la Première ministre et le président de la République, pour leur signaler les incohérences et les difficultés qui allaient découler de ces interdictions. Nous n’avons pas de retour pour l’instant. Je me suis entretenu avec Gabriel Attal au téléphone, qui m’a dit s’occuper du dossier, mais il en a beaucoup d’autres sur le feu. Néanmoins, je pense qu’on aura un retour assez vite puisqu’une réunion est prévue le 12 février. Nous demandons notamment que soit élaborée une procédure qui permettrait au préfet, soit d’être accompagné soit d’avoir une ligne qui lui dirait ce qui peut être maintenu ou non. Pour le moment c’est à la discrétion des préfets ; certains sont très ouverts, impliqués et prennent des risques, ils s’engagent, mais d’autres ouvrent le parapluie pour se protéger, car les responsabilités sont assez fortes. À partir de mi-février, il y aura des directives claires de l’État et donc des annulations administratives. Une volonté d’échange se met en place. Nous avons besoin de visibilité et d’être rassurés, sans compter que pendant la période concernée, il y a la Fête nationale.

Les associations d’élus se mobilisent ?

Nous comprenons très bien que certaines fêtes ne pourront pas avoir lieu, mais nous avons besoin de prévenir les organisateurs pour qu’ils n’engagent pas de frais qu’ils ne pourront pas récupérer. Car, une organisation de fête se prépare un an à l’avance. Les contrats d’artiste sont signés 6 à 8 mois avant la date ; or, le Code du travail prévoit que tout contrat signé est dû. Donc, en cas d’annulation, les structures devront payer le contrat sans avoir perçu de recettes. Que ce soit les élus ou les artistes, personne n’a pris cette question en compte. La prise de conscience collective a été tardive sur le fait que les territoires éloignés des sites olympiques seraient concernés, et c’est pourquoi les associations d’élus nous ont rejoints seulement maintenant dans le collectif. L’organisateur et le maire, c’est un tandem indispensable pour la réussite de l’événement. D’ici l’été, on tempère, on temporise, on essaye d’accompagner, de rassurer nos 3 800 adhérents, mais aussi tous les organisateurs de fêtes.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

* qui regroupe trente-quatre structures dont l’Association des Maires de France (AMF) et l’Association des Maires ruraux de France (AMRF)

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