“Créer un service commun : une solution au recrutement des secrétaires de mairie”

Publiée le 17 octobre 2022 à 8h30 - par

Les petites communes n'arrivent plus à recruter leur secrétaire de mairie, pour des postes de seulement quelques heures par semaine. Depuis une dizaine d'années, la Communauté de communes Mad & Moselle (Meurthe-et-Moselle, 48 communes dont la majorité compte entre 100 et 300 habitants, 20 000 habitants, 170 agents) les recrute pour le compte de ses communes-membres. Jean-Charles de Belly, directeur général des services (DGS), nous explique comment.
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Pourquoi parle-t-on du « blues » des secrétaires de mairie ?

C’est un métier difficile, qui représente souvent le dernier service public du village et pour lequel on demande énormément de polyvalence sur les sujets à traiter : finances publiques, marchés publics, comptabilité, recherche de subventions, état civil, droit funéraire… Le moindre petit projet est compliqué et les textes juridiques s’enchaînent. Les agents – généralement des femmes – doivent être en quelque sorte « spécialistes de la généralité ». Il leur est impossible d’être pointues sur tous les sujets, d’autant plus qu’elles ne sont parfois présentes que quelques heures par semaine. Elles sont souvent isolées et travaillent à temps partiel. De plus, les plus petites communes recrutent des agents de catégorie C sans formation initiale, malgré la complexité de la fonction. D’où une « crise des vocations ».

Quelle solution avez-vous adoptée ?

Depuis 2013, nous avons mutualisé progressivement les secrétaires de mairie, en créant un service commun avec les communes volontaires : il comprend aujourd’hui un pôle de dix-huit personnes. La communauté de communes les recrute à temps complet et les met à disposition des communes, qui restent leur seul chef. Deux postes de catégorie B à mi-temps les encadrent, organisent le service et sont leur contact permanent. Il y a ainsi un esprit d’équipe et d’entraide. Les secrétaires de mairie ne se sentent plus isolées, elles peuvent s’appuyer sur les services supports de l’intercommunalité – marchés publics, finances, RH… – et bénéficient des avantages sociaux (tickets restaurant, garantie maintien de salaire, participation à la mutuelle, chèques vacances…).

En outre, grâce au service RH de la Communauté de communes, il y a un vrai suivi de carrière de ces agents. Elles peuvent bénéficier de mobilité entre les communes (en cas de mésentente avec le maire ou à l’occasion d’un changement de mandat, par exemple) mais aussi de passerelles avec les services supports. Nous avons ainsi, par exemple, recruté une secrétaire de mairie au service finances. Aujourd’hui, trente de nos quarante-huit communes bénéficient de cette mutualisation qui répond bien à leurs besoins. J’ai été assez déçu de la position adoptée par le SNDGCT et l’Association des Maires de France durant le colloque organisé par le Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales et Les dirigeant(e)s des territoires, le 16 septembre 2022 à Paris ; ils semblent plutôt favorables à un groupement d’employeurs, alors que la loi autorise la création de services communs. Or, ce service n’est qu’un avantage et non un service de remplacement ; nous restons complémentaires par rapport au centre de gestion, avec lequel nous ne sommes pas en concurrence.

Qu’en est-il de la formation des secrétaires de mairie ?

C’est un métier qui s’apprend sur le tas. Nous avons donc mis en place un tutorat : une secrétaire de mairie expérimentée, rémunérée en activité accessoire, accompagne la secrétaire de mairie pendant six mois lorsqu’elle débute. Avec le centre de gestion, l’association des maires de Meurthe-et-Moselle et l’institut d’administration des entreprises (IAE), nous avons créé un diplôme universitaire (DU) qui répond aux besoins de ce métier, en apportant une formation initiale de six mois. Nos secrétaires de mairie débutantes y sont inscrites. Par ailleurs, avant même de mutualiser les secrétaires de mairie, nous avions dès 2007 mutualisé leur formation professionnelle, grâce à une convention de partenariat avec le CNFPT. Celui-ci finançait un formateur en intra, sur le site de la communauté de communes. Ce qui a été l’élément déclencheur ; après cela, nous avons créé le service commun et nous avons continué à mutualiser la formation – non seulement pour les secrétaires de mairie qui appartiennent au service commun mais aussi pour les autres.

Quel est le profil des personnes recrutées ?

Les contextes des trente communes sont très différents : parfois, le maire fait beaucoup de choses lui-même, parfois il laisse beaucoup plus de place à la secrétaire de mairie. Cela demande une certaine gymnastique intellectuelle de s’adapter aux besoins de chaque commune mais ce qu’il faut, c’est avoir quelques bases de comptabilité. En 2013, les personnes étaient recrutées sur des emplois d’avenir. Aujourd’hui, elles le sont en PEC (parcours emploi compétence) pendant un an, avec une aide de l’État qui permet de financer le DU et de prendre du temps pour les former. Et bien sûr, ensuite, on les garde. On les « stagiairise » et on les fait rentrer dans la fonction publique : sans concours pour les catégories C tandis que celles qui veulent évoluer sont accompagnées pour passer des concours de catégorie B. Les personnes recrutées ont souvent perdu un emploi et sont éligibles au PEC, ou alors ce sont des personnes très jeunes.

Avez-vous de nouveaux projets pour améliorer encore la situation des secrétaires de mairie ?

Nous avons un projet de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). L’extrême polyvalence ne convenant plus aujourd’hui, nous voulons spécialiser quelques secrétaires de mairie volontaires sur certains domaines : l’état civil, le droit funéraire, la comptabilité et la conduite de projets. Elles deviendront la référente sur le sujet pour tout le réseau. Nous allons aussi expérimenter en 2023 un projet de « mairie virtuelle ».

Dès le 1er janvier 2023, les secrétaires de mairie volontaires effectueront une permanence téléphonique, avec un numéro unique pour les habitants de toutes les communes pendant les 39 heures d’ouverture, afin de leur apporter un premier niveau de réponse. Si nécessaire, c’est la secrétaire de mairie de la commune concernée qui rappellera l’usager avec les informations complémentaires. Une révolution, alors que certains secrétariats de mairie ne sont ouverts que deux heures par semaine.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

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