La formation aux premiers secours, une « grande cause nationale » qui tarde à décoller

Publié le 18 octobre 2017 à 10h30 - par

Alors qu’elle avait été décrétée « grande cause nationale » après les attentats de 2015, la formation aux premiers secours, qui peut aider à sauver des milliers de vies chaque année, tarde à se généraliser en France faute de moyens et d’être obligatoire.

La formation aux premiers secours, une "grande cause nationale" qui tarde à décoller

Garrot pour arrêter une hémorragie, massage cardiaque : seuls 29 % des Français sont formés à ces réflexes essentiels en cas d’urgence, contre 80 % dans les pays scandinaves, en Allemagne ou au Canada, selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).

Chaque année en France, 40 000 personnes meurent d’un malaise cardiaque et 20 000 d’un accident de la vie courante, bien plus que d’accidents de la route (moins de 3 500 morts) par exemple.

À partir du moment où ils sont appelés pour une urgence, les pompiers mettent en moyenne 13 minutes pour arriver sur place.

Or « en cas d’arrêt cardiaque, on peut avoir des dommages cérébraux au bout de 3 minutes », et « en cas de saignement abondant, il faut des gestes dans les 10 premières minutes », explique à l’AFP le lieutenant Patrick Chavada, conseiller et formateur en secourisme à la FNSPF.

Il suffit donc qu’un passant connaisse quelques gestes simples pour sauver une vie ou éviter de graves séquelles, soulignent les pompiers, qui forment chaque année 100 000 personnes à ces techniques.

En clôturant le congrès national des pompiers samedi 14 octobre à Ajaccio, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a souhaité qu’à court terme, « 80 % de la population puisse être formée (…) dès l’école », ou « dans nos entreprises, nos administrations ».

Une semaine plus tôt, Emmanuel Macron avait fait sien cet objectif de 80 %, préconisé dans un rapport publié en mai dernier par le président de la FNSPF, Éric Faure, et celui de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), Patrick Pelloux.

La prise de conscience remonte aux attentats de novembre 2015. « Beaucoup de gens ont été sauvés par des garrots ou compressions de plaies improvisés avant l’arrivée des secours », souligne le lieutenant Chavada. Les demandes du public en formations ont alors explosé.

Électrochoc des attentats

En 2016, le gouvernement attribuait le label « Grande cause nationale » à la campagne de formation « Gestes qui sauvent » (GQS, d’une durée de deux heures) portée par la FNSPF, la Protection civile et la Croix-Rouge.

Le rapport Pelloux-Faure préconise notamment d’inscrire les formations aux premiers secours tout au long du parcours scolaire.

Car les principaux acteurs du secteur en conviennent : on n’arrivera pas à l’objectif de 80 % sans rendre ces formations obligatoires, via l’école ou dans le cadre de certains permis (conduite notamment), voire le futur service national envisagé par M. Macron.

Au congrès d’Ajaccio, la FNSPF, qui a mis en place un portail internet de formation ludique aux gestes qui sauvent (Sauvequiveut.fr), s’est félicitée de l’engagement de M. Macron en faveur de l’objectif 80 %. Mais ses cadres ont aussi noté que M. Collomb n’avait annoncé au congrès aucune nouvelle mesure concrète pour y arriver rapidement.

Éric Faure a appelé le ministère de l’Éducation à « la mobilisation », ajoutant que les pompiers étaient prêts à l’aider.

L’obligation de former les élèves aux gestes de base de premier secours figure dans la loi depuis 2004, l’objectif étant de voir la formation Prévention civique de niveau 1 (PSC1, 7h) généralisée en classe de 3e.

Mais dans les faits, les formations aux premiers secours ne sont pas obligatoires pour tous à l’école, et la formation des formateurs n’a pas suivi faute de temps, de budgets ou de personnes disponibles.

En 2014 (derniers chiffres disponibles) seuls 30 % d’élèves avaient leur PSC1, selon le ministère de l’Éducation, qui souligne que d’autres élèves ont eu des formations moins longues type « gestes qui sauvent » et que davantage de formateurs ont été formés ces dernières années.

« On ne peut pas tout demander aux enseignants », estime Patrick Pelloux, qui plaide pour « un système de coopération souple et efficace » où des formateurs pompiers, médecins ou issus d’associations pourraient venir former les jeunes dans les écoles, et tous les autres ailleurs.

Quant au financement des formations, « cela suppose des moyens », souligne Éric Faure, qui réclame « une véritable impulsion de l’État, relayée par les collectivités locales ».

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