Comme elle le rappelle dans une enquête sur le sujet réalisée en 2022 en Nouvelle-Aquitaine, la moitié des féminicides ont lieu dans ces zones peu denses où ne vit qu’un tiers de la population.
Parmi les points qui caractérisent les violences conjugales en milieu rural, lequel est pour vous le plus marquant ?
« Le contrôle social. La phrase « Tout le monde sait tout, voit tout, tout se sait » est revenue dans chaque entretien (39 au total), avec parfois des femmes qui me parlaient plus doucement, comme si quelqu’un pouvait les entendre. On sent le côté pesant de cela. Le contrôle social va se retourner contre elles. Si elles parlent, cela va mettre le bazar dans tout le village : « Tu te rends compte si tu le dis ». Il y avait aussi le cas d’une dame dont le mari chassait avec les gendarmes. Quand elle est allée les voir, ils ont appelé son mari. C’est lui qui est venu la chercher. Les stéréotypes sur les rôles sexués entre les hommes et les femmes sont aussi très importants. Il y a cette idée du dehors et du dedans, avec la femme à la maison. »
Votre étude publiée en septembre 2022 évoque le contrôle des déplacements et des kilométrages puisqu’il est difficile d’avoir accès aux transports. Est-ce répandu ?
« Pour presque la moitié des femmes dans mes entretiens, quand elles avaient le permis évidemment, le contrôle du kilométrage était systématique. Pour un quart, leurs clés de voiture leur étaient confisquées. C’est impressionnant. Il y avait aussi des cas où l’on cachait leurs chaussures pour qu’elles ne sortent pas. »
Votre enquête met en avant des préconisations, lesquelles sont primordiales selon vous ?
« Les aides dans les pharmacies. Les femmes victimes de violence peuvent s’y rendre sans que cela ne se remarque. Quand on me demande plus d’associations dans le centre-bourg, non surtout pas, il ne faut justement pas qu’on les voie. Il en faudrait plus près des gendarmeries, des centres commerciaux et enfin rappeler la loi partout car le sentiment d’impunité est toujours très présent. Le rural renforce ce sentiment car se dire que l’agresseur est à moitié vénéré dans sa commune, ou que le premier voisin se trouve à 500 mètres, fait que la victime a peur car elle se sait isolée. »
Propos recueillis par Laurie Veyrier
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