Apprendre aux professeurs des écoles à mieux apprendre

Publié le 10 septembre 2018 à 6h53 - par

Le Comité national de suivi de la réforme de la formation des enseignants a remis, en juillet, son rapport intitulé « Améliorer la formation initiale des professeurs des écoles ».

Apprendre aux professeurs des écoles à mieux apprendre

« Le modèle de formation doit évoluer. Nous en sommes convaincus », assure le Comité national de suivi de la réforme de la formation des enseignants, qui a remis au Gouvernement, en juillet, un rapport sur l’amélioration de la formation initiale des professeurs des écoles. Présidé par le recteur de l’académie de Versailles, Daniel Filâtre, ce Comité est un lieu d’analyse, d’évaluation, de concertation et de propositions sur la réforme de la formation des enseignants et la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE).

Son rapport s’organise autour de quatre volets :

  1.  La complexité du métier de professeur des écoles et son intégration dans le modèle actuel de formation ;
  2. La prise en compte de la diversité des publics candidats au métier de professeur des écoles ;
  3. Une nouvelle logique de formation des enseignants se préparant au métier de professeurs des écoles ;
  4. L’évolution du modèle « ESPE ».

Pour chacun de ces volets, des propositions sont formulées « afin de dessiner des pistes d’amélioration du modèle de formation actuel ». Au total, une quinzaine de propositions assorties de préconisations.

« Sur l’ensemble des propositions qui sont esquissées dans ce rapport, trois changements de paradigme nous paraissent primordiaux », explique Daniel Filâtre.

Le niveau et le cadre de la formation des professeurs des écoles

Le premier changement concerne le niveau et le cadre de la formation des professeurs des écoles. Puisque cette formation est de niveau master, alors ses principes doivent être respectés : une approche par compétences et une progressivité dans l’acquisition de celles-ci, une structuration modulaire, une capitalisation des modules acquis, une formation à la recherche et par la recherche, une dimension internationale. « Or, force est de constater que l’organisation de la formation des professeurs des écoles au sein des masters MEEF 1 ne respecte pas toujours les principes généraux d’une formation de niveau master. Il faut donc travailler sur ce changement de paradigme qui exige de concevoir pour le premier degré une formation universitaire et professionnelle de haut niveau dans chacune des ESPE de France », plaide le rapport.

Selon le Comité de suivi, le cadre général de la formation doit, lui aussi, faire l’objet d’évolutions. Ce cadre vise plutôt l’état d’esprit de la formation et conduirait à examiner la correspondance entre le modèle de la formation des professeurs des écoles et le modèle de l’École tel qu’il se développe. Sur ce point, le rapport propose « un changement de paradigme qui pourrait s’exprimer sur le principe d’un isomorphisme dynamique ». En effet, l’ESPE doit préparer les professeurs des écoles à développer une école inclusive, juste, exigeante, bienveillante et apprenante. Et il conviendrait alors que chaque ESPE propose la même ambition pour ses étudiants apprentis professeurs : une ESPE inclusive, juste, exigeante, bienveillante et apprenante. Ainsi en serait-il des évaluations, des pratiques de classe inversée, de l’individualisation des parcours, des travaux interdisciplinaires, des usages du numérique éducatif…, énumère le rapport. « Sans doute cela se fait ici et là », concède Daniel Filâtre, « mais l’on devrait généraliser l’intégration dans la formation des professeurs des transformations qui s’opèrent dans et autour de l’École ».

Placer le futur professeur des écoles au cœur de la formation

Le second changement de paradigme conduit à « placer, à chaque fois, le futur professeur des écoles au cœur de la formation », défend le Comité de suivi. De fait, de nombreuses propositions du rapport se placent dans cette perspective. « Lors de la restitution des travaux du Comité national de suivi sur la formation tout au long de la vie des enseignants, nous proposions de considérer chaque professeur comme un acteur de sa formation et cela à chacune des temporalités de sa carrière », explique Daniel Filâtre. « Il doit donc en être ainsi dans la période de formation initiale et continuée : permettre au professeur débutant d’acquérir et de conforter en permanence ses compétences ; lui proposer des parcours individualisés et différenciés ; développer les tests d’auto-positionnement et les certifications lui permettant de mesurer l’acquisition de chaque niveau de compétences et de s’engager dans de nouveaux parcours… Nous réaffirmons ce principe qui positionne le futur professeur comme un professionnel acteur de sa formation ».

La place de la recherche et de la démarche scientifique dans la formation

Le troisième changement de paradigme a trait à la place de la recherche et de la démarche scientifique dans la formation des professeurs des écoles. « Nous avons longuement abordé cet aspect mais sans doute faut-il y revenir à partir des situations de classe où le professeur est confronté au progrès de ses élèves et à la mesure de ses acquis », peut-on lire dans le rapport. « Or pour venir en aide aux élèves à besoins éducatifs spécifiques ou à ceux qui sont en difficulté face à certains apprentissages, on sait que le professeur doit non pas s’adapter, mais changer de posture pédagogique, en s’appuyant sur les savoirs scientifiques, ainsi que sur les éléments de transfert et de mise en œuvre en situation de classe ». Cette proposition conduit à ce que, dans sa formation, le professeur débutant apprenne à adopter une posture professionnelle permettant d’imaginer des interventions non dictées, non mécaniques, mais élaborées à partir des premières difficultés ressenties par l’élève. Elle suppose une capacité à expérimenter et, surtout, à définir des interventions fondées sur des données probantes, le suivi des progrès des élèves et sur un travail collectif sur les manières de répondre à leurs besoins. Cela suppose, enfin, que dans sa formation le futur professeur ait appris à développer des programmes, des supports et des interventions validées par la recherche, réinterrogés par le suivi systémique des progrès et adaptés selon les situations.

Ces trois propositions témoignent de l’intime conviction de l’auteur de ce rapport : « il faut former les enseignants de l’École primaire de manière solide et active ; il faut les outiller pour être à même de mener un enseignement adapté à leurs élèves et à leurs résultats ; il faut favoriser leur capacité à engager individuellement et collectivement une réflexion critique et scientifique ». Cela signifie que la formation des professeurs des écoles doit être encadrée, accompagnée et référencée aux travaux scientifiques éprouvés scientifiquement et internationalement, et constamment réinterrogés. Cela signifie également qu’elle doit s’appuyer sur les situations scolaires, sur les écoles conçues comme lieu de formation, sur l’évaluation des actions et sur des dynamiques d’amélioration. Et de conclure : « Plus qu’améliorer la formation des professeurs des écoles, ce rapport dans son ensemble propose de la transformer profondément au service des élèves et de leur réussite bien sûr, mais aussi au service de tous les professeurs des écoles débutants qui ont entre leurs mains leur réussite et leur bien-être ».