C’est Olivier Bozzetto, un ingénieur en informatique normand, qui a créé en 2016 l’application « J’allume ma rue » permettant aux gentilés de contrôler l’éclairage public des rues de leur ville la nuit via leur téléphone mobile. C’est grâce à de petits boîtiers installés dans les compteurs électriques de la ville que le processus est réalisable. Aujourd’hui, plus d’une dizaine de villes utilisent cette application, dont les communes d’Épron (Calvados), Pont-de-l’Arche (Eure), Longpont-sur-Orge (Essonne), et Urrugne (Pyrénées Atlantiques). Le point avec Nikolas Regerat, Adjoint au maire en charge de la transition écologique, des travaux et des mobilités durables de la commune d’Urrugne qui a progressivement mis en place cette technologie écoresponsable dans sa commune.

Pourquoi avoir adopté cette application pour gérer l’éclairage public ?

Nous voulions lutter contre la pollution lumineuse qui crée des problèmes sur la faune et la flore, par exemple les chauves-souris fuient la lumière mais leur nourriture – les insectes – est attirée par cette même lumière. Les chauves-souris n’avaient donc plus la possibilité de s’alimenter et leur développement en pâtissait. Nous souhaitions également lutter contre le réchauffement climatique en utilisant de l’énergie uniquement quand cela était nécessaire. Enfin, même si cela n’était pas notre priorité, cette application permet des économies budgétaires non négligeables.

Nous aurions pu éteindre purement et simplement l’éclairage public, mais cela signifiait qu’il n’y aurait plus eu de lumière pour les habitants alors qu’ils auraient pu souhaiter en bénéficier lors de déplacements nocturnes. Après réflexion, nous avons pensé : « pourquoi quand on rentre dans sa cuisine pour un petit creux à 3 heures du matin on peut allumer et éteindre la lumière, et pourquoi pas dans la rue si on doit y faire quelque chose ? ».

Nous avons découvert « J’allume ma rue » il y a deux ans alors que l’application était encore un peu balbutiante avec seulement très peu de communes qui l’utilisaient comme Pont-de-l’Arche, qui est une plus petite commune que la nôtre, mais dont l’adjoint au maire Cédric Viguerard m’a dit qu’elle fonctionnait très bien. Alors sur ses conseils, durant la période de crise sanitaire du Covid-19, nous avons organisé des visioconférences avec les électriciens de la ville, notre directeur de service technique Cyril Couriol, moi-même, et ce qui était à l’époque une petite start-up composée de 2 personnes dont Olivier Bozzetto, le créateur de l’application, et cette solution nous a semblé être celle qu’il nous fallait.

Est-elle fonctionnelle sur l’ensemble de la commune ?

Nous avons souhaité déployer le dispositif progressivement avant de l’étendre à la quasi-totalité des quartiers résidentiels de la commune. Nous avons d’abord effectué un essai sur 3 zones de la ville pendant 6 mois, cela a très bien fonctionné. Il reste encore quelques zones sur la route départementale (ex-nationale 10) mais nous allons très vite les couvrir également et la commune sera bientôt entièrement dépourvue de lumière la nuit de 23h à 5h30. Cependant, les habitants, les touristes, etc. peuvent à tout moment allumer l’éclairage public de la zone qu’ils traversent via l’application pour une durée de 15 minutes renouvelable au besoin.

Dans quelle mesure le recours à cette application est-il économiquement avantageux pour la commune ?

Le recours à cette application est notre investissement le plus rentable. La commune est peuplée de 12 000 habitants et comporte 1 400 points lumineux ; nous avons installé le dispositif sur la totalité de la commune pour environ 25 000 euros et les économies réalisées sur un an – au prix actuel alors que l’électricité va encore augmenter – sont de 40 000 euros. En 6 mois, on a déjà quasiment rentabilisé l’investissement réalisé.

Autre avantage : les électriciens gèrent à présent l’activation et la désactivation de l’électricité à distance depuis un ordinateur. Nous réalisons des économies sur ce plan aussi puisqu’une intervention qui durait une demi-journée est dorénavant réalisée en 30 secondes.

Mais sans même penser à l’écologie et au gain financier, « cette application procure un confort de vie aux habitants – contrairement aux communes qui ont fait le choix de totalement désactiver l’éclairage public la nuit – puisqu’ils peuvent par exemple promener leur chien dans une rue où la lumière s’allume avant leur passage et s’éteint après leur départ ». Le confort est le même qu’avant mais le gaspillage est évité.

Avez-vous observé une hausse des délits ?

Nous n’avons pas un taux de délinquance très élevé mais tous les chiffres transmis par les autorités des communes qui ont choisi « J’allume ma rue » ou celles qui ont fait le choix d’éteindre complètement leur éclairage ne montrent pas de hausse des délits.

Avez-vous mis en place une communication particulière pour informer les habitants de la mise en place de cette application ?

La commune est assez touristique donc les gens de passage qui séjournent dans les hôtels, campings, etc. ont l’information via ceux qui les hébergent. De plus, la population a été avertie par tous les moyens de communication qui puissent exister : affiches, QR codes, etc. Toutefois, il ne s’agit pas de remplacer une pollution par une autre, c’est pourquoi nous avons essayé de mettre à certains endroits stratégiques des autocollants expliquant le nouveau fonctionnement de l’éclairage public sans inonder nos rues de papier.

Avez-vous reçu des plaintes de la part d’habitants à ce sujet ?

Il y a eu quelques personnes qui nous ont appelés pour nous signaler que les lampadaires ne fonctionnaient plus, malgré la communication dans le journal municipal, la radio, etc. Certains n’étaient pas au courant du nouveau système d’éclairage. Une fois les explications fournies, nous n’avons eu aucun habitant mécontent. C’est comme le train : « quand il arrive à l’heure, personne ne le dit donc c’est que tout va bien ». S’il y avait eu des gens mécontents de l’adoption de l’application « J’allume ma rue », on l’aurait su.

Propos recueillis par Sonia Hamdi