En Corse, trop d’infirmiers libéraux et pas assez à l’hôpital

Publié le 19 mai 2023 à 9h05 - par

Si les infirmiers libéraux sont essentiels en Corse, face aux déserts médicaux et une forte population de personnes âgées qui reste traditionnellement longtemps à la maison, leur surnombre provoque une pénurie d’infirmiers hospitaliers. Un phénomène face auquel l’Agence régionale de santé veut réagir.

En Corse, trop d'infirmiers libéraux et pas assez à l'hôpital
© Par Zinkevych - stock.adobe.com

« C’est une vraie valeur ajoutée, mais c’est trop déséquilibré », regrette Marie-Hélène Lecenne, directrice générale de l’ARS de  l’île de Beauté. Face à ce constat, l’ensemble de la région est désormais classé comme « zone surdotée » et, depuis le 1er mai 2023, « toute nouvelle installation d’infirmier libéral, hors reprise d’un cabinet existant », est interdite. Et ce pour trois ans.

À cause de cette « fuite des personnels salariés vers le libéral, (…) on manque d’infirmiers dans les établissements publics et privés » de l’île, a-t-elle récemment regretté lors d’une conférence de presse à Ajaccio.

Selon une étude de l’Insee de 2022, la  Corse compte une densité de professionnels de santé libéraux de 1 110 pour 100 000 habitants, nettement supérieure au taux moyen en province  (830) et la deuxième la plus élevée derrière la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (1 160). Dans l’île, ce taux a augmenté de 23 % entre 2014 et 2019.

Rappelant qu’une large zone de la Corse était déjà classée comme « surdotée » depuis 2020, Gaston Leroux Lenci, président de l’ordre national infirmier en Corse et infirmier libéral depuis 37 ans à Ajaccio, a précisé à l’AFP que la généralisation de ces interdictions d’installations était demandée par les syndicats d’infirmiers libéraux eux-mêmes.

Même si elles ont parfois des effets pervers.

Ainsi, depuis 2020, ces mesures se sont traduites par l’apparition d’un nombre « extrêmement important » d’infirmiers libéraux remplaçants, a constaté l’ARS en avançant le chiffre de 500 pour 1 600 infirmiers libéraux titulaires. Or, au lieu de prendre la place d’un infirmier absent, ces suppléants travaillaient en fait en parallèle, sans s’installer officiellement.

« Phénomène de siphonnage »

Face à ce phénomène, depuis le 1er janvier, une autre mesure interdit aux remplaçants et titulaires de travailler simultanément. Ce cumul avait été « exceptionnellement autorisé pendant la crise Covid », rappelle Mme Lecenne qui a « aussi demandé aux directeurs des établissements publics de santé de ne plus autoriser aucune disponibilité ».

Toujours dans l’optique d’attirer ces infirmiers libéraux vers l’hôpital, la directrice de l’ARS Corse a rappelé la possibilité des « contrats Flash », permettant des missions ponctuelles, payées à l’heure. Une option qui a déjà séduit en quelques jours près d’une dizaine d’infirmiers libéraux qui sesont manifestés pour « prêter main forte à l’hôpital », a indiqué à l’AFP M. Leroux Lenci.

Reste que le grand nombre d’infirmiers libéraux est aussi un atout pour la Corse, reconnaît Mme Lecenne en pointant la « configuration atypique » de l’île, une des régions les plus âgées de France métropolitaine avec 29 % de 60 ans ou plus, contre 25 % dans l’Hexagone, mais aussi une région où « on maintient beaucoup plus à domicile les personnes âgées », avec « proportionnellement, moins d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ».

D’où l’importance, salue-t-elle, de ces infirmiers libéraux « qui maillent le territoire ».

Ils « nous aident énormément », confirme auprès de l’AFP le  Dr Antoine Grisoni, président de l’union régionale des professionnels de santé (URPS)-médecins libéraux de Corse: « Dans le rural, si on n’a plus ces yeux et ces oreilles, jour, nuit, fériés et week-end, (…) on perd énormément ».

Et ce d’autant plus que, comme beaucoup de  régions françaises, la Corse manque cruellement de médecins.

L’ensemble de l’île, sauf Ajaccio et Bastia, a d’ailleurs été placé par l’ARS en « zones d’intervention prioritaire (ZIP) » et en « zones d’action complémentaire (ZAC) » pour permettre aux médecins éligibles de bénéficier d’aides au maintien et à l’installation. Des aides financières qui font réfléchir.

Concernant les infirmiers libéraux, le Dr Grisoni reconnaît un possible « phénomène de siphonnage des personnels » des hôpitaux publics, mais il s’interroge sur sa cause : « Est-ce que le service public offre vraiment des rémunérations attractives qui permettent à ces infirmiers de choisir ces carrières-là ? »

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