Christian Métairie : “Après les émeutes, notre franchise est passée de 1500 euros à 2 millions d’euros !”

Publiée le 5 octobre 2023 à 10h45 - par

Après les violences urbaines, qui se sont produites du 27 juin au 5 juillet 2023, les communes ont aujourd'hui d'importantes difficultés pour être indemnisées et pour conserver leur contrat d'assurance. Comme 150 autres communes, Christian Métairie, maire d'Arcueil (Val-de-Marne, 21 962 habitants) et membre du bureau de l'Association des Maires de France (AMF), a reçu de son assureur un avenant à signer sous peine de ne plus être couvert au 1er janvier 2024.
“Après les émeutes, notre franchise est passée de 1500 euros à 2 millions d'euros !”

Quelles dégradations a subies la ville d’Arcueil lors des émeutes de l’été dernier ?

La ville a plutôt été épargnée, nous n’avons pas eu tant de dégradations que cela. Il y a eu une agression sur un gymnase, où seules les vitres extérieures du bâtiment ont été brisées. Ainsi qu’une intrusion extrêmement violente d’une vingtaine de personnes dans le hall de la mairie, avec des tirs de mortier à l’intérieur. Toutes les portes et le mobilier ont été cassés et un début d’incendie a été maîtrisé. Mais les dégâts, évalués à 35 000 euros, restent heureusement très marginaux. La ville a également fait appel à une société de gardiennage, ce qui a occasionné des surcoûts de 80 000 euros. D’autres dégâts plus importants relèvent de l’intercommunalité : beaucoup de bacs poubelles ont été détruits, ce qui a fait fondre le bitume de la voirie. Soit, 350 000 euros pour les bacs poubelles des 24 communes et plus d’1,5 million d’euros pour la voirie. Les dégradations ayant eu lieu dans la nuit du jeudi au vendredi, la mairie a été fermée le vendredi, qui a été consacré à réparer les dégâts. En particulier, pour nettoyer le hall, mettre des plaques en bois pour fermer les vitres et sécuriser la mairie et le gymnase. Bien entendu, le personnel communal ayant été mis à contribution, pendant ce temps-là il ne faisait pas autre chose.

Comment se sont passées les relations avec votre compagnie d’assurance ?

Notre police prévoit une franchise de 1 500 euros par sinistre. Avant d’envoyer la facture des 35 000 euros à notre assureur, nous avons transmis le bilan financier des dégradations à la préfecture, à sa demande. Avec l’hypothèse que l’État pourrait éventuellement prendre une partie de ce que les assurances ne rembourseraient pas – la plus grosse dépense, que représentait le gardiennage, n’étant pas couverte. Mais quelle n’a pas été notre surprise de recevoir début septembre un courrier de la SMACL, proposant un avenant. Au cas où elle ne signerait pas cet avenant, la ville serait radiée et ne serait donc plus couverte, au 1er janvier 2024. Autant dire qu’il s’agit d’un avenant « obligatoire ».

Quelles sont les dispositions de cet avenant ?

Il stipule d’abord que tous les dégâts liés à des émeutes ne seraient pas couverts s’il s’avérait que des agents seraient impliqués d’une façon ou d’une autre. Je ne vois pourtant pas pourquoi le fait qu’un délinquant soit un employé de la commune changerait quelque chose. Mais, et c’est plus inquiétant, l’avenant modifie les modalités de remboursement en cas d’émeute. La franchise passerait de 1 500 euros à 2 millions d’euros et le maximum de remboursement s’élèverait à 2 millions d’euros par sinistre. Enfin, sur un an, les remboursements pour les émeutes ne pourraient pas dépasser 3 millions d’euros.

La commune risque donc de ne plus être assurée ?

Ce courrier nous a laissés sur le flanc… Mais nous avons vérifié : l’assureur en a le droit. Notre première inquiétude concerne déjà ce que recouvre le mot « émeute », l’avenant ne le précise pas. Si, par exemple, des jeunes mettent le feu à une école, est-ce une émeute ? Ensuite, le courrier – un courrier-type qui a été envoyé à 150 communes – ne prend pas en compte la sinistralité de la commune. Il est le même pour Arcueil qui ne leur a pas coûté grand-chose et pour les grandes villes. Nous avons appris que d’autres assureurs ont même radié les communes de toute possibilité d’assurance, alors que c’est déjà très difficile pour une commune d’assurer ses biens immobiliers (chez nous, par exemple, la voirie n’est pas assurée). La situation est donc compliquée. Soit, on signe l’avenant et on n’est plus assurés correctement – on n’a quasiment plus d’assurance en cas d’émeute. Soit, on ne le signe pas et on n’est pas du tout sûrs de retrouver une autre compagnie qui accepte de nous assurer. Nous avons donc interpellé l’AMF, qui s’est emparée de la réflexion et a pris contact avec les services du Premier ministre. Sans certitude que cela débouche sur quelque chose…

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

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