L’agence du médicament sonne l’alarme sur les antibiotiques

Publié le 6 novembre 2014 à 0h00 - par

L’agence de la sécurité du médicament s’inquiète d’une hausse « préoccupante » de la consommation d’antibiotiques en France depuis 2010 alors qu’elle avait baissé auparavant de manière « significative ».

L’agence du médicament sonne l’alarme sur les antibiotiques

Le nouveau rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur la consommation des antibiotiques fait état d’une baisse globale de 10,7 % de la consommation des antibiotiques de 2000 à 2013 à la suite de plusieurs campagnes d’information, mais relève « une augmentation de 5,9 % depuis 2010 ». « C’est un problème préoccupant car la hausse de la consommation se traduit par une résistance accrue aux antibiotiques et on observe un développement des situations d’impasse thérapeutique », a déclaré jeudi un responsable de l’ANSM, Philippe Cavalié. L’étude s’inscrit dans le cadre d’un plan national de réduction de 25 % de la consommation d’ici 2016. Un objectif « mal engagé » selon le responsable du rapport, s’il n’y a pas de « renversement de tendance » dès l’année prochaine. Cette tendance appelle pourtant à une prise de conscience du problème puisque selon l’OMS, 25 000 personnes meurent chaque année dans l’Union européenne, en raison de la résistance développée par les bactéries.

Dans un ouvrage publié en octobre et intitulé « Antibiotiques, le naufrage », le spécialiste mondial de bactériologie, Antoine Andremont, prédit avec pessimisme que des maladies bénignes pourraient redevenir mortelles d’ici une vingtaine d’années si rien n’est fait. Le document de 35 pages de l’ANSM confirme une tendance qui avait déjà été observée ces dernières années. C’est surtout la consommation « de ville » (90 % du total) par opposition à celle dans les hôpitaux (10 %) qui préoccupe les experts, la seconde s’étant stabilisée. Et c’est la consommation par les femmes qui est la première concernée car celles-ci représentent 60 % des utilisateurs.

La France, qui se distingue sur le plan mondial par sa forte consommation globale de médicaments, est l’un des plus gros utilisateurs d’antibiotiques en Europe. « La consommation française est de 30 % supérieure à la moyenne européenne », déplore Philippe Cavalié. Les habitants de l’hexagone dévorent même plus d’antibiotiques que les Américains, pourtant eux-mêmes friands de ces médicaments utilisés dans toutes sortes de maladies allant de la cystite (infection urinaire) à la pneumonie en passant par l’acné. La consommation française dépasse de 25 % celle du premier marché pharmaceutique au monde, précise l’ANSM.

Le gouvernement avait mené une vaste campagne d’information dans les années 2000 auprès des professionnels de la santé et du grand public. Les effets s’en étaient fait sentir dans la première partie de la décennie. Une baisse significative de la consommation avait été enregistrée entre 2000 et 2004. On se souvient du slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique ». Mais de l’avis des experts, les messages qui ont suivi ont perdu de leur impact alors que selon Philippe Cavalié, la pression des patients sur les médecins pour se faire prescrire des médicaments continue pour des raisons à la fois « socio-économiques et culturelles ». Pour les spécialistes de l’ANSM, la situation est, entre autres, inquiétante parce que « très peu de nouvelles molécules (antibiotiques) ont été introduites au cours de ces dernières années ».

Soixante-dix ans après l’arrivée du médicament « miracle » sur le marché, dont le premier fut la pénicilline inventée par le prix Nobel britannique Alexander Flemming, les laboratoires internationaux ont pratiquement abandonné la recherche antibiotique, pour des raisons essentiellement économiques. Dans cette guerre inégale contre les bactéries, l’OMS a appelé au printemps les géants pharmaceutiques à relancer les études sur des molécules plus efficaces contre les bactéries super résistantes et sur des méthodes alternatives.

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