Le harcèlement scolaire, un phénomène qui démarre dès le plus jeune âge

Publié le 5 juin 2023 à 13h00 - par

Le harcèlement à l’école, qui se retrouve sur le devant de l’actualité après le suicide de la jeune Lindsay, 13 ans, peut démarrer dès le plus jeune âge, observe Marie Quartier, chargée de cours à l’université Lyon II, licenciée de psychologie et autrice d’un ouvrage sur le sujet.

Le harcèlement scolaire, un phénomène qui démarre dès le plus jeune âge
© Par Marie Sacha - stock.adobe.com

Comment repérer le harcèlement ?

Le repérage demande avant tout une prise de conscience : il faut admettre que le harcèlement peut être présent dans son établissement scolaire, ce qui n’est pas le cas de certains qui pourraient penser que ça n’existe pas chez eux. Le harcèlement est un phénomène de groupe, qui finit parfois par avaler les enfants. Il est donc essentiel d’ouvrir grand les yeux et les oreilles, afin d’être attentif aux moindres signaux.

Ainsi, il ne faut pas minimiser les chamailleries, les histoires d’ados et ne pas laisser faire ce que l’on ne tolérerait pas chez l’adulte, comme l’emploi d’un surnom ou le fait de bousculer. Il faut éviter que s’installe tout climat de rumeur, de moquerie. Les signaux faibles de souffrance, tels que la chute des notes, le désintérêt pour la classe, les absences répétées sont également à prendre au sérieux. Tout cela peut intervenir dès la maternelle, car le phénomène de groupe est présent dès le plus jeune âge.

Y a-t-il un profil type de harcelés et des harceleurs ?

Non. Il n’y a pas de profil type de harceleurs ou de harcelés. Ils peuvent concerner des élèves venant de tous milieux sociaux, de tous âges. Tout part selon moi d’une fragilité contextuelle. Cela peut donc arriver à tout le monde. Il m’est déjà arrivé de rencontrer des élèves harceleurs qui étaient d’apparence charmants et par ailleurs étaient ambassadeurs contre le harcèlement scolaire dans leur établissement. Tout peut partir de l’effet de groupe. Et dans le groupe, la responsabilité est diluée, chacun se dit qu’il n’a rien fait. Il faut, selon moi, réindividualiser les élèves et les entendre individuellement.

Est-ce que l’institution a failli ?

Dans l’Éducation nationale, il y a beaucoup de problèmes systémiques qui bloquent les efforts qui sont faits. Car depuis les années 2010, des mesures sont mises en place pour que les choses bougent. Le programme pHARe, lancé en 2019 à titre expérimental et qui se déploie dans tous les établissements porte ses fruits.

Mais il est certain que l’on revient de loin et on a du retard en la matière. Il y a encore des personnes au sein de certains établissements qui sont dans le déni du harcèlement scolaire. S’ajoute à cela le problème de la crise de vocations, la difficulté du métier d’enseignant : de très nombreux enseignants sont eux-mêmes fragilisés, fatigués et donc pas en état de repérer les signes de souffrance des élèves. Il faudrait selon moi travailler de manière assez urgente et globale à un rétablissement d’une paix scolaire, pour que les enseignants eux-mêmes se sentent dans de meilleures conditions de travail, car c’est un tout.

Par ailleurs, il faut interdire systématiquement les insultes entre élèves mais aussi repenser les cours de récréation, véritable laboratoire du pire, car les adultes ne voient pas ce qui s’y passe.

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