L’accès aux études de médecine réformé, mais toujours beaucoup d’échecs et de déceptions

Publié le 8 avril 2022 à 10h30 - par

La réforme de la première année des études de médecine avait pour but de mettre un terme à la « boucherie » du concours d’accès à la deuxième année : plus d’un an après sa mise en œuvre, nombre d’étudiants sont « déboussolés » et les déçus toujours nombreux.

L'accès aux études de médecine réformé, mais toujours beaucoup d'échecs et de déceptions

Depuis septembre 2020, la première année commune des études de santé (PACES) a été remplacée par deux filières : le parcours d’accès spécifique santé (PASS, avec une discipline « santé » en majeure), et la licence accès santé (LAS, où la discipline « santé » est en mineure). Le concours de fin d’année a été supprimé, remplacé par une sélection – toujours drastique – en contrôle continu au fil des mois. Pas de redoublement possible. Ceux qui échouent à accéder à la deuxième année en médecine, pharmacie, dentaire, maïeutique ou kiné peuvent poursuivre en licence dans la thématique de leur mineure : soit pour se réorienter, soit pour retenter le passage en parcours santé, présenté comme une deuxième chance.

Pour les bacheliers, la fin de la PACES et du concours a été interprétée comme un accès facilité aux études de médecine, relève la sénatrice centriste Sonia de la Provôté. « En réalité, cela reste très exigeant », ajoute l’autrice d’un rapport sur cette réforme, qui appelle le gouvernement à « rectifier le tir ». Parmi les doléances des étudiants : la surcharge de travail due à la discipline obligatoire autre que « santé », et des moyennes d’admission en 2e année qui changent d’une fac à l’autre et même au fil de l’année. L’objectif de la réforme, qui était de « limiter le gâchis humain » n’est « pas atteint », juge Rozenn Cillard, porte-parole de l’association des étudiants en médecine (Anemf).

Selon cette organisation, plus d’un quart (28 %) des étudiants admis en 2année de licence (LAS) mais pas en 2e année de médecine, ont abandonné les bancs de la fac pendant l’année universitaire 2020-2021. La sénatrice évalue elle cette proportion à quelque 20 %.

La Belgique ou l’Espagne

Ces jeunes abandonnent leurs études, se réorientent complètement ou partent à l’étranger, un phénomène qui existait avant la réforme et qu’elle n’aura pas réussi à endiguer. Après une PASS à l’université de Nice en distanciel (Covid oblige), Jeanne dévisse au classement en dépit d’un premier semestre « pas trop mal ». « J’en avais marre, on a appris les modalités de contrôle deux semaines avant le partiel », dit l’étudiante. Découragée, celle qui veut devenir pédiatre décide alors de partir en Belgique. Des frais de scolarité à 800 euros, un pays francophone, des profs « bienveillants » : la jeune femme dit avoir pris « la meilleure décision de sa vie ».

Comme Jeanne, les étudiants en santé sont nombreux à étudier en Belgique. L’académie de recherche et d’enseignement supérieur de Belgique (Ares) parle d’« explosion » du nombre de candidats français aux concours, qu’elle impute à la réforme de 2020. Entre 2017 et 2021, la part de candidats français à l’accès en sciences médicales a triplé, passant de 13 % des candidats à près de 35 %, selon les chiffres de l’Ares. Et ce malgré un quota de 30 % d’étudiants étrangers maximum admis par université.

D’autres, comme Pierre, ont la chance d’avoir des parents qui peuvent financer des études en Espagne dans une faculté privée, où l’année coûte jusqu’à 20 000 euros. Après une première année « éprouvante psychologiquement » dans une fac française, le jeune homme valide son année pour poursuivre en licence mais n’a pas les notes suffisantes pour passer en 2e année de médecine. Soutenu financièrement par ses parents, il traverse les Pyrénées. « Écœuré », Martin, le père de l’étudiant, a rejoint le collectif PASS-LAS, comme d’autres parents et étudiants qui ont vu leurs rêves d’avenir s’écrouler. Et s’interroge : « Pourquoi traiter ainsi des jeunes gens dont la vocation est de prendre soin des autres ? ».

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