Quel bilan pour le plan de lutte contre la douleur 2006-2010 ?

Publié le 7 juin 2011 à 0h00 - par

Saisi en mai 2010 par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour évaluer le plan contre la douleur 2006-2010, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a remis un rapport en demi-teinte au ministre de la Santé.

Ce rapport d’évaluation du plan d’amélioration de prise en charge de la douleur 2006-2010 du HCSP, rendu public le 23 mai dernier, dresse un bilan mitigé des réalisations permises par ce troisième plan. En effet, les objectifs d’amélioration des conditions de prise en charge et de développement de la formation professionnelle et de recommandations de bonnes pratiques ont été atteints, mais le plan semble avoir manqué certains de ses objectifs, notamment ceux relatifs à la structuration de l’offre de soins.

Des avancées dans la prise en charge de la douleur qui nécessitent cependant une normalisation des pratiques

Il apparaît qu’en dix ans, la prise en charge de la douleur s’est très nettement améliorée tant en ce qui concerne l’information, la formation, la détection et l’évaluation que le traitement. « Le fatalisme en matière de douleur est moins de mise, les personnes algiques sont plus exigeantes, les professionnels de santé plus attentifs… »
Le Haut conseil de la santé publique souligne toutefois que « ces améliorations ne doivent pas masquer la grande hétérogénéité dans les pratiques et dans l’organisation des soins, et une trop faible attention aux populations les plus vulnérables ». « Les soignants investis dans la prise en charge de la douleur ont besoin d’être soutenus et confortés. Ils sont inquiets sur la pérennité des structures actuelles et sur leurs moyens pour répondre aux besoins des patients. »
Sur le plan de la formation, par exemple, le HCSP note que l’impact des avancées obtenues est très largement « tempéré » par des limites persistantes « en termes de débouchés hospitaliers et de conditions d’exercice en ville, à la différence du secteur des soins palliatifs ».

Les mesures visibles d’amélioration de prise en charge de la douleur sont là, mais un objectif qui n’est pas encore atteint

De manière générale, le HCSP relève que la plupart des avancées ont porté sur les mesures visant à améliorer les conditions de prise en charge de la douleur (formation, élaboration de recommandations, études épidémiologiques) et que cela « a eu un impact important sur le milieu professionnel hospitalier en termes d’animation ou d’encouragement à l’innovation » même si cet impact est très largement « tempéré » par des limites persistantes « en termes de débouchés hospitaliers et de conditions d’exercice en ville, à la différence du secteur des soins palliatifs ».
Il est toutefois « passé à côté de son objectif » d’amélioration de la prise en charge la douleur proprement dite, concernant les structures, les personnels, les médicaments ou techniques antalgiques, « pour n’avoir pas assez pris en compte les contraintes exogènes ». Parmi celles-ci, le HCSP cite :

  • l’organisation et le financement de l’hôpital public ;
  • le relatif isolement de la médecine libérale ;
  • les limites des incitations en direction de l’industrie pharmaceutique pour développer des nouvelles formes galéniques d’antalgiques et demander des AMM ;
  • les conditions de rémunération imposées par l’assurance maladie aux professionnels médicaux et non médicaux.

Les traitements antalgiques doivent sortir du carcan de la pharmacopée

Concernant les traitements antalgiques, il apparaît que « les connaissances concernant les méthodes non pharmacologiques ont peu progressé et les obstacles au développement des thérapies non médicamenteuses restent nombreux sans véritable volonté politique de vouloir surmonter l’obstacle principal que représentent les conditions de rémunération imposées par l’assurance maladie aux professionnels non médicaux ».

Une véritable volonté politique et des moyens adaptés semblent nécessaires à la structuration de l’offre des soins

Le HCSP déplore, en outre, que « la structuration territoriale et l’organisation de la lutte contre la douleur chronique rebelle se so[ient] heurtées à un manque de moyens et d’impulsion politique et à l’absence de cadrage ». Malgré une hausse de 10,9 millions d’euros du « flux financier associé à la douleur » entre 2006 (51,7 millions d’euros) et 2009 (62,6 millions en 2009), « les témoignages émanant du terrain font plutôt état de la diminution des postes que de la création d’emplois, ce qui laisse penser (sous réserve d’un bilan réel de l’utilisation des crédits) que cet argent a probablement été utilisé à d’autres fins au sein des établissements de santé ».
À l’issue du plan, le constat est donc plutôt celui d’une fragilisation des structures antidouleur. « Certains centres ont perdu du personnel sous la pression de restructurations hospitalières, d’autres ne se sont jamais vu attribuer leurs crédits alors que ceux-ci ont été délégués aux établissements. ». Il en résulte notamment de grandes difficultés d’accès aux structures de prise en charge de la douleur chronique rebelle.
Le HCSP observe aussi qu’« il n ‘a pas été possible d’établir si les crédits visant à financer la mise en place du groupe homogène de séjour (GHS) douleur ont été utilisés, au regard de la faible incitation liée au codage » et que « les sommes inscrites au titre du plan ont été financées par des crédits ordinaires de l’assurance maladie ».
L’évaluation déplore encore l’approche très hospitalo-centrée du plan, l’insuffisance du développement d’outils de formation en milieu gériatrique et l’absence de réflexion « pour impliquer de manière plus importante la médecine de premier recours ».

Le HCSP regrette enfin « les oubliés du plan »

D’importants efforts ont été faits pour les soins aigus des enfants, mais il persiste de vraies difficultés « pour la prise en charge des douleurs chroniques, avec un accès très insuffisant aux techniques non pharmacologiques, en particulier psychocomportementales ».
Pour les personnes âgées, « un effort réel » a été fait pour créer une « culture douleur » dans les institutions gériatriques, mais très peu pour la prise en charge libérale.
Enfin, peu de mesures ont concerné les personnes porteuses d’un handicap ; aucune n’a été prise pour celles atteintes de maladies mentales.

Le HCSP recommande en conclusion l’élaboration d’un quatrième plan douleur « afin de donner un nouveau souffle aux actions entreprises et de s’assurer de la poursuite de l’engagement des pouvoirs publics dans ce champ ».


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