L’épreuve du grand oral du nouveau bac fait parfois « super peur »

Publié le 14 février 2020 à 11h11 - par

« Seul face à un jury pendant 20 minutes, ça fait super peur » : les lycéens qui essuient les plâtres du nouveau bac cette année sont les mêmes qui seront confrontés l’an prochain en Terminale à l’épreuve inédite du grand oral, destinée à évaluer leur éloquence.

L'épreuve du grand oral du nouveau bac fait parfois "super peur"

Le grand oral est l’une des quatre épreuves que passeront les élèves à la fin de l’année de Terminale en juin 2021, avec l’épreuve de philosophie et les deux spécialités. Elle compteront, avec les épreuves anticipées de français passées en 1re, pour 60 % de la note du bac.

Ce grand oral a un coefficient 10 pour la voie générale, et de 14 en voie technologique. Selon le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, interrogé jeudi 13 février 2020 dans 20minutes, « affecter un gros coefficient à cette épreuve, c’est envoyer un message à tout le système scolaire sur l’importance de la prise de parole en public ».

Pour compléter ce bac nouvelle formule, le contrôle continu, qui a connu des débuts perturbés dans certains lycées, comptera pour 30 % de la note finale et les bulletins scolaires de Première et Terminale pour 10 %.

Attendues depuis l’automne, les modalités du grand oral paraissent officiellement jeudi 13 février au Bulletin officiel.

Le lycéen effectuera debout et sans note devant un jury de deux profs une présentation de 5 minutes sur une question liée à ses deux spécialités, après avoir eu 20 minutes de préparation.

Élève et professeurs échangeront dans un second temps durant 10 minutes sur le sujet. Le lycéen pourra à cette étape choisir de s’asseoir. Enfin, le candidat expliquera durant 5 minutes « en quoi la question traitée éclaire son projet de poursuite d’études, voire son projet professionnel », est-il écrit.

Selon le texte du ministère, cette épreuve orale « permet au candidat de montrer sa capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante. Elle lui permet aussi de mettre les savoirs qu’il a acquis, particulièrement dans ses enseignements de spécialité, au service d’une argumentation (…) », poursuit-t-il.

« Jusqu’ici, on a été amené à présenter des TPE (travaux personnels encadrés), en groupe, là on nous demande d’être seul face à un jury de deux profs durant 20 minutes, on ne va pas dire le contraire, c’est un exercice qui fait super peur », raconte Éliot, 16 ans, en Première dans un lycée parisien.

« Les profs eux-mêmes dans le flou »

Même avis pour Juliette, lycéenne de 17 ans en Première dans les Yvelines, selon qui « les profs sont eux-mêmes dans le flou sur cette épreuve. Nous ne sommes pas du tout préparés. Par exemple, pour les exposés, qui n’ont rien à voir avec ce qui est demandé pour le grand oral, on nous dit juste de parler lentement, et c’est tout », regrette-t-elle.

Tous deux ont participé récemment à un stage d’art oratoire payant d’une journée, basé sur l’épreuve du bac et orchestré par une agrégée de lettres. « Gérer le trac, savoir bien respirer, éviter l’approche naïve du sujet… Il faudrait que ce même entraînement constructif soit dispensé dans chaque lycée et régulièrement », estime Juliette, « consciente de la chance » qu’elle a de pouvoir préparer en privé le bac.

« On peut être issu d’un milieu très défavorisé et être très à l’aise à l’oral, ou être issu d’une famille favorisée et être très timide », plaide M. Blanquer.

Mais certains pointent les inégalités que soulève l’exercice oral.

« Nous ne sommes pas contre mais on sait pertinemment que c’est une épreuve qui accentue les inégalités sociales. Tout le monde n’a pas la même aptitude à s’exprimer et pour bien préparer les élèves, il nous faudrait un cadre qui n’est ici pas du tout établi », déplore Sophie Vénétitay du Snes-FSU.

En juin dernier, Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences-Po, a remis à Jean-Michel Blanquer ses propositions en vue de cette nouvelle épreuve, proposant de rendre l’oral « accessible au plus grand nombre ».

Selon lui, le grand oral constitue au contraire « une avancée sociale majeure » et « une passerelle entre le secondaire et le supérieur ». « L’oral a tout pour redistribuer les cartes : on remet les élèves au centre, on leur apprend à parler en public, c’est un vrai levier pédagogique et d’égalité sociale », insiste-t-il auprès de l’AFP.

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