« Nous devons prendre conscience des stéréotypes de genre à l’école »

Publiée le 22 décembre 2022 à 10h00 - par

L'Association nationale des directeurs et des cadres de l'éducation des villes et des collectivités territoriales (ANDEV) a tenu son congrès national annuel du 7 au 9 décembre 2022 à Évian, sur le thème "Agir pour l'égalité des genres". Cécile Duportail, secrétaire adjointe de l'ANDEV et DGA à la ville d'Arcueil, dévoile les réflexions qui en sont issues.

Pourquoi avoir choisi le thème de l’égalité des genres pour votre dernier congrès ?

À chaque fin de congrès, nous choisissons le thème du congrès suivant en fonction des propositions des adhérents, et celui de l’égalité entre filles et garçons dans le cadre éducatif ressortait depuis quelques années. En travaillant dessus, nous nous sommes aperçus qu’il fallait y intégrer l’égalité de genre, que les enfants pouvaient se sentir enfermés dans cette norme sociale et que les deux sujets allaient ensemble. Le genre est un sujet sensible et quelques collègues ne comprenaient pas que l’ANDEV souhaite le traiter, ils ne voyaient pas en quoi c’était un thème éducatif. Il y a donc eu beaucoup de questionnements, de débats – toujours très respectueux, et nous avons effectué un cheminement collectif, lors de la préparation et bien évidemment pendant les trois jours de congrès. En réalité, ce sujet nous semblait éminemment éducatif pour pouvoir donner à chaque enfant les mêmes chances dans la vie. Car aujourd’hui, entre le sexe qu’ils se reconnaissent et leur identité, tous n’ont pas les mêmes chances.

Que constatez-vous dans les faits, à l’école ?

Même si il y a des évolutions, nous constatons encore beaucoup de stéréotypes reproduits dans la société, la famille, les amis, à l’école. On n’éduque pas de la même façon les garçons et les filles. Et de ce fait, l’enfant se sent encore plus isolé et encore moins dans la norme quand il ne se sent pas dans le bon corps. Je vais vous citer quelques exemples. Dans les cours d’école, le terrain de foot est souvent placé au milieu, ce qui fait que la cour est utilisée à 80 % par les garçons. Dans de nombreux ouvrages de littérature jeunesse, les héros sont souvent des garçons, avec des rôles de filles toujours un peu stéréotypés. Même si aujourd’hui, de nombreux livres sont attentifs à casser ces stéréotypes. On voit aussi qu’il y a une différence d’accès au sport à l’adolescence, puis plus tard dans le choix du métier, dans la façon dont les filles vont se projeter sur certaines filières. Non seulement, au privilège des garçons mais aussi à leur désavantage car à partir du moment où l’on enferme quelqu’un dans une norme, celui qui ne s’y reconnaît pas peut en souffrir.

Pourriez-vous citer certaines initiatives des collectivités ?

Beaucoup de collectivités repensent aujourd’hui leur cour d’école, en réorganisant les espaces pour que tous les enfants se sentent à l’aise, avec des endroits où ils peuvent se cacher, être tranquilles. Plusieurs collectivités ont nommé des chargés de mission à l’égalité femmes hommes et à la lutte contre les discriminations. Ce sont des personnes-ressources qui travaillent avec tous les services et développent des formations visant à faire reculer les pratiques et voir comment faire autrement. Je dirais même qu’il faut commencer par ça. Et que cette formation doit se travailler sur la durée, qu’elle doit amener les équipes à se questionner sur leurs pratiques quotidiennes. La sociologue Cléolia Sabot, doctorante à l’université de Lausanne, a même suggéré que l’on pouvait réécrire certains livres… Cela pourrait être un travail à faire avec des enfants, en leur demandant ce qui les gêne dans un texte et comment on pourrait le réécrire pour qu’il ne soit pas stéréotypé.

Quelles sont les principales conclusions auxquelles ont abouti les travaux du congrès ?

Pendant le congrès, notre objectif était de prendre conscience collectivement de l’existence de ces stéréotypes et que nous contribuons tous, consciemment ou non, à les reproduire. Il fallait que chacun reparte en se disant que c’était bien un sujet éducatif et qu’il devait y travailler avec ses élus et ses équipes. C’était notre principal objectif, et je pense qu’il est atteint. J’appréhendais un peu les réactions pendant le congrès, car ce sujet touche aussi à l’intime. D’où le choix dans les grands témoins, de faire appel à des personnes concernées qui ne se sentait pas dans la norme, qui avaient pu en souffrir et qui avaient dû faire un travail important pour trouver leur place. Des intervenants de très grande qualité nous ont aidés à comprendre les différentes notions autour du genre, sujet vaste et complexe qui utilise beaucoup de nouveaux termes. Mais si parfois, on a besoin d’une définition pour faire exister une identité ou un sentiment, il ne faut pas pour autant enfermer les personnes. L’objectif était juste de faire prendre conscience à la communauté éducative, en quelque sorte, de l’infinité des possibles… Un objectif aussi était de prendre conscience que les jeunes s’interrogent eux-mêmes sur qui ils sont, qu’ils peuvent parfois ne pas se reconnaître dans le genre ou les caractéristiques qu’on leur a attribués et que cela peut être très douloureux, très isolant. Même si ce n’est évidemment pas la majorité, les éducateurs et leurs équipes doivent être formés pour pouvoir répondre aux questions de ces jeunes. Notre mission est d’être à leur écoute, de les accompagner et de les protéger, afin de leur donner les mêmes chances.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

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