Pénuries de médicaments : la feuille de route 2024-2027 du Gouvernement

Publié le 11 mars 2024 à 9h00 - par

Présentée le 21 février 2024, la feuille de route 2024-2027 de lutte contre les pénuries de médicaments a pour ambition de réduire les ruptures de stocks des médicaments. Articulée en 4 axes, elle comprend des mesures déjà mises en œuvre. Point sur les principales mesures.

Pénuries de médicaments : la feuille de route du Gouvernement
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Reportée plusieurs fois, la feuille de route 2024-2027 de lutte contre les pénuries de médicaments a enfin été présentée le 21 février 2024 par Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie et Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Elle s’articule autour de 4 axes : détection du signal et plan d’actions gradué face aux tensions d’approvisionnement et aux pénuries ; nouvelles actions de santé publique pour améliorer la disponibilité des médicaments ; nouvelles actions économiques pour améliorer la disponibilité des médicaments ; transparence de la chaîne d’approvisionnement et information jusqu’au patient.

Un rôle renforcé pour l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP

De nombreuses mesures, portant notamment sur la distribution des médicaments en ville, ont déjà été actées dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2024. On peut citer en particulier la mise en œuvre de mesures exceptionnelles d’épargne des médicaments (dispensation à l’unité obligatoire, obligation d’ordonnance conditionnée à la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique), des mesures de flexibilité réglementaires ou des mesures visant à maintenir sur le marché certains médicaments matures. La LFSS prévoit également la production, en cas de tensions d’approvisionnement et de ruptures de stocks, la production de préparations hospitalières spéciales et de préparations officinales spéciales. La feuille de route attribue de fait un rôle important d’anticipation et de gestion des tensions et ruptures à l’établissement pharmaceutique (EP) de l’AP-HP. Il sera ainsi chargé de la coordination et du pilotage d’un réseau d’acteurs publics (PUI notamment) et privés (façonniers, fournisseurs de matière première à usage pharmaceutique, etc.), dans le cadre de contrats de sous-traitance pharmaceutique. Selon le gouvernement, l’EP pourra « éventuellement » porter les préparations hospitalières ou les préparations officinales à l’AMM (autorisation de mise sur le marché) pour les molécules qui ne seront plus commercialisées. Il pourra également se voir confier, en cas d’absence de repreneur industriel, l’exploitation et la fabrication du médicament pour le marché français « pour une durée de deux ans reconductibles ».

Des études sur les pertes de chance

La feuille de route mise aussi sur une « transparence et optimisation de la liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), ainsi que sur la prescription et la dispensation des alternatives thérapeutiques des médicaments essentiels. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) doit ainsi élaborer des tableaux de concordance des médicaments accessibles aux prescripteurs et des tableaux d’équivalence pour les pharmaciens d’officine. Les pénuries peuvent aussi entraîner des pertes de chance pour les patients, par exemple ceux atteints d’un cancer, ainsi que des effets indésirables dus aux ruptures de médicaments. Le gouvernement veut par conséquent renforcer et mieux identifier la déclaration de la iatrogénie liée aux ruptures de médicaments sur le portail Signalement des évènements sanitaires indésirables et mettre en place des études d’évaluation de pertes de chances.

Outre les relocalisations de production de certaines molécules, la feuille de route vise à sécuriser les approvisionnements de médicaments des établissements hospitaliers. Le dispositif souffre en effet de certaines faiblesses comme des pratiques d’achat « historiquement centrées sur la performance économique » ainsi que la remontée d’informations et leur traitement. Afin d’assurer une meilleure information des praticiens, il est également prévu d’informer les prescripteurs en intégrant l’information de la disponibilité des médicaments dans les logiciels d’aide à la prescription (LAP).

Des stocks plus importants

Une semaine après la présentation de cette nouvelle feuille de route, les députés adoptaient à l’unanimité, le 29 février 2024, la proposition de loi sur les pénuries de médicaments portée par la députée Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne, Socialistes et apparentés). Le texte porte avant tout sur les stocks de sécurité de médicaments. Il inscrit dans la loi un niveau minimal de stock : entre une semaine et quatre mois de couverture des besoins pour les médicaments du quotidien, et entre deux et quatre mois pour les MITM. L’ANSM pourrait néanmoins, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, permettre aux industriels de constituer un stock plancher moindre « notamment lorsque ces niveaux de stock sont incompatibles avec l’approvisionnement approprié et continu du marché national ». Elle pourrait également imposer la constitution d’un stock de sécurité de six mois pour les MITM concernés par une rupture de stock ou un risque de rupture de stock. Le Sénat doit maintenant examiner le texte. Mais il suscite déjà l’opposition des industriels, en particulier des génériqueurs.

Magali Clausener


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