Ce décalage suscite un profond malaise parmi les agents publics, fragilise l’attractivité de la fonction publique locale et complique considérablement le dialogue social. Les mesures ponctuelles engagées par l’État, comme les primes exceptionnelles ou les augmentations ciblées, peinent à compenser durablement cette perte de pouvoir d’achat.
La valeur du point d’indice des fonctionnaires est déconnectée de la réalité économique
De 2010 à 2016 et de 2017 à 2022, la valeur du point d’indice est restée gelée, alors même que l’inflation continuait de progresser. Cette politique de rigueur budgétaire a conduit à une perte significative de pouvoir d’achat pour les agents publics. Les revalorisations opérées depuis 2017, bien que réelles, n’ont pas permis de rattraper le retard accumulé. À titre d’exemple, un agent de catégorie C a vu son pouvoir d’achat diminuer de près de 15 % sur la période 2010-2022.
Depuis 2021, l’inflation connaît une hausse inédite, dépassant les 10 % entre 2021 et 2023. Dans le même temps, la seule revalorisation significative du point d’indice s’est limitée à 3,5 % en juillet 2022. Ce différentiel aggrave le sentiment de déclassement et amplifie les difficultés financières des agents, notamment les moins bien rémunérés. Cette situation est d’autant plus critique que les dépenses contraintes, telles que l’énergie, les transports ou l’alimentation, représentent une part croissante dans le budget des ménages publics.
La fixation du point d’indice relève d’une décision centralisée de l’État, peu compatible avec une adaptation agile aux réalités économiques. Contrairement au secteur privé, qui bénéficie de négociations collectives plus fréquentes et localisées, les agents publics sont tributaires d’arbitrages politiques souvent tardifs et insuffisants. Une piste d’évolution consisterait à instaurer une clause d’indexation partielle ou une conférence annuelle sur les rémunérations publiques, intégrant les partenaires sociaux territoriaux.
La non-revalorisation de la valeur du point d’indice des fonctionnaires fragilise les services publics et génère des tensions sociales
Face à la stagnation de leur rémunération, les agents publics ressentent un manque de reconnaissance. Cette dévalorisation alimente un climat délétère, favorise le turn-over et nuit à la continuité du service rendu aux citoyens. Les encadrants doivent composer avec des équipes fragilisées, parfois démobilisées. Cette démotivation, largement partagée, pèse aussi sur l’innovation et la qualité de l’action publique.
Les écarts croissants entre salaires publics et coûts de la vie affectent gravement l’attractivité des métiers territoriaux, notamment dans les filières sociales, médico-sociales et techniques. Les collectivités rencontrent de grandes difficultés de recrutement, surtout dans les zones à forte pression immobilière. Certaines fonctions sont désormais en tension permanente, obligeant à recourir à des contractuels, ou à différer des projets de service.
Le mécontentement des agents se traduit par une intensification des revendications dans les instances de dialogue social. Les syndicats réclament une revalorisation régulière et prévisible du point d’indice, mais aussi des leviers territoriaux comme des régimes indemnitaires plus adaptés aux réalités locales. Une approche plus concertée et territorialisée du dialogue social pourrait contribuer à restaurer la confiance et à anticiper les tensions.
Inflation et point d’indice : un écart préoccupant
L’écart entre la valeur du point d’indice et l’inflation n’est pas qu’un indicateur économique : il est devenu un marqueur d’injustice sociale et de fragilisation de l’action publique territoriale. Pour garantir la qualité des services publics locaux et préserver la cohésion des équipes, il est urgent de redonner du souffle à la politique salariale dans la fonction publique. Cela implique une revalorisation régulière du point d’indice, une plus grande souplesse d’ajustement à l’échelle locale et une meilleure reconnaissance des métiers de terrain. Il conviendrait également de mieux associer les collectivités territoriales aux décisions nationales en matière de rémunération, afin d’assurer une meilleure adéquation entre les moyens humains et les besoins des territoires.
Agents publics en grève : revendications salariales urgentes
La grève nationale de ce mardi 13 mai 2025, à l’appel de cinq syndicats représentatifs (CGT, Unsa, FSU, Solidaires, CFE-CGC), s’inscrit pleinement dans cette dynamique de contestation. L’une des revendications majeures porte précisément sur l’absence de mesures générales en faveur des salaires et sur l’inquiétude suscitée par les annonces de coupes budgétaires à hauteur de 40 milliards d’euros dans le budget 2026. Cette mobilisation traduit le ras-le-bol croissant des agents publics, confrontés à une stagnation persistante de leur pouvoir d’achat et à une stigmatisation croissante de leurs missions.