Covid-19 : les Ehpad face au dilemme du reconfinement

Publié le 17 septembre 2020 à 7h25 - par

Faut-il reconfiner les maisons de retraite ? Confrontés à une recrudescence sporadique des cas de Covid et des décès dans certains établissements, autorités de santé et responsables d’Ehpad hésitent sur la conduite à tenir, entre protection des personnes âgées contre le virus et préservation de leurs liens sociaux et affectifs.

Covid-19 : les Ehpad face au dilemme du reconfinement

« La situation actuelle commande la plus grande vigilance » car on compte « 121 clusters actifs » dans les maisons de retraite médicalisées, et « la crise s’installe dans la durée », a commenté mercredi 16 septembre 2020 le ministre de la Santé Olivier Véran, lors des assises nationales des Ehpad à Paris.

Le « seul moyen de protéger les personnes âgées en Ephad lorsque le virus y fait rage, c’est d’isoler » les résidents, cependant il faut privilégier des « mesures proportionnées à la situation » de chaque établissement, a-t-il ajouté.

Pour certains responsables du secteur, le net rebond de l’épidémie dans les Ehpad, depuis la mi-août, s’explique par une forme de négligence : « nous constatons malheureusement un relâchement des visiteurs en ce qui concerne le strict respect des mesures » barrières, écrivait ainsi, dès le 9 juillet, la direction d’un Ehpad parisien aux familles de ses résidents.

Dans les établissements durement frappés par le virus, les mesures restrictives semblent inévitables. Ainsi à Séverac dans l’Aveyron, où huit résidents sont morts du Covid depuis le 10 septembre, les seniors de la maison de retraite Gloriande sont « confinés en chambre et sous surveillance étroite ».

À Bourg-en-Bresse, où un Ehpad a connu 12 décès en quelques semaines, les personnes contaminées ont été isolées des autres résidents et les visites des familles suspendues temporairement.

À Pulnoy, près de Nancy, la maison de retraite Les Sablons avait été l’une des premières à se reconfiner, début août, après l’apparition d’un premier cas. Depuis, 14 des 84 résidents ont été emportés par le virus. Et si la crise semble surmontée, la vigilance reste de mise : les visites de proches « reprendront lundi, de façon très réglementée, sur rendez-vous, dans un sas, et avec une personne qui surveille », explique Daniel Cilla, président du conseil d’administration.

« On a commis des imprudences. On n’aurait pas dû déconfiner comme on l’a fait en juin », analyse-t-il auprès de l’AFP. Pour lui, la réouverture progressive des Ehpad aux proches et familles s’est accompagnée « d’un fort relâchement cet été », avec des familles qui « n’ont pas toutes respecté les consignes, enlevaient le masque, avaient du mal à garder la distance ».

« Idées noires »

Bien sûr, les restrictions des visites sont difficiles à accepter pour les proches. « Mais ça se joue entre la mort et l’affect, et temporairement il faut protéger de la mort », poursuit-il.

De nombreux acteurs du secteur insistent cependant sur l’effet particulièrement néfaste des mesures restrictives sur le bien-être donc la santé, des personnes âgées.

Les « conséquences morales et psychologiques » du confinement « sur nos résidents ont été catastrophiques et néfastes : refus de s’alimenter, idées noires, etc. », souligne Aurélien Chatain, directeur d’un Ehpad à Ornex (Ain).

Au sein du groupe Korian, qui gère 450 établissements privés en France, si un résident est testé positif, il est isolé dans sa chambre mais pas privé de visites. « L’isolement, oui, mais pas le confinement, qui a été catastrophique pour les personnes âgées, c’est ce que nous a enseigné la première vague », indique-t-on dans l’entreprise.

Pour Françoise Gobled de la Fnapaef, fédération regroupant des familles de personnes âgées, les récents cas dans les établissements pour personnes âgés sont « inquiétants ». Mais « avant de reconfiner quelque part, il faut absolument faire cette balance risque/bénéfice », plaide-t-elle.

Car, après le confinement, « tout le monde a retrouvé ses parents diminués psychologiquement et physiquement ».

Le confinement prive les personnes âgées de leur « principal plaisir : voir leurs proches », résume la médecin coordonnateur d’un Ehpad du Sud-Ouest.

« Dans mon établissement de 80 résidents, nous n’avons eu aucun cas de coronavirus, mais 7 à 8 résidents sont morts des effets délétères du confinement », raconte cette soignante, évoquant « une hausse significative des syndromes de glissement, liés à l’isolement ».

Pour elle, il vaudrait mieux procéder « au cas par cas ». « Sinon, c’est une entrave à la liberté, et elle a de lourdes conséquences pour certains ».

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