Hôpital : les urgences sur le fil après un été au bord du gouffre

Publié le 8 septembre 2022 à 8h05 - par

Pas de syncope mais encore des sueurs froides : si le Gouvernement se félicite d’avoir évité « la catastrophe annoncée » aux urgences, sur le terrain, des soignants « essorés » redoutent déjà un automne « très compliqué ».

Hôpital : les urgences sur le fil après un été au bord du gouffre

Le pire n’est jamais sûr, mais au CHU de Rennes l’été s’est avéré « pire que les précédents, comme on l’avait anticipé ». Chef des urgences du principal hôpital d’Îlle-et-Vilaine, le Pr Louis Soulat sait qu’il s’en est fallu de peu, avec quatre services du même département « fermés simultanément pendant la nuit », un bond de 30 % des appels au Samu en juillet-août 2022 et « deux fois plus » de lits fermés pendant les grandes vacances du personnel. Tant bien que mal, avec le renfort d’étudiants et un effort des cliniques privées, « les urgences ont tenu le coup », dit-il.

Mais « on ne peut pas dire non plus que ça s’est bien passé », ajoute son confrère Vincent Bounes, patron du Samu de Haute-Garonne, où « c’était la première fois qu’on avait affaire à des fermetures de services sur de nombreux établissements, parfois sur une semaine entière ». Même le CHU de Toulouse a dû se résoudre à n’accepter que les « urgences vitales » certains soirs, en raison d’une grève des soignants réclamant plus d’effectifs. Heureusement, le flux de patients s’est tari à la mi-juillet 2022, en partie grâce à une septième vague de Covid montée moins haut que les précédentes, constate-t-il.

Un peu de chance et beaucoup d’huile de coude, donc. Le ministre de la Santé, François Braun, retient surtout que « la catastrophe annoncée ne s’est pas produite » et veut y voir l’effet de sa « mission flash » rondement menée juste avant son entrée au Gouvernement tout début juillet 2022. Ainsi, l’augmentation des appels au Samu « de l’ordre de 20 % » au niveau national montre selon lui que la consigne officielle « d’appeler le 15 avant de se déplacer » a porté ses fruits et que « ce message est passé ».

Mise en danger

« Il y a un changement de perception chez une partie des patients », davantage conscients de « la nécessité d’une régulation médicale », confirme le Pr Karim Tazarourte, chef du Samu de Lyon, convaincu qu’il faut insister sur ce point et « marteler qu’on ne doit pas se priver de demander un avis avant de venir aux urgences ».

Mais à l’autre bout du fil, « la pénibilité du travail a augmenté » pour les soignants et les temps de « décroché » sont « beaucoup plus longs », ce qui met « en danger les gens qui appellent pour des urgences », dénonce Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste et élu Sud-Santé au CHU de Bordeaux, qui fait état d’un pic à 35 appels en attente simultanément.

« Il y a un fossé entre la communication du ministre et la réalité », affirme la CGT-Santé, qui observe que « les centres 15 sont débordés, les personnels sont épuisés » et « les services d’urgence ferment de manière impromptue (…) y compris dans les grandes villes ».

Les syndicats en arrivent à saisir la justice : comme à Laval mi-août 2022, un signalement a été adressé la semaine dernière au parquet de Bayonne, pour « mise en danger » des personnels et des patients. « Si l’un d’entre nous est un jour mis en cause, la justice aura été alertée de ce qui se passe », explique Patrick Cazalis, délégué Unsa de l’hôpital basque. « Des drames, il y en a eu, comme tout le temps », avance Marie-Pierre Martin, présidente du Collectif Inter-Urgences, qui voit « toujours des malades rester 24, 48 heures ou plus, soignés en mode dégradé juste parce qu’il n’y a pas de places ailleurs ». La situation reste précaire. « Les équipes sont essorées » et « très fragiles », souligne le Dr Marc Noizet, chef des urgences de Mulhouse et successeur de M. Braun à la tête de l’association Samu-Urgence de France. Prédisant déjà « un automne très compliqué », il espère « des signaux forts dès cette rentrée », pour empêcher « que certains services se retrouvent encore en plus grandes difficultés »

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