« Partager beaucoup plus qu’un toit » : la cohabitation jeunes-seniors à l’épreuve du Covid

Publié le 6 octobre 2020 à 8h15 - par

Protéger la santé et maintenir le lien social : les acteurs de la « cohabitation intergénérationnelle solidaire », qui fait vivre sous un même toit un jeune souvent étudiant et une personne âgée, jugent son maintien d’autant plus nécessaire dans le contexte de crise sanitaire.

"Partager beaucoup plus qu'un toit" : la cohabitation jeunes-séniors à l'épreuve du Covid

« Plus qu’une simple cohabitation, ce système permet de créer des liens forts avec la personne âgée » (Sébastien), « une deuxième grand-mère pour moi » (Safaa) ; « cette expérience est une solidarité humaine avant d’être un logement à moindre coût » (Mohamed).

Ces témoignages de jeunes glanés sur le forum de l’association bordelaise Vivre Avec illustrent ce que relevait déjà en 2010 une étude de l’université catholique de Lille pour la Caisse nationale des allocations familiales : le logement intergénérationnel est « la rencontre entre deux personnes, un senior et un étudiant ayant chacun un besoin et quelque chose à offrir », une présence et un logement.

Bien implantée au Québec, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves et en Australie – où on parle d’« habitat kangourou » -, apparue dans les années 1990 en Espagne en pleine crise du logement, la cohabitation d’un jeune et d’une personne âgée a commencé à se développer en France après la canicule meurtrière de 2003.

La loi Élan sur le logement du 23 novembre 2018 et un arrêté du 13 janvier 2020 instituent le contrat et la charte de « cohabitation intergénérationnelle solidaire ».

L’ambition est de « prévenir l’isolement des seniors et contribuer autant que faire se peut à leur maintien à domicile » et de « permettre aux jeunes d’être accueillis, avec une contrepartie financière modeste » et la réalisation de « menus services ». Par menus services, le législateur entend par exemple « une présence bienveillante dans le respect de la vie privée ».

Il s’agit de « partager beaucoup plus qu’un toit », c’est « de part et d’autre un engagement de convivialité et de solidarité », explique Joachim Pasquet, directeur de Cohabilis, un réseau de quelque 40 structures associatives favorisant « l’habitat partagé ».

« Considérer l’autre comme le remède »

Chaque année, le réseau accompagne la cohabitation de 1 600 binômes. Mais 2020 restera à part avec le Covid-19 et le confinement : « 50 % des binômes se sont maintenus entre mars et juin et ont fait le pari de passer cette période ensemble », selon M. Pasquet, avec notamment « pas mal d’étudiants étrangers qui sont restés ».

« Dans les binômes qui se sont défaits, soit parce que les personnes âgées ont pris peur ou parce que les étudiants sont retournés dans leur famille, les liens se sont maintenus », précise le dirigeant de Cohabilis.

Fondatrice en 2006 d’Ensemble2générations, Tiphaine de Penfentenyo gérait avec ses équipes de bénévoles (30 agences en France et aussi à l’étranger) 660 binômes avant le Covid. D’après ses calculs, « 30 % des étudiants sont restés confinés avec leur personne âgée ».

Maintenant, « il faut que les jeunes reviennent. On leur a tellement dit qu’ils peuvent être contaminateurs qu’ils n’osent plus », se désole-t-elle, soulignant qu’« avant, on avait un rapport de sept étudiants en demande pour une personne âgée. Désormais, c’est inversé. Beaucoup de personnes âgées nous appellent pour avoir une présence qui leur permette de se maintenir à domicile ».

Chez Cohabilis, Joachim Pasquet constate depuis la rentrée « ce besoin de lien social ».

Pour tenir compte « de la vulnérabilité des seniors et de certains jeunes au Covid-19 », le réseau associatif fait désormais signer une annexe à chaque contractant « qui permet d’acter leurs responsabilités et leurs engagements à la prudence en cette période particulière ».

Selon une étude publiée en juin par les Petits Frères des Pauvres, 720 000 personnes âgées n’ont eu aucun contact avec leur famille pendant le confinement et 650 000 n’ont eu aucun confident. Face à l’urgence, le délégué général de l’association, Yann Lasnier, appelle à « mettre sur le même plan préservation de la sécurité sanitaire et préservation des liens sociaux ». Il s’agit de « considérer l’autre comme le remède ».

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