Médicaments : jusqu’où l’État doit-il reprendre la main ?

Publié le 25 juin 2021 à 8h47 - par

Une production au ralenti, des pénuries fréquentes, des prix qui montent : la France du médicament va mal, estiment plusieurs députés qui accusent la « marchandisation » du secteur mais ne tranchent pas sur le rôle que l’État doit jouer.

Médicaments : jusqu'où l'État doit-il reprendre la main ?

« Le constat dressé est alarmant », a résumé mercredi 23 juin 2021 le député Pierre Dharréville (PCF), à l’occasion de la présentation d’un rapport parlementaire sur la situation des médicaments en France. « Nous avons vu croître les pénuries et se dégrader la capacité de réponse aux besoins de santé », a-t-il insisté. « On ne peut pas s’y résoudre. »

Le constat date déjà de plusieurs années même s’il est ravivé par la crise du Covid-19 avec, par exemple, l’échec de l’Institut Pasteur à développer un vaccin ou les retards du géant Sanofi en la matière.

Là où l’approche des députés est neuve, c’est qu’ils se sont penchés sur l’ensemble de la situation au lieu de se concentrer séparément sur la recherche, la capacité à produire des médicaments ou les difficultés des patients à y accéder.

Au final rien ne va, selon eux. La France, qui dominait l’Europe du médicament voici encore quelques années, est passée à la quatrième ou cinquième place, que ce soit en matière de nouveaux traitements développés ou de quantité de médicaments produits.

Les pénuries sont de plus en plus fréquentes, privant régulièrement des patients d’un médicament essentiel à leur santé.

Selon les députés, ce qui ne va pas, c’est que le secteur pharmaceutique, pourtant déjà très régulé, est trop soumis à des logiques financières, même s’ils pointent aussi combien la lourdeur de l’administration peut décourager de mener des essais cliniques en France.

« La santé est fortement marchandisée et il y a besoin de politiques publiques », a résumé M. Dharréville. « Ce n’est pas au marché de décider. »

Désaccords politiques

Que faire, alors ? La question est d’autant plus d’actualité que le président Emmanuel Macron doit annoncer mardi 29 juin des mesures concernant le secteur pharmaceutique, à l’issue d’une rencontre préparée depuis des mois avec les industriels de la santé.

Les propositions des députés ne manquent pas : créer un « chef d’orchestre » des médicaments pour coordonner les politiques publiques, augmenter les salaires des chercheurs, renforcer les sanctions contre les entreprises coupables de pénuries…

Ils insistent sur la nécessité de se coordonner avec les autres pays de l’Union européenne (UE), sur le modèle de ce qui a été fait pour commander les vaccins anti-Covid-19.

Mais ces mesures s’apparentent difficilement au « changement de modèle » promu par le titre du rapport.

Elles ne répondent notamment pas à des problèmes de fond longuement décrits par le rapport lui-même, en premier lieu les choix stratégiques des géants pharmaceutiques.

Ces derniers tendent de plus en plus à diminuer leurs propres recherches pour plutôt acheter, parfois très cher, des start-ups innovantes. Elles cherchent ensuite à répercuter ces coûts élevés sur le prix du médicament, même si celui-ci n’est pas libre en France.

Leur changement de modèle économique est aussi lié à la révolution des biotechnologies. Elles aboutissent à de nouveaux médicaments très puissants, par rapport aux traitements chimiques classiques, mais aussi très chers.

« Il va falloir trouver le moyen » de financer ces traitements mais « nous n’avons pas été jusqu’à le définir », a reconnu le député Jean-Louis Touraine (LREM). « On a listé quelques pistes mais on n’a pas conclu » sur celle qui sera indispensable, a-t-il ajouté.

Si les députés peinent à trancher, c’est qu’il est probablement impossible de trouver une approche consensuelle sur le plan politique.

Exemple le plus marquant : est-ce une bonne idée de créer un grand organisme public, un « pôle », qui gérerait la politique du médicament, de la recherche à leur distribution ?

Communiste, M. Dharréville y est favorable, alors que sa collègue macroniste Audrey Dufeu rejette clairement l’idée.

« Un pôle public, c’est illusoire », a-t-elle assuré, excluant toute « solution magique » et préférant « une collaboration entre les différents acteurs » privés et publics.

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