Sans-abris ou sans écoles : alerte sur les conséquences de la pauvreté sur les enfants

Publié le 31 août 2022 à 13h10 - par

Des enfants épuisés à l’école car ils dorment dans la rue, d’autres privés de scolarité du fait de leurs conditions de vie précaires : à la veille de la rentrée scolaire, plusieurs associations alertent sur les effets délétères de la pauvreté sur des milliers de mineurs.

Sans-abris ou sans écoles : alerte sur les conséquences de la pauvreté sur les enfants

Le phénomène échappe en partie aux radars, mais mérite une attention plus marquée de la part du Gouvernement, soulignent les militants mobilisés pour ces causes, qui appellent également à une « vigilance collective ».

Les difficultés concernent pour partie les élèves scolarisés, mais dont les enseignants mettent parfois du temps à se rendre compte qu’ils vivent avec leur famille dans la rue, ou dans une voiture. Or, « avoir un toit sur la tête est un préalable pour apprendre sereinement », a souligné mardi 30 août 2022 lors d’une conférence de presse Anne-Sophie Huchard, une professeure membre du collectif lyonnais « Jamais sans toit ».

Selon des données du 115, communiquées par un collectif de 39 associations de solidarité et par la fédération de parents d’élèves FCPE, plus de 1 600 enfants sont ainsi sans-abris en France à la veille de la rentrée. Un chiffre en hausse de 86 % depuis fin janvier, mais qui pourrait être sous-évalué puisque toutes les familles concernées n’appellent pas le 115.

« On ne peut pas s’habituer à ça », martèle Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre, qui déplore « une forme de passivité » de la part du Gouvernement, qui doit prochainement réduire d’environ 200 000 à 190 000 le nombre de places d’hébergement d’urgence.

Lorsqu’un élève dort dans la rue avec sa famille, la mobilisation de ses enseignants ou des parents de ses camarades d’école peut être décisive, soulignent les associations, qui ont créé un « réseau d’aide aux élèves sans toit ».

L’objectif est de « propager des pratiques militantes » déjà expérimentées avec succès par « Jamais sans toit » à Lyon, et de faire en sorte que « les gens sortent de la passivité et du fatalisme », a expliqué M. Domergue.

100 cartables pour 100 000 exclus

« Goûters solidaires », concerts de soutien, appel aux élus locaux… en dernier recours, la mobilisation peut même passer par une occupation temporaire de l’école, ont détaillé les militants : les familles sans-abris sont invitées à venir dormir dans les locaux scolaires avec leurs enfants, en compagnie de militants membres de leur comité de soutien.

« En général, au bout de quelques jours ou quelques semaines, ça marche : les familles concernées finissent par obtenir un logement », selon Mme Huchard.

D’autres enfants, cependant, ne peuvent pas compter sur l’école pour améliorer leurs conditions de vie difficiles : pour des milliers d’entre eux, « l’extrême précarité les empêche tout simplement d’aller à l’école, ou de finir leur parcours scolaire », déclare à l’AFP l’avocate Anina Ciuciu, marraine du collectif #EcolePourTous.

Enfants vivant en bidonvilles, squats ou hôtels sociaux, mineurs non accompagnés (MNA) dont l’âge est contesté par les autorités, enfants du « voyage », migrants de Mayotte ou de Guyane : au total, quelque 100 000 enfants sont privés de rentrée scolaire, affirme ce collectif, qui veut attirer l’attention sur leur sort lors d’un « happening » mercredi 31 août devant l’hôtel de ville de Paris.

Plusieurs jeunes militants, ayant eux-mêmes vécu de telles situations, ont prévu de manifester contre un « angle mort de la République », en brandissant 100 cartables qui raconteront « l’histoire d’un enfant exclu de l’école ».

Le nouveau ministre de l’Éducation Pap Ndiaye « doit se saisir de cette question », affirme Me Ciuciu, qui a elle-même connu un « parcours du combattant pour accéder à une scolarité normale » car elle a vécu en bidonville dans son enfance.

Trop d’enfants voient encore leur inscription refusée à l’école par certains maires, car leur famille ne peuvent pas fournir de justificatif de domicile, souligne l’avocate. « Ce sont des refus discriminatoires et illégaux et le ministre doit demander aux collectivités de respecter la loi », insiste-t-elle.

Le collectif #EcolePourTous milite également pour que la « trêve hivernale », qui empêche les expulsions locatives jusqu’au printemps, soit prolongée jusqu’à la fin de l’année scolaire, afin que les difficultés de logement ne se traduisent pas par des mois de déscolarisation, voire un « décrochage ».

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