“Pour que le projet de gestion de l’eau soit pertinent, il faut que le territoire le soit aussi”

Publiée le 14 décembre 2022 à 9h40 - par

Le changement climatique augmente la quantité d'eau stockée dans l'atmosphère. D'où des précipitations moins nombreuses mais plus violentes, et un dessèchement des sols. Les collectivités doivent l'intégrer dans leurs politiques d'aménagement du territoire, thème des Aqua Business Days qui se sont tenus les 8 et 9 décembre 2022, à La Grande-Motte (Hérault). Sylvain Boucher, président du pôle Aqua-Valley, décrypte les débats de ces deux jours.

Quelles sont les bonnes pratiques pour gérer l’eau à l’échelon local ?

Il faut arrêter de séparer la démarche d’aménagement et les actions sur la politique de l’eau. Il convient de remettre l’eau au cœur des politiques d’aménagement et d’avoir une seule démarche, ce que les collectivités commencent à faire de façon marginale. Il faut aussi que les échelles de réflexion correspondent aux territoires : un territoire, un projet. Par exemple pour la métropole de Nice, l’approche prend en compte l’aire métropolitaine avec une vision organique et globale du cycle de l’eau. Pour les territoires ruraux, selon les cas, c’est à l’échelon de la commune ou de l’intercommunalité que s’opère la réflexion. Car, pour que le projet soit pertinent, il faut que le territoire soit pertinent aussi. Enfin, il faut associer la population à la réflexion afin de mieux lui faire comprendre et accepter les aménagements, dans un objectif de diminution de la consommation et d’un usage optimisé de l’eau.

Concrètement, que peuvent faire les communes ?

La gestion de la domanialité du sol leur appartient et, à ce titre, toutes les réalisations prévues par les plans d’urbanisme dépendent d’elles : la restauration de trame verte qui contribue au rafraîchissement, l’irrigation raisonnée, les aménagements paysagers comme la création de noues ou de retenues d’eau qui évitent l’évacuation rapide de l’eau de pluie et permettent qu’elle recharge le sous-sol… Il faut créer des bâtiments dans lesquels l’eau de pluie et les « eaux grises » traitées et recyclées puissent être réutilisées pour l’arrosage, le nettoyage, les chasses d’eau… Un immeuble pilote situé à Grenoble montre que c’est possible.

Quel est le rôle des agences de bassin ?

Les agences de bassin sont nécessairement parties prenantes à la réflexion car ce sont elles qui ont la vision globale des disponibilités d’eau et de leur évolution, et des possibilités de partage de l’eau à l’échelle du bassin versant. Lors des Aqua Business Days, des représentants des agences de bassin, du monde de l’assurance et du monde des aménageurs se sont trouvés sur scène au même moment. Interrogés sur les démarches communes qu’ils entreprennent, ils ont répondu qu’ils s’étaient rencontrés ce jour-là pour la première fois grâce au pôle Aqua-Valley

Quels point forts ont émergé des rencontres Aqua Business Days ?

La problématique de ces deux jours était de reconsidérer l’eau comme un élément essentiel de l’aménagement du territoire, avec notamment deux objectifs. Tout d’abord, faire prendre conscience de la rareté de la ressource et de sa contribution à l’effet de serre, et donc de la nécessité de la prendre en compte dès l’amont dans la réflexion, plutôt que de l’ajouter à la fin. Ensuite, nous voulions montrer que des solutions technologiques peuvent être mises en œuvre. Certes, il reste des éléments liés à l’approche sanitaire à incorporer mais les technologies ont évolué depuis 150 ans : on sait désormais traiter les pathogènes, effectuer une analyse rapide de l’eau et assurer une traçabilité. On peut donc envisager de réutiliser l’eau pour différents usages. Toutes les analyses scientifiques montrent les avantages de cette réutilisation et attestent qu’elle est sûre. Des expériences de Reuse* ont été faites depuis douze ans pour l’irrigation afin de vérifier le comportement des plantes, dont les retours sont extrêmement positifs. C’est aussi le cas sur le bâtiment de Grenoble, où une « marche à blanc », effectuée pendant deux ans, n’a pas entraîné de souci particulier. On sait donc maintenant qu’on peut passer à la généralisation d’un certain nombre de solutions, en respectant des règles qui vont dans le sens d’une économie globale de l’eau.

Propos recueillis par Martine Courgnaud – Del Ry

*Réutilisation des eaux usées traitées

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