Maternités : enquête sur des biberons stérilisés avec un gaz cancérogène

Publié le 28 novembre 2011 à 0h00 - par

Une enquête a été déclenchée en urgence jeudi par le ministère de la Santé sur un procédé de stérilisation, a priori interdit, pour les biberons et tétines fournis aux maternités françaises, utilisant un gaz cancérogène, l’oxyde d’éthylène.

Maternités : enquête sur des biberons stérilisés avec un gaz cancérogène

Le ministre Xavier Bertrand « diligente dès aujourd’hui une enquête (…) pour comprendre comment un tel dysfonctionnement a pu se produire » et a demandé à ce que « les biberons et les tétines incriminés soient retirés dans les plus brefs délais ». Une réunion est prévue vendredi au ministère de la Santé avec les fabricants et fournisseurs pour étudier les meilleures façons de procéder à ce retrait tout en garantissant la continuité d’approvisionnement, a-t-on indiqué jeudi soir au ministère de la Santé. Ce procédé de stérilisation n’est « pas autorisé pour les matériaux au contact des denrées alimentaires car ce produit est considéré comme cancérogène pour l’homme », souligne encore le ministère.

Le lancement de l’enquête fait suite à la publication d’une enquête par Le nouvel Observateur. L’hebdomadaire cite deux fournisseurs d’hôpitaux français qui utilisent la technique incriminée – qui consiste à « gazer » les produits à stériliser avec ce gaz inerte – pour des biberons et tétines à usage unique. Contacté par l’AFP, Michel de Gryse, responsable de l’une des deux entreprises citées, la société belge Beldico, confirme que le gazage à l’oxyde d’éthylène est bien l’une des deux méthodes utilisées. Beldico, racheté cet été par le français Médiprema, fournit 7 à 8 millions de biberons à usage unique aux maternités et hôpitaux français, selon M. de Gryse.

Cette méthode de stérilisation est « autorisée pour le matériel médical » comme les compresses, les gants et autres, relève-t-on à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). En revanche, le procédé est bien interdit pour « tout ce qui est en contact alimentaire direct », selon l’Agence française en charge de la sécurité alimentaire. C’est cette nuance que les entreprises utiliseraient pour fournir aux maternités et hôpitaux des biberons traités à l’oxyde d’éthylène.

Tour de passe-passe

« Nos produits sont considérés comme des produits médicaux et non pas alimentaires », explique le responsable de Belgico, soulignant qu’« aucun organisme de contrôle ne nous a jamais notifié que l’oxyde d’éthylène n’était pas autorisé ». « C’est un tour de passe-passe » qui consiste à faire passer tétines et biberons comme « produits médicaux » », commente-t-on à l’Afssaps.

Cette agence en charge de la sécurité des produits de santé « va procéder à des vérifications auprès des opérateurs cités », explique à l’AFP Jean-Claude Ghislain, l’un de ses directeurs. « S’il y a un usage abusif du marquage CE qui permet d’échapper aux réglementations sur les produits à visée alimentaire, on prendra les mesures qui s’imposent », dit-il. Reste à évaluer la réelle dangerosité d’un procédé autorisé pour du matériel médical même si celui-ci entre directement contact avec le corps des patients (sonde gastrique, par exemple).

A la direction du groupement public d’hôpitaux parisiens AP-HP, on assure que le procédé est l’objet d’une stricte surveillance au niveau des « quantités résiduelles » de gaz sur les produits. M. de Gryse assure qu’après de multiples « rinçages », le matériel stérilisé présente des niveaux résiduels d’oxyde d’éthylène « 10 fois inférieurs à la norme ».

Mais pour l’expert André Picot, interrogé par Le nouvel Observateur, le fait qu’on puisse encore stériliser des biberons avec ce produit est un « total non-sens ». « L’oxyde d’éthylène est par définition un cancérogène actif dès la première molécule », selon cet expert auprès de l’UE pour les normes chimiques.

Le Centre international de recherche sur le cancer a classé ce gaz « dans le groupe 1 des agents cancérogènes pour l’homme » et des études montrent qu’il induirait cancers du sang voire de l’estomac, selon l’Institut national de recherche et de sécurité.

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