À Marseille, un projet veut révolutionner l’accueil des SDF pour « ne laisser personne dehors »

Publié le 28 février 2018 à 7h19 - par

À Marseille, un projet pilote innovant veut révolutionner l’accueil des 12 000 SDF de la ville, en remplaçant l’hébergement d’urgence par un logement durable grâce à des mises à disposition de bâtiments publics. L’ambition : « ne laisser personne dehors », résument ses promoteurs.

À Marseille, un projet veut révolutionner l'accueil des SDF pour "ne laisser personne dehors"

« On veut offrir un logement temporaire digne à tous les SDF, sans restriction, et sortir de la logique de la « file d’attente » du 115 », explique Marthe Pommié, à la tête du « Lab zéro », un laboratoire d’innovation publique financé par l’État et coordonné par la préfecture de région et les consultants de Marseille Solutions, qui se veulent des « accélérateurs d’optimisme ».

En un an, le « Lab zéro » a déjà mis à disposition un bâtiment public vide, la résidence Bernard du Bois, dans le centre de Marseille. En septembre, la structure veut y héberger 80 à 120 personnes, mais aussi y louer des espaces à des entreprises et confier à une association un restaurant accessible à tous.

« On viendra dans ce lieu pour y loger, mais aussi pour manger pour 5 euros ou pour travailler, on ne cloisonne pas les SDF », détaille Marthe Pommié.

Chaque personne ou famille accueillie pourra rester plusieurs mois dans son appartement, sans avoir chaque matin à appeler le 115, et sera accompagnée par des travailleurs sociaux pour trouver un logement pérenne. « On ne gère pas des lits mais des personnes », assure Marthe Pommié.

Pour atteindre son objectif « zéro SDF » d’ici 10 ans – sur lequel beaucoup se sont déjà cassé les dents – le « Lab zéro » veut mettre à disposition rapidement d’autres bâtiments publics, en prouvant que ces occupations temporaires sont doublement bénéfiques : elles génèrent une économie locale, et sont rentables pour l’État, qui dépense 150 000 euros par an et par bâtiment en moyenne pour entretenir un patrimoine immobilier vide qui se dégrade.

« Agir dès la rupture »

Le laboratoire, qui a remporté un appel à projets du gouvernement pour la création de 12 laboratoires d’innovation publique en France en 2017 et a un budget de 170 000 euros pour 18 mois, participe au bouillonnement d’initiatives pour les SDF que connaît la cité phocéenne depuis le succès du programme « Un chez-soi d’abord ». Cette expérience scientifique à l’origine promettait de faire faire des économies à la société en logeant des sans-abris atteints de troubles psychiatriques.

« On a la fausse impression qu’un SDF à la rue ne coûte rien, mais en fait, ses séjours à l’hôpital, en prison, l’hébergement et les soins d’urgence coûtent très cher », assure Aurélie Tinland, psychiatre à l’AP-HM, qui a lancé le programme « Un chez-soi d’abord » et participe maintenant au « Lab zéro ».

« De voir qu’un projet expérimental comme « Un chez-soi d’abord » pouvait devenir une politique publique, ça nous a donné envie d’aller plus loin », raconte-t-elle, alors que la petite expérience marseillaise est aujourd’hui au cœur du Plan logement 2018-2022 du gouvernement.

En parallèle du projet « zéro SDF », le laboratoire va tester dès mai sur une centaine de personnes pour la première fois à la rue, un autre projet : « urgences sociales », pour intervenir avant la clochardisation.

« On veut agir dès la rupture », explique Aurélie Tinland. « On voit les gens se dégrader très rapidement dehors », déplore cette psychiatre qui travaille en équipe de rue.

En collaboration avec le Samu social et les Services Intégrés d’Accueil et d’Orientation (SIAO), qui reçoivent les appels d’urgence de personnes sans-abri, l’idée est de trouver immédiatement aux « primo-appelants » une solution d’hébergement.

« Les foyers sont sales, on y rencontre des SDF qui font peur, c’est un parcours délétère et traumatisant qui se met en place et qu’on veut éviter à des gens qui parfois n’ont pas un gros problème au départ », assure Aurélie Tinland. Grâce à une plateforme de captation de logement, qui fait appel notamment à du « particulier à particulier solidaire », le lab veut casser cette « spirale ».

« Tous les acteurs du social s’organisent autour de cette idée, car eux aussi veulent retrouver du sens dans leur métier », conclut Aurélie Tinland.

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