La fonction publique de retour dans le giron de Bercy, au grand désarroi des syndicats

Publié le 14 octobre 2025 à 8h10 - par

Plus que l’arrivée d’un nouveau ministre de la Fonction publique, le retour de ce portefeuille dans le giron de Bercy, et sous la houlette d’Amélie de Montchalin, suscite les craintes des représentants d’agents d’être relégués au rang de « variable d’ajustement » budgétaire.

La fonction publique de retour dans le giron de Bercy, au grand désarroi des syndicats
© Par M. Coudert - stock.adobe.com

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, et après plusieurs années sous la tutelle de Bercy, la fonction publique avait obtenu un ministère de plein exercice en 2020, dont Amélie de Montchalin (2020-2022) avait pris la tête.

Cinq ans plus tard, la nomination du macroniste David Amiel comme ministre délégué de la fonction publique sous l’égide du ministère de l’Économie marque une rupture.

Cette décision peut paraître symbolique, mais en pleine période d’économies budgétaires, c’est un « très mauvais signal » envoyé aux agents, a déclaré à l’AFP Sylviane Brousse, l’une des représentantes de la CGT, la première organisation syndicale dans l’ensemble de la fonction publique.

Même son de cloche du côté de Force ouvrière, majoritaire dans la fonction publique de l’État (2,5 millions d’agents), qui dénonce par la voix de son secrétaire général, Christian Grolier, une fonction publique passée sous « la tutelle austéritaire » de Bercy.

Et ce diagnostic déborde la sphère syndicale. Pour Marie Pla, la porte-parole du collectif d’agents Nos Services Publics, cette nouvelle donne est « un message sur la priorité qui est accordée aux services publics ».

Alors que le gouvernement espère doter la France d’un budget d’ici la fin de l’année, cette nouvelle configuration est jugée « inadmissible » et révèle une « vision purement comptable » de la fonction publique, a tancé Solidaires fonction publique, première organisation au fisc.

Des craintes exacerbées par un contexte budgétaire tendu, alors que le précédent gouvernement de François Bayrou envisageait des dizaines de milliards d’euros d’économies pour  contenir le déficit public. Après avoir visé 4,7 % du produit intérieur brut (PIB), le nouveau gouvernement pourrait finalement le laisser filer jusqu’à 5 % du PIB en 2026.

L’entourage de David Amiel l’a décrit comme « attaché au dialogue social » et a indiqué qu’il recevrait prochainement les organisations représentatives des trois fonctions publiques.

« Il saura porter une voix d’autant plus forte qu’il est depuis longtemps engagé pour la qualité des services publics, mais aussi pour que leurs conditions de travail et de vie s’améliorent », a affirmé la même source. « C’est pour cela, par exemple, qu’il a porté la proposition de loi sur l’accès au logement des agents publics », a-t-elle ajouté.

Réforme de l’État

Les premiers signes envoyés par le nouveau locataire de Matignon étaient loin de rassurer les agents, dans la continuité des annonces budgétaires de François Bayrou mi-juillet.

Si Sébastien Lecornu n’avait pas explicitement repris la proposition de son prédécesseur de supprimer 3 000 emplois publics, il avait affirmé vouloir réaliser 6 milliards d’euros d’économies sur le « train de vie de l’État ».

Une proposition « nébuleuse », tacle Christian Grolier. Et « s’il faut faire 6 milliards d’euros d’économies, ça signifie qu’il n’y aura aucune marge de négociations pour les salaires », poursuit-il, rappelant que la fonction publique est en proie à une crise d’attractivité majeure.

La décision de Sébastien Lecornu de mettre fin aux avantages à vie des ex-ministres pouvait faire office de profession de foi, et fut globalement saluée, mais elle ne permettait qu’une économie dérisoire, de quelques millions tout au plus.

Et la notion de « train de vie de l’État » reste floue, abonde Marie Pla. En revanche, « la part des dépenses publiques allouées au privé a doublé depuis 1980, et c’est plutôt là-dessus qu’on pourrait regarder », fait-elle remarquer.

Ce nouveau périmètre permet à Amélie de Montchalin de récupérer un ministère familier où elle était notamment parvenue à obtenir un accord à l’unanimité sur la protection sociale complémentaire des agents publics (PSC).

De quoi donner quelques gages à Mylène Jacquot, secrétaire général de la CFDT fonction publique, qui estime que ce rattachement « peut interroger », mais que « l’expérience de la ministre lui permet de bien connaître le sujet ». « Elle connaît et aime les agents » et « traverser la Seine ne lui a pas fait changer de regard sur ceux qui font vivre l’État. Elle refuse d’en faire une gestion comptable », a répondu son cabinet, joint par l’AFP.

David Amiel avait porté une proposition de loi pour améliorer l’accès au logement des agents publics, relève Mylène Jacquot. Mais le texte, soutenu par le gouvernement, n’avait pas eu le temps d’être entièrement examiné.

Il n’y a pas d’illusion à se faire sur ce point selon Christian Grolier, qui égrène de nombreuses initiatives sur le logement « restées lettre morte par manque d’argent ».

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