Recouvrement de l’écotaxe, un PPP comme les autres ?

Publié le 14 novembre 2013 à 0h00 - par

Comment les autorités publiques ont-elles pu confier le recouvrement de l’écotaxe à une société privée, étrangère de surcroît ?

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A priori, il semble impossible de confier une telle tâche à une personne privée

Les personnes publiques peuvent conclure des contrats pour satisfaire à leurs besoins. C’est naturel. Elles peuvent même, par voie de la délégation de service public, confier à des personnes privées les services dont elles ont la charge, certains très importants comme la fourniture d’eau ou bien la construction et l’exploitation d’autoroutes.

Mais cette faculté a des limites, depuis longtemps identifiées. Certaines activités ne peuvent pas être déléguées par contrat car elles relèvent par nature de l’activité directe des personnes publiques. C’est dès 1932 que le Conseil d’État censure une commune qui a confié la surveillance des propriétés rurales à une fédération de propriétaires privés car l’exercice du pouvoir de police ne peut pas délégué par voie contractuelle (CE, Ville de Castelnaudary, 17 juin 1932). Il en est de même de la délimitation des infractions au stationnement (CE, 15 avril 1994, commune de Menton). D’autres exemples pourraient être cités, comme la surveillance des cantines scolaires.

En ce qui concerne l’écotaxe (« taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises », qui doit rapporter à l’État 1,1 milliard d’euros), c’est la tâche de perception de l’impôt qui a été confiée à la société Ecomouv. Il est clair que cette activité de perception de l’impôt, de nature régalienne, ne peut pas être confiée par contrat à une personne privée dès lors qu’elle ne se limite pas à des opérations matérielles mais, notamment, à la liquidation de l’impôt et à l’instruction des réclamations.

Un tel contrat a donc dû être autorisé par la loi

C’est le III de l’article 153 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 qui autorise le gouvernement à confier les différentes tâches de perception de la taxe à une personne privée, précisément parce que le droit commun de la commande publique ne le permet pas. Cette loi n’a pas été déférée au Conseil constitutionnel.

Ce faisant, le contrat conclu est-il à l’abri de toute critique ? Pour répondre à cette question, il convient de se référer à la décision du Conseil constitutionnel qui a défini les conditions dans lesquelles le recouvrement de la cotisation sociale généralisée, qui est un impôt, pouvait être confié à une personne privée (CC, 90-285 DC, 28 décembre 1990). Selon le Conseil : « le recouvrement d’une imposition contribuant, conformément à l’article 13 de la Déclaration de 1789, aux charges de la Nation, ne peut être effectué que par des services ou organismes placés sous l’autorité de l’État ou son contrôle ». Toutefois, il s’abstient de censurer la loi « dans la mesure où les différents organismes chargés du recouvrement de la contribution (…) exercent une mission de service public et sont placés sous la tutelle de l’État ou sous son contrôle ».

Il vraisemblable que la société Ecomouv respecte les exigences constitutionnelles en la matière. En cas de contentieux, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pourrait être l’occasion de s’en assurer.

Laurent Marcovici


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