C’est la loi du 24 juillet 2019 qui supprime la première année commune d’études de santé (PACES), crée en 2010, et modifie l’accès au premier cycle des formations de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP) à partir de deux grandes voies d’accès : le PASS comprenant une majeure santé et une mineure hors santé ; la LAS avec une majeure hors santé et une mineure santé. Cette réforme poursuit plusieurs objectifs. Il s’agit notamment d’augmenter les effectifs de professionnels de santé pour répondre aux besoins des populations, de réduire les échecs des étudiants en leur offrant des possibilités de réorientation et de diversifier le profil des futurs professionnels de santé.
Mais, rapidement, les critiques fusent. La Fédération des associations générales étudiantes (Fage) pointent divers dysfonctionnements : le nombre de LAS diffère d’une université à l’autre d’où des inégalités territoriales, les modalités des épreuves ne sont pas les mêmes selon les facultés, les enseignements en LAS sont moins qualitatifs qu’en PASS qui reste la « voie royale » pour devenir médecin… « Le système résultant de la réforme est complexe et difficilement lisible pour l’ensemble des personnes concernées (étudiants et leurs familles, enseignants, administratifs, ministères, etc.). Les étudiants expriment des difficultés de compréhension persistantes sur l’organisation des LAS et du fait de l’existence de multiples voies d’accès après le baccalauréat, qui compliquent l’orientation des lycéens », résume la Cour.
En outre, la réforme est loin d’avoir résolu les problèmes d’attractivité des filières pharmacie et maïeutiques. Ainsi, en 2002, 1 100 places sont restées vacantes en deuxième année de pharmacie. Elle n’a pas non plus enrayé les départs d’étudiants à l’étranger. Selon le sondage réalisé par la Cour des comptes, environ 10 % des étudiants n’ayant pas accédé aux formations MMOP poursuivent des études de médecine, d’odontologie, de pharmacie ou de maïeutique à l’étranger, principalement en Espagne, Roumanie, Belgique et au Portugal.
La Cour souligne également que la réforme n’a pas permis de diversifier les profils des étudiants : « À ce jour, la réforme n’a pas produit la diversification attendue des profils d’étudiants, ceux-ci conservant des profils similaires avant et après la réforme, avec même une légère tendance à l’homogénéisation », souligne le rapport. Quant à la diversité géographique, la Cour relève que « de nombreuses LAS ont ouvert dans des universités ne disposant pas d’une UFR en santé, généralement situées dans des villes plus petites permettant un accès facilité aux ruraux et à un public défavorisé. Toutefois les conditions d’études proposées dans ces universités sont telles que les chances d’accéder à MMOP demeurent faibles ».
Une voie unique
« Au vu de ces éléments, la coexistence des parcours PASS et LAS, source de complexité et globalement inefficace, doit être abandonnée », conclut la Cour des comptes. Et d’enfoncer le clou : « Le maintien intégral de l’organisation actuelle en effet perpétuerait, voire aggraverait les difficultés observées, encourageant les stratégies de contournement ». Une voie unique est donc la solution. La Cour exclut cependant de revenir à une PACES tout comme mettre en place un accès direct après le baccalauréat. Cela « constituerait un changement trop radical, qui viendrait à nouveau déstabiliser les organisations après une série de réformes ». Elle estime aussi que la généralisation d’un modèle « tout LAS » pourrait être un échec « face à l’opposition de nombreux acteurs, notamment au sein des UFR [Unité de Formation et de Recherche, Ndlr] en santé ». La seule solution réaliste serait « la création d’une voie unique, en concertation avec l’ensemble des acteurs et fondée sur une première année consacrée principalement à la santé et gérée par l’UFR en santé ».
D’autres changements à prévoir
Pour autant, il ne s’agit pas de la seule recommandation de la Cour. Celle-ci propose plusieurs évolutions. Par exemple, elle préconise d’expérimenter, sur un panel d’universités, un accès direct en pharmacie et en maïeutique pour un contingent d’élèves sélectionnés sur Parcoursup, en complément d’un accès classique via la première année d’études de santé pour le contingent restant. Elle conseille aussi de mettre en place un comité de pilotage commun aux deux ministères (de l’Enseignement supérieur et de la Santé) « sur la connaissance des besoins, l’évaluation du nombre de professionnels à former, le suivi des effectifs et des moyens qui se réunisse au moins annuellement, de manière à permettre un réajustement régulier des objectifs de formation ».
En ce qui concerne les LAS, puisqu’elles ne disparaîtront pas immédiatement, la Cour des comptes incite à « harmoniser et rationaliser » leur fonctionnement en fixant nationalement le volume des enseignements qui composent la mineure en santé des trois années de LAS et ceux, hors santé, qui composent la mineure des PASS. Elle veut aussi limiter le nombre de LAS « en fermant celles offrant un faible taux d’admission en MMOP et en privilégiant les LAS offrant les meilleures perspectives de réorientation aux étudiants ».
La Cour souhaite encourager l’accès aux études de santé pour les jeunes issus de milieux ruraux et défavorisés en développant une offre territoriale de formations délocalisées donnant accès aux études de santé. Elle recommande aussi d’élargir les passerelles donnant accès à la deuxième année de médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie à des formations du premier cycle de domaines scientifiques ou non scientifiques et en développer le volume.
La plupart de ces propositions devraient être mises en œuvre dès 2025 et en 2026 selon la Cour. Et celle de la voie unique à la rentrée 2025. Soit dans 9 mois.
Magali Clausener