Olivier Richefou : “Il faut ouvrir le débat de société sur l’accompagnement de nos aînés”

Publiée le 28 mars 2024 à 8h00 - par

Lors d'un ultime vote au Sénat, le Parlement a définitivement adopté mercredi 27 mars 2024 une loi pour le "bien-vieillir", sans masquer ses inquiétudes sur l'avenir du secteur de l'autonomie, toujours privé d'une loi de programmation financière sur le grand âge pourtant promise de longue date. Olivier Richefou, Président du Conseil départemental de la Mayenne et Président de la commission Grand âge des Départements de France répond à nos questions.
Olivier Richefou : “Il faut ouvrir le débat de société sur l'accompagnement de nos aînés”

Aujourd’hui, plus d’un Français sur cinq a 65 ans. La proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie (dite « PPL Bien vieillir ») adoptée définitivement au Sénat ce 27 mars, après un examen en commission paritaire, vise à adapter la société à cette évolution démographique. Le texte crée notamment un service public de l’autonomie dans chaque département. Olivier Richefou, Président du conseil départemental de la Mayenne, et Président de la commission Grand âge des Départements de France, tout en reconnaissant l’importance des avancées concrètes de la loi Bien vieillir, considère qu’il faudra aller plus loin. Il appelle de ses vœux « un projet de loi global et ambitieux » qui fixe « des décisions structurelles pour l’avenir du secteur ».

Quelles sont, selon vous, les mesures-phares de la loi Bien vieillir ?

La possibilité de conserver ses animaux de compagnie en Ehpad est évidemment une disposition très importante, à portée symbolique. C’est une mesure courageuse portée par le gouvernement, dont l’application nécessitera beaucoup de pédagogie et d’échanges dans les établissements car elle ne sera pas facile à mettre en œuvre. Chaque Ehpad devra trouver de  la souplesse pour que son règlement intérieur encadre un certain nombre de situations où ce ne sera malheureusement pas possible. Autre avancée majeure : le droit de visite inconditionnel, qui permet aux résidents de recevoir toute personne. Cela permettra d’éviter des moments terribles, comme ceux que nous avons vécus pendant la période du Covid et que personne ne veut reconnaître, où l’on a empêché les familles d’aller rendre visite à leurs parents. Je citerai aussi la carte professionnelle dont seront désormais dotés les services d’aide à domicile qui accompagnent les personnes âgées ou en situation de handicap. Outre le fait que cela leur facilitera le stationnement, qu’ils attendront moins longtemps à la pharmacie, cette mesure apporte une forme de reconnaissance à leur engagement. Enfin, l’encadrement des écarts de tarifs dans les établissements, entre les personnes modestes qui bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement pour qui la collectivité peut prendre en charge une part et ceux qui ont des revenus suffisants, est une excellente chose.

Vous pointez toutefois un texte insuffisant qui ne répond pas aux enjeux du grand âge ?

À partir de 2030, arrive un mur de l’évolution démographique avec plus de la moitié de personnes âgées qui seront en perte d’autonomie. Cela correspond à la génération des enfants nés après la guerre qui auront 85 ans en 2030, l’âge ou les besoins en accompagnement deviennent majeurs. Nous n’y sommes pas totalement préparés. Deux sujets ne sont pas traités dans la loi Bien vieillir. Tout d’abord, la gouvernance doit être clarifiée et simplifiée entre les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux, à la fois sur la question du domicile et sur celle des différents types d’établissements. Et la question financière reste en suspend, sachant que 10 milliards d’euros supplémentaires seront nécessaires chaque année, pour remettre à niveau les établissements dont la vétusté est avérée, et surtout pour financer le fonctionnement des Ehpad où le taux d’encadrement et le nombre de personnes sont trop réduits pour effectuer l’ensemble des missions dans les meilleures conditions. Les besoins de personnel sont aussi très importants pour le service d’aide à domicile, ce qui crée des files d’attente pour le maintien à domicile dans de nombreux départements. Qui va apporter ces 10 milliards d’euros ? Il ne faut pas attendre une dotation de l’État qui arriverait par miracle…

Comment financer et gérer ces besoins liés à l’autonomie ?

Il est important d’ouvrir le débat de société qui doit concerner tous les acteurs afin de déterminer comment on accompagne nos aînés. De nombreux rapports ont été publiés, la documentation existe ; il suffit maintenant de rassembler les énergies et de faire des choix. Il faudra un texte de loi fondateur pour trancher sur les deux sujets : qui fait quoi et qui paye quoi ? Aujourd’hui, le département pilote une partie des services à domicile, le reste étant piloté par les agences régionales de santé, notamment les soins infirmiers à domicile. Pour les Ehpad, c’est affreusement compliqué, avec trois sections différentes : le département, l’ARS et une compétence partagée. Sur la question du financement, plusieurs sources de recettes sont envisageables : familles, agences régionales de santé, départements, solidarité nationale, contrats d’assurance, liquidité plus importante de l’immobilier dans certains cas, établissement d’une nouvelle journée de solidarité comme le lundi de Pentecôte… Ces questions sont sur la table. Que ce soit les professionnels, les collectivités, ou le gouvernement, tous souhaiteraient que ce débat ait lieu rapidement. Nous l’attendons avec impatience.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

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