Au 1er janvier 2021, 10,6 % des logements du parc privé étaient vacants à Paris (120 500 logements), dont 20 380 complètement vides depuis au moins deux ans, selon les dernières données disponibles et fournies par le ministère de la Transition écologique. Et le phénomène s’est accru avec 12 061 logements vacants en plus au cours des deux années précédentes.
Crise du logement : Paris et Marseille face à la vacance immobilière
La mairie de Paris estime pour sa part à 128 000 le nombre de logements vacants et à 134 000 celui de résidences secondaires, ce qui fait des « logements sous-occupés le facteur le plus important de la crise du logement à Paris », selon Jacques Baudrier, adjoint communiste chargé du logement à la mairie de Paris. « La part des logements vacants augmente dans toutes les zones tendues, c’est le cas à Paris, mais aussi sur la Côte d’Azur, sur la côte basque », poursuit-il.
Dans les autres grandes villes où les difficultés à trouver un logement se sont accrues ces dernières années, Marseille comptait, en 2021, 19 400 logements vacants depuis plus de deux ans, soit 4 % du parc global. Nice en dénombre plus de 4 000 au sein de son parc privé et Nantes a vu leur nombre exploser de 30 % en deux ans.
Au sein de la métropole d’Aix-Marseille, « le logement vacant est une priorité dans les politiques publiques d’habitat », assure Didier Ytier, vice-président LR chargé du logement. « On a essayé de travailler à comprendre les causes » de la vacance en contactant des propriétaires et en leur proposant « immédiatement un appui », explique-t-il à l’AFP. Résultat de ces échanges : « ce sont plutôt des propriétaires modestes qui baissent les bras » face à d’importants travaux à réaliser ou qui craignent des désagréments en louant leur logement.
À Paris, il y a « un effet générationnel », ajoute Jacques Baudrier : « des personnes devenues propriétaires dans les années 1990 pour pas cher ou des personnes qui ont hérité d’un bien, qui sont maintenant âgées et que la gestion locative embête ». Cela représenterait selon lui « plusieurs dizaines de milliers de logements vacants ».
Immeubles entiers à Nice
Des immeubles entiers peuvent rester vides le temps de régler des « guerres d’indivision après héritage », ajoute Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, estimant que quand les propriétaires sont défaillants « il faut que la puissance publique défende ses prérogatives ». Pour tenter de faire bouger les propriétaires, lui brandit la menace de l’expropriation, via une déclaration d’utilité publique. Depuis 2020, la mairie de Nice a ainsi préempté 19 biens immobiliers pour remettre sur le marché jusqu’à 311 logements.
Moins favorable à l’idée de « réquisitionner les logements », David Ytier veut renforcer les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique et de lutte contre l’habitat indigne pour accompagner les propriétaires qui auraient peur de ne pas être dans les clous.
« On développe le permis de louer, c’est un dialogue gratuit pour le propriétaire qui permet d’avoir un avis de la puissance publique disant “c’est bon vous pouvez louer” ou bien “il faut faire tels travaux” », explique l’élu, qui évoque aussi des expropriations en cas d’inaction qui risque de mener à un nouveau drame, comme l’effondrement d’immeubles rue d’Aubagne à Marseille en 2018.
Stratégies publiques pour réduire les logements vacants en France
Aix-Marseille et Paris utilisent aussi l’intermédiation locative : un logement est loué par une association qui le sous-loue à des ménages éligibles au logement social.
Ce dispositif peine à attirer à Paris, où Jacques Baudrier aimerait tripler la taxe sur les logements vacants, et aligner celle sur les résidences secondaires. Il espère ramener sur le marché 100 000 logements.
La Cour des comptes critique le manque d’efficacité de la lutte contre les logements vacants
Dans un rapport publié jeudi 22 mai 2025, la Cour des comptes a critiqué le manque d’efficacité des actions actuelles de lutte contre la vacance et a recommandé d’adapter la politique aux différentes situations des territoires et des propriétaires.
La Cour des comptes constate que la vacance structurelle de plus de deux ans des logements a de multiples causes, liées aux caractéristiques du logement, ainsi qu’aux choix et situations des propriétaires, et en déduit que « l’outil fiscal seul ne saurait répondre à des enjeux de lutte contre la vacance différenciés selon les territoires ».
Les taxes sur les logements vacants, perçues par l’État et les collectivités, ont explosé entre 2017 et 2024, passant de 116 à 378 millions d’euros. « Toutefois, la montée en puissance effective de cette fiscalité n’a en rien endigué le phénomène de la vacance structurelle », examinent les Sages de la rue Cambon, suggérant de « repenser ces leviers et notamment leur articulation avec la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) ».
En outre, le gouvernement a lancé un « plan national de lutte contre les logements vacants » en 2020, face à une augmentation de la vacance structurelle depuis 2005, mais il se réduit à « un outil de sensibilisation et d’accompagnement des collectivités locales dans le repérage des logements vacants » sans mesure « réglementaire ou budgétaire ».
« Les collectivités disposent de plusieurs dispositifs pour accompagner les propriétaires bailleurs et les inviter à remettre leur bien sur le marché de la location », mais des indicateurs d’impact manquent. Les deux recommandations du rapport concernent d’ailleurs l’évaluation de dispositifs mis en place dans le cadre du plan national.
La Cour des comptes appelle à « distinguer les enjeux propres aux zones tendues et détendues » dans les politiques de lutte contre la vacance et estime que « ce sont principalement les collectivités (…) qui pourront agir le plus efficacement ».