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Commémoration du 8 mai 1945 : quel devoir de mémoire des communes et du maire ?

Publié le 30 avril 2025 à 15h05 - par

Le devoir de mémoire, bien que relevant initialement d’une obligation morale de se souvenir des événements historiques tragiques et de leurs victimes, trouve une traduction juridique implicite et explicite dans les obligations qui incombent aux collectivités territoriales, et particulièrement aux communes, ainsi qu’à leur représentant légal, le maire. Le point à quelques jours de la célébration du 80e  anniversaire de la victoire du 8 mai 1945.

Commémorations : quel devoir de mémoire des communes et du maire ?
© Par Ariane Citron - stock.adobe.com

Si l’apparition du concept dans les années 1990, en lien avec la Seconde Guerre mondiale, n’a pas donné lieu à une codification spécifique du « devoir de mémoire » en tant que tel, ses manifestations concrètes s’appuient sur un ensemble de textes législatifs et réglementaires.

1. Le fondement juridique des actions des communes en faveur du devoir de mémoire

Le rôle des communes dans la mise en œuvre du devoir de mémoire se décline à travers différentes actions, dont les commémorations constituent une part essentielle.

Premièrement, l’organisation des cérémonies patriotiques au niveau communal repose sur les attributions conférées au maire, en sa qualité de représentant de l’État sur le territoire de la commune. Ces attributions incluent, notamment, l’exécution des lois et règlements, conformément à l’article L. 2122-27 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui consacre la mission générale du maire en tant qu’agent de l’État.

Deuxièmement, dans ce cadre, le maire est chargé de mettre en œuvre les lois instituant les journées nationales commémoratives, comme celles prévues par le décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, aux préséances et aux honneurs civils et militaires. Ce décret fixe les règles protocolaires applicables lors des cérémonies, notamment en ce qui concerne la levée des couleurs, les discours officiels, les dépôts de gerbes et les honneurs rendus aux vivants et aux morts.

Troisièmement, les circulaires ministérielles, émanant de ministères tels que le ministère de l’Intérieur ou le ministère des Armées (Secrétariat aux Anciens Combattants), jouent également un rôle essentiel dans la mise en œuvre des journées nationales commémoratives. Ces circulaires définissent le calendrier des cérémonies, précisent les modalités d’organisation (protocole, déroulement, contenu des discours) et constituent des instructions administratives à caractère impératif. En tant qu’agent de l’État, le maire est tenu de respecter et d’appliquer ces instructions dans l’exercice de ses fonctions liées aux cérémonies patriotiques.

Quatrièmement, en complément des obligations formelles liées aux commémorations nationales, les communes peuvent mettre en œuvre diverses actions, telles que la création de lieux de mémoire, l’organisation d’événements culturels et pédagogiques, le soutien à des projets éducatifs ou encore la numérisation d’archives. Ces initiatives relèvent de leurs compétences générales, notamment dans les domaines culturels, éducatifs et de valorisation du patrimoine, tels qu’énoncés aux articles L. 2121-1 et suivants du CGCT.

Bien que ces actions ne soient pas explicitement imposées par une loi spécifique sur le « devoir de mémoire », elles s’inscrivent dans la logique de l’intérêt public local. Elles contribuent également de manière significative à la transmission de l’histoire et à la préservation du patrimoine communal. Ces initiatives, exercées dans le cadre de la clause générale de compétence des communes, participent à la promotion de leur identité culturelle et au renforcement du lien social local.

2. Le statut juridique du maire face au devoir de mémoire

Le maire, en sa qualité d’organe exécutif de la commune et de représentant de l’État, est juridiquement tenu d’agir dans le cadre du devoir de mémoire.

Premièrement, le maire, en tant que représentant de l’État, est chargé d’organiser et de participer aux cérémonies officielles. Son rôle dans ce domaine découle des principes généraux qui font de lui l’autorité exécutive de la commune et l’agent déconcentré de l’État, notamment en vertu des articles L. 2122-18 et L. 2122-21 du CGCT. Lors de ces cérémonies, le maire exerce également ses pouvoirs de police municipale, conformément à l’article L. 2212-2 du CGCT, qui lui confère la responsabilité d’assurer le bon ordre, la sécurité et la tranquillité publiques. En cas de non-respect de ces obligations, le préfet, en tant que représentant de l’État, peut intervenir. L’article L. 2122-34 du CGCT prévoit que si le maire refuse ou néglige d’accomplir un acte prescrit par la loi, le préfet peut procéder à cet acte d’office après l’avoir requis.

Deuxièmement, en leur qualité de représentants de l’État, les maires sont soumis à des obligations protocolaires et coutumières, bien que parfois non codifiées. Le port de l’écharpe tricolore, notamment lors des cérémonies officielles (article D. 2122-4 du CGCT), en est un exemple. Le pavoisement des édifices publics, usuel en permanence, devient impératif lors des commémorations nationales suivant les instructions gouvernementales, dont le non-respect peut être sanctionné. Le déroulement des cérémonies officielles est régi par un protocole précis (décret n° 89-655 du 13 septembre 1989). Bien que non explicitement définie par la loi, la neutralité politique est une recommandation déontologique forte pour les élus lors de ces événements. Ces obligations, qu’elles soient textuelles ou coutumières, garantissent le respect des principes républicains et la dignité des cérémonies.

Troisièmement, l’entretien des monuments aux morts et lieux de mémoire constitue une obligation pour les communes dans le cadre de la gestion de leur domaine public, conformément à l’article L. 2121-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cette responsabilité s’étend à la conservation de ces éléments du patrimoine communal, symboles de la mémoire collective. Par ailleurs, l’article L. 2212-2 du CGCT confère au maire des pouvoirs de police spéciale pour assurer la sécurité et la salubrité des cimetières, lieux de sépulture relevant également du domaine public. Concernant la création de nouveaux lieux de mémoire, aucune obligation légale spécifique n’existe.

En conclusion, bien que le « devoir de mémoire » ne constitue pas une catégorie juridique autonome, il se traduit par un ensemble d’obligations légales et réglementaires qui incombent aux communes et à leur maire. Ces obligations, ancrées dans le Code général des collectivités territoriales, les lois instituant les commémorations nationales et les instructions ministérielles, font du maire un acteur juridique central dans la transmission de la mémoire collective au niveau local.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public

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