« Le logement des jeunes est un défi économique et social, mais aussi politique : sans logement, comment se construire un avenir », soutient Dominique Estrosi Sassone, présidente de la Commission des affaires économiques du Sénat (Alpes-Maritimes – groupe Les Républicains). Réunie le mercredi 15 octobre 2025, la commission a donc adopté le rapport d’information sur ce sujet, rédigé par trois de ses membres : Viviane Artigalas (Hautes-Pyrénées – groupe Socialiste, écologiste et républicain), Martine Berthet (Savoie – groupe Les Républicains) et Yves Bleunven (Morbihan – groupe Union centriste).
De mars à octobre 2025, la mission d’information a mené 18 auditions et entendu 22 représentants d’administrations, d’associations, de bailleurs sociaux et d’élus locaux. Les trois rapporteurs en retirent le constat « d’une situation économique et sociale alarmante de la jeunesse et identifient deux moments clés dans le parcours de logement des jeunes sur lesquels agir », à savoir :
- le départ du domicile parental, avec les études ou l’entrée dans la vie active, qui nécessite un accompagnement au sein d’un logement en résidence dédiée ;
- l’accès à un logement autonome, d’abord en tant que locataire puis comme propriétaire.
Le rapport formule 25 propositions pour faire du logement des jeunes une priorité nationale, en agissant selon trois axes : programmer, accompagner, innover.
Programmer
Face à la pénurie de logements dédiés aux jeunes, les rapporteurs préconisent de définir une programmation territorialisée du logement des jeunes et de sortir de la segmentation entre les étudiants et les jeunes actifs pour expérimenter des résidences mixtes adaptées à la porosité entre les profils. « À l’heure où les frontières entre études et emploi s’effacent et où la jeunesse s’allonge, nous devons absolument construire une programmation du logement de tous les jeunes, incluant aussi les jeunes actifs ou les jeunes saisonniers. À partir de 21 ans, les jeunes étudiants sont minoritaires au sein de leur classe d’âge ! », explique la sénatrice de la Savoie, Martine Berthet.
Accompagner
- Dans le parc dédié, les rapporteurs recommandent de mieux soutenir les gestionnaires de résidences dont le modèle économique est en tension et, notamment, de valoriser le rôle des foyers de jeunes travailleurs, qui jouent un rôle précieux de tremplins vers l’autonomie.
- Dans le parc privé, les rapporteurs appellent aussi à garantir la stabilité du filet de sécurité que représentent les APL, à poursuivre le développement de la garantie Visale, qui a montré son utilité, et à mieux documenter les dévoiements des baux mobilité, afin d’optimiser la location meublée touristique.
« Malgré sa cherté, le parc locatif privé loge 70 % des jeunes. Face à la forte concurrence de ménages plus solvables et plus stables et de la location saisonnière, il faut préserver les aides dont bénéficient les jeunes et ne les modifier que d’une main tremblante, en évaluant prudemment les conséquences pour le pouvoir d’achat des jeunes », assure la sénatrice des Hautes-Pyrénées, Viviane Artigalas.
Innover
Pour le sénateur du Morbihan, Yves Bleunven, « il faut libérer l’initiative locale ! Les collectivités sont au premier plan pour trouver des solutions, parfois dans l’urgence, pour loger les jeunes de leurs territoires. Elles se heurtent parfois à un cadre juridique inadapté, qui est décourageant même pour les plus volontaires. » D’une même voix, les trois rapporteurs appellent donc à consacrer un droit des collectivités à adapter, par convention avec l’État, les règles en matière de logement et d’habitat aux circonstances locales de leur territoire.
Selon eux, l’innovation doit aussi permettre de renforcer l’accès des jeunes au parc social, en facilitant le recours à la colocation, mais surtout en adaptant l’offre de logements sociaux aux besoins des jeunes, grâce à un modèle de financement encourageant la production des petites surfaces et la reconversion des grands logements : les logements de type « T1 » ou « T2 » ne représentent que 31 % du parc, mais 44 % des demandes. Enfin, « pour favoriser l’accès à la propriété des jeunes, qui reste une aspiration forte, les produits éprouvés comme le prêt à taux zéro (PTZ) ou le bail réel solidaire doivent être maintenus, mais une réflexion doit également être engagée à moyen terme pour élaborer un dispositif ciblé sur les jeunes générations, associant un encouragement à l’épargne, ainsi que des bonifications de taux d’intérêt, afin d’assurer une action contracyclique, comme cela existe dans d’autres pays européens », plaident les trois parlementaires.
