Un sentiment d’abandon. C’est ce que ressentent les élus des communes du littoral, démunis pour régler seuls les conséquences du recul du trait de côte et de la submersion marine, qui s’aggravent d’année en année. Avec un problème majeur : trouver les financements, alors que la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a transféré la gestion du trait de côte aux communes. Le phénomène de recul impacte 20 % des côtes, ce qui représente environ 900 kilomètres de littoral, et touche quelque cinq cents communes, dont une grande partie sont situées Outre-mer, ont précisé les intervenants d’un forum organisé le 20 novembre 2025 à l’occasion du 107e congrès de l’Association des Maires de France (AMF). Le Cerema a recensé plus de 16 000 ouvrages de protection du littoral. Les enjeux sont d’autant plus importants que la bande côtière, large d’un kilomètre, concentre 8 % du nombre de logements, environ deux millions de personnes, 10 000 bâtiments publics et parapublics, 55 000 locaux d’activités (banques et commerces principalement), 1 000 campings, 240 kilomètres de voies ferrées, des ports…
« Si l’on ne fait rien, en 2100 c’est l’équivalent d’un département français qui sera ennoyé », a précisé Sébastien Dupray, qui dirige la direction technique Risques, eau, mer du Cerema. La valeur vénale de l’immobilier touché pourrait représenter 100 milliards d’euros. De nombreuses collectivités n’ont pas attendu pour agir – 12 % des communes devant adapter leur politique d’aménagement qui figure dans le décret-liste du 29 avril 2022 ont engagé des études. Toutes s’accordent à pointer le fait qu’elles ne pourront pas, seules, financer les mesures urgentes liées au réaménagement des zones impactées. Une solidarité nationale d’autant plus attendue que tout le pays profite des littoraux.
Végétalisation, digues, enrochements… Pour financer les aménagements permettant de combattre les conséquences de l’érosion maritime, les besoins sont estimés à 293 millions d’euros. La communauté de communes du Pays bigouden (Finistère, 12 communes, 39 392 habitants), est allée jusqu’à racheter certaines maisons pour les reconstruire, sur la commune de Treffiagat, a témoigné son président et maire de Pont-l’Abbé, Stéphane Le Doaré. L’interco compte 100 kilomètres de côtes répartis sur onze communes littorales.
« La quasi-totalité des communes de Martinique sont côtières qui à terme seront confrontées à ce problème, a rappelé Marie-Thérèse Casimirius, maire de Basse-Pointe (2 839 habitants). J’ai été dans l’obligation de reloger d’urgence pour leur sécurité des personnes qui ont construit leur maison en bordure des côtes, ce qui est une situation extrêmement difficile, et nous avons entamé des opérations pour pouvoir reconstruire ». Mais la Martinique est un territoire à risques, avec la zone d’activité de la Montagne pelée et des problèmes de paupérisation. « Que prévoit l’État pour que ces personnes soient relogées à moindre coût puisqu’elles ont déjà construit une maison ? », s’est interrogée l’élue.
« On ne pourra pas relever ce défi du changement climatique seules », a également constaté Dominique Cap, maire de Plougastel-Daoulas (Finistère, 13 780 habitants), co-président du groupe de travail littoral de l’AMF.
Créer un fonds dédié à l’érosion côtière permettrait aux communes de commencer à faire face. La députée de la Gironde, Sophie Panonacle, présidente du Comité national du trait de côte, avait obtenu le vote d’un amendement au projet de loi de finances pour 2026 (PLF), le jour même du forum, le 20 novembre. Objectif : abonder le fonds grâce à une contribution de 1 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de location saisonnière. Mais, depuis, les députés ont rejeté le PLF.
Martine Courgnaud – Del Ry
