Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui a débuté son parcours parlementaire, prévoit, dans sa version gouvernementale, un Objectif national des dépenses de l’assurance maladie (Ondam) pour les soins de ville à + 0,9 % ; le plus faible taux jamais enregistré.
Face à cette proposition, les acteurs de la ville n’ont pas tardé à réagir.
Un sous-financement de la médecine de ville
Les Libéraux de santé (LDS), qui regroupent dix syndicats représentatifs des professionnels de santé libéraux1 dénoncent le contenu du PLFSS, un texte qui est « loin d’apporter les réponses structurelles attendues à la crise de l’accès aux soins » et qui « consacre le sous-financement de la médecine de ville » ainsi que « l’affaiblissement du système conventionnel », regrettent-il. Ils estiment que le sous-Ondam de ville est « inacceptable » parce « que intenable », et qu’il « fait peser un risque historique sur l’accès aux soins ». Cette version du texte privilégie, selon eux, l’hôpital avec « des transferts financiers déguisés qui n’ont rien à voir avec le soin ». Ils pointent notamment le financement de la retraite des fonctionnaires hospitaliers sur l’Ondam à hauteur de 700 millions d’euros en 2026, après 1,4 milliard d’euros en 2025, soit 2,1 milliards d’euros « détournés de l’enveloppe de soins ». Ils réclament un rééquilibrage immédiat de l’Ondam en faveur de la ville. Les syndicats libéraux dénoncent également la rupture du pacte conventionnel et s’opposent avec force à l’article 24 du PLFSS, « qui porte atteinte au cadre conventionnel en instaurant un pouvoir unilatéral du Directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) de modifier les tarifs, « une déclaration de guerre au dialogue social », soutiennent-ils.
Une fragilisation des spécialités libérales
La colère et l’incompréhension sont similaires du côté des représentants des spécialistes. « Nous sommes pleinement conscients des difficultés financières que traverse notre pays et du déficit abyssal de notre système de santé. Nous savons que des efforts sont nécessaires. Nous sommes prêts à les assumer, mais ils ne peuvent être à sens unique », soutiennent les représentants d’Avenir Spé, syndicat national représentant les spécialités médicales et médico-chirurgicales, hors les spécialistes en médecine générale. Le texte de loi tel qu’il a été rédigé « est un texte de régression ». « Il acte des choix politiques qui fragilisent profondément l’exercice de la médecine spécialisée et particulièrement libérale », souligne le syndicat. Parmi les mesures qu’il dénonce :
- le plan imagerie, qui impose 300 millions d’euros d’économies ;
- l’intégration des actes en sus dans les Groupes homogènes de séjours (GHS), entraînant une baisse mécanique des financements hospitaliers.
« Ces actes, désormais non soutenables financièrement, ne pourront plus être réalisés, car leur coût dépassera leur remboursement, soutiennent les spécialistes. C’est un affaiblissement structurel de pans entiers de notre activité. »
Le Dossier médical partagé (DMP)
Le PLFSS prévoit par ailleurs des amendes pour non-remplissage du Dossier médical partagé (DMP) alors même « que son déploiement n’est pas totalement effectif », ce que rappellent Avenir Spé tout comme les LDS. De nombreuses professions ne disposent toujours pas des outils numériques nécessaires pour accéder à ce service « dans des conditions fiables et sécurisées ». Les professionnels demandent donc la suspension immédiate des pénalités tant que « l’accessibilité technique complète et équitable n’est pas garantie pour tous ». Les LDS s’opposent également au doublement des franchises et participations forfaitaires, prévus également pour les patients en affection de longue durée (ALD), ce qui représente pour eux « une mesure d’une grande brutalité », qui pourrait conduire à un renoncement aux soins. Ils refusent également de « devenir des collecteurs de franchises au bénéfice de la Cnam ».
Discussion et plan d’actions
Les représentants des spécialistes et des LDS estiment qu’une réflexion approfondie des usages et des priorités est nécessaire. Les LDS se disent prêts à travailler de façon constructive avec les parlementaires de tous bords et les appellent à amender profondément le texte, afin « de rétablir l’équilibre entre l’hôpital et la ville, de supprimer les mesures coercitives et de garantir un financement à la hauteur des besoins de santé de la population ».
Les représentants d’Avenir Spé ont quant à eux annoncé un plan d’actions avec des mesures chocs à commencer par une grève de la permanence des soins en établissements ; un désengagement collectif de l’OPTAM pour tous les médecins de secteur 2 ; le gel de l’alimentation du DMP ; et la suspension de la participation à tout projet national ou régional.
Laure Martin
1. Les CDF, la CSMF, la FFMKR, la FNI, la FNO, la FNP, la FSPF, le SDA, le SDBIO et le SNAO.
