Entretien avec Grégory Doucet, maire de Lyon

Publié le 18 novembre 2020 à 8h25 - par

Une ville verte, c’est une ville qui respire et qui prend soin des uns et des autres. Et parce qu’il y a urgence, le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, compte investir un milliard d’euros prioritairement dans les mobilités, la rénovation du patrimoine ou encore la débitumisation des cours d’école. Rencontre avec l’édile EÉLV qui n’en finit pas de faire parler de lui.

Entretien avec Grégory Doucet, maire de Lyon

Comment expliquez-vous la victoire des Verts dans les grandes villes et les métropoles ? Quel est rôle de la jeune génération dans ce succès ?

Grégory Doucet : Les centres urbains sont générateurs de pollution et prennent de plein fouet les effets du dérèglement climatique. Lyon souffre des affres de la pollution, des canicules qui mettent en danger les plus fragiles d’entre nous. La ville construite sur le tout minéral et le tout voiture respire mal aujourd’hui, c’est ce que les Lyonnaises et les Lyonnais ont revendiqué en glissant un bulletin Vert dans l’urne. Les marches climat ont énormément mobilisé à Lyon, près de 30 000 personnes et comme vous le soulignez, beaucoup de jeunes. Le monde qu’on leur laisse est loin d’être prometteur : la fonte de la banquise a encore atteint des records inégalés, la pollution tue des dizaines de milliers de personnes en France, les plus pauvres sont en premières lignes et les gouvernants successifs sont sourds et aveugles face à ces alertes. La jeunesse se mobilise dans la rue, mais aussi dans les associations. Une partie a intégré les équipes de campagne des écologistes et est aujourd’hui élue. Prenez par exemple Camille Augey qui à 28 ans a battu Gérard Collomb dans son arrondissement est aujourd’hui adjointe à l’économie. Valentin Lungenstrass, cette « génération climat » est aujourd’hui adjoint en charge de l’espace public et des mobilités. Nous avons considérablement rajeuni les élu(e)s de la ville pour que les jeunes aient eux aussi leur place dans l’élaboration des politiques publiques. C’est primordial.

Quelle est votre définition d’une ville verte ?

G. D. : Une ville verte, écologiste, c’est une ville qui respire, qui prend soin des uns des autres, une ville verdoyante, apaisée et détendue. À ce titre, nous développons les mobilités douces, redonnons leur place aux piétons qui représentent un déplacement sur deux à Lyon, aux cyclistes dont le trafic explose et nous développons les transports en commun pour libérer les Lyonnaises et les Lyonnais de la voiture. Nous plantons également partout où c’est possible, nous créerons une forêt urbaine au cœur de La Part Dieu, un second poumon vert sur les balmes de Fourvière, des vergers municipaux dans chaque arrondissement…

Nous faisons aussi de Lyon la ville des enfants. Nous protégeons leur santé en mettant en place des cantines 100 % bio approvisionnées par 50 % de local. Nous débitumons les cours d’écoles pour qu’ils puissent mettre les mains dans la terre et retrouver la nature au cœur de leur espace récréatif. Enfin, nous sécurisons les abords des écoles en rendant leur piétonnisation possible. Nous avons déjà piétonnisé douze écoles. Une ville verte c’est aussi une ville qui laisse aux femmes leur place dans la ville. Nous sommes en train de bâtir un « budget genre », c’est-à-dire une nouvelle grille de lecture du budget municipal à l’aune de l’égalité femmes/hommes. Il nous permettra a priori de constater que les politiques publiques ne sont pas neutres du point de vue du genre et de le rééquilibrer a posteriori.

De quels moyens disposez-vous pour faire de Lyon une ville écologique ?

G. D. : Il s’agit du dernier mandat pour le climat. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous donne dix ans pour agir, il y a donc urgence. À ce titre, nous investirons un milliard d’euros pour la transition écologique. Ce milliard sera investi prioritairement dans les mobilités, la rénovation du patrimoine de la ville ou encore la débitumisation des cours d’école.

Quels sont les principaux freins identifiés ?

G. D. : Nous devons susciter l’adhésion pour embarquer tout le monde dans la grande transition écologique qui s’impose. Nous devons donc concerter, consulter, échanger avec tous les acteurs de la ville. Nous prenons le temps de la concertation, notamment avec les commerçants afin que tout le monde s’y retrouve.

Aujourd’hui l’urgence est de sortir de la crise sanitaire : quel regard portez-vous sur sa gestion ?

G. D. : Nous avons été dans un vrai processus de concertation avec le préfet Mailhos dès ma prise de fonction. Nous avons échangé sur les mesures à prendre lors du retour de vacances des Lyonnaises et des Lyonnais. Nous n’avons pas été d’accord sur tout, mais le préfet était dans une posture de dialogue et de construction. Le Premier ministre lui-même m’a félicité par téléphone de notre coopération ! Et pourtant, le soir même le gouvernement a imposé depuis Matignon la fermeture des bars et restaurants dès 22 h. Je crois que le gouvernement n’a malheureusement pas de stratégie sanitaire de court, moyen et long terme. S’empilent des décisions différentes tous les trois jours ce qui rend les mesures sanitaires illisibles. La période est déjà suffisamment sombre pour ne pas en rajouter…

Derrière cette polémique du Tour de France, qui y a-t-il ?

G. D. : Assurément du conservatisme. Dire qu’il devrait y avoir un Tour de France féminin n’est pas de la radicalité. Dire que le Tour de France doit prendre sa part dans la transition écologique en diminuant son empreinte carbone n’est pas être un amish… L’urgence climatique impose que tout le monde prenne sa part dans la grande transition, y compris les organisateurs d’événements. Le Tour de France est suivi par des milliards de spectateurs, il doit être exemplaire. Il a tout à gagner à intégrer cette nouvelle dimension, et ça renforcera sa popularité j’en suis certain.

Si vous aviez un message à envoyer au gouvernement : quel serait-il ?

G. D. : Nous nous sommes engagés à mettre en place une politique d’actions à court et long terme pour mener cette transition écologique. L’État doit agir avec les collectivités territoriales pour mener cette politique d’urgences environnementales. Dans le même sens, pour apaiser la ville, ramener la tranquillité aux habitantes et habitants, nous avons étendu la vidéoverbalisation en centre-ville et lancé le recrutement de policiers municipaux. J’ai sollicité le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour le recrutement de 200 postes de policiers nationaux en sous-effectif flagrant sur notre territoire et dans un contexte marqué par une mutation des nuisances et des faits de délinquance. L’État doit prendre sa part.

Propos recueillis par Danièle Licata

Source : RCL


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