À la veille de la rentrée scolaire, le ministère de la Justice a adressé aux procureurs une circulaire signée de la directrice des affaires criminelles et des grâces visant à renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire. « La multiplication de faits de harcèlement scolaire qui ont parfois pu conduire à des issues dramatiques appelle un renforcement de l’action menée pour lutter contre ce phénomène, explique Laureline Peyrefite. Qu’il s’exerce dans l’espace scolaire ou par le biais des réseaux sociaux, le harcèlement scolaire emporte des conséquences délétères sur les victimes, tant sur le plan de leur scolarité que sur celui de leur développement psycho-affectif ou de leur santé physique ou psychique. Il envahit la sphère privée de la victime qui subit, de manière répétée, moqueries, propos insultants, haineux voire discriminatoires, ou violences physiques, verbales ou psychologiques. » L’intensité du phénomène exige une action renforcée de l’ensemble des autorités publiques concernées, insiste le ministère de la Justice.
Renforcer les partenariats pour favoriser le signalement des faits à l’autorité judiciaire
La circulaire rappelle l’importance de nouer des partenariats entre les parquets et les représentants de la sphère scolaire, afin de faciliter le signalement des situations de harcèlement scolaire ou cyberharcèlement, et leur prise en compte rapide par les parquets. Ainsi, chaque parquet doit désormais préciser que son « référent mineurs » est également l’interlocuteur partenarial privilégié pour les situations de harcèlement entre élèves.
Par ailleurs, les procureurs de la République sont invités à se rapprocher de l’association e-Enfance, acteur majeur de la protection de l’enfance avec lequel la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) est liée, depuis plusieurs années, par une convention de partenariat.
Favoriser la coordination territoriale des acteurs
Les procureurs de la République, en coordination avec les préfets, doivent veiller à réunir « dans les meilleurs délais » le Comité local d’aide aux victimes (CLAV) dédié à la protection contre les violences faites aux mineurs et à inscrire à l’ordre du jour de cette réunion la thématique du harcèlement scolaire. La réunion du CLAV dédié spécifiquement à la protection contre les violences faites aux mineurs doit permettre d’établir un état des lieux partagé de tous les dispositifs d’aide aux victimes, d’évaluer les besoins couverts dans le département, ainsi que d’identifier les axes d’amélioration. En outre, elle doit contribuer à mettre en évidence les initiatives locales susceptibles d’être dupliquées, ainsi qu’à favoriser les relations partenariales entre les divers acteurs engagés dans la lutte contre les violences faites aux mineurs et la protection dont ils doivent bénéficier. Ce CLAV thématique se réunira non seulement en séance plénière a minima deux fois par an, mais également en comité restreint.
Apporter une réponse rapide et graduée aux infractions
Les procureurs de la République devront également veiller à « apporter une réponse rapide et graduée aux infractions de harcèlement scolaire. » Une attention particulière doit être portée aux faits de harcèlement scolaire commis par des mineurs âgés de moins de 13 ans, présumés non discernants par le Code de la justice pénale des mineurs, précise la circulaire.
Lorsqu’il résulte des éléments de la procédure que la présomption de non-discernement ne peut être renversée alors que les faits de harcèlement scolaire apparaissent caractérisés, la saisine des autorités compétentes en matière de protection de l’enfance peut être envisagée. Lorsque les circonstances n’exigent pas la saisine du juge des enfants, les procureurs de la République pourront envisager une orientation vers une mesure alternative aux poursuites à dimension pédagogique, comme un stage de citoyenneté ou de formation civique, lorsque les faits reprochés à un mineur apparaissent isolés et n’ont pas entraîné d’incapacité totale de travail. Dans ce cadre, les procureurs devront veiller à requérir une obligation de réparer le dommage causé à la victime et, lorsque les faits ont été commis en ligne et que cela apparaît pertinent, une mesure de « bannissement numérique », d’une durée maximale de 6 mois.
En revanche, les faits ayant entraîné une incapacité totale de travail physique ou psychologique pour la victime appellent une réponse pénale rapide privilégiant le déferrement et nécessitent une saisie du téléphone portable (s’il a été utilisé pour commettre l’infraction) par les services d’enquête, afin que la juridiction statue ultérieurement sur sa confiscation. Dans ce cadre, le procureur de la République peut requérir le placement sous contrôle judiciaire du ou des mis en cause, âgés de plus de 16 ans. Une telle mesure peut également être requise à l’égard d’un mineur âgé de plus de 13 ans, dès lors que des antécédents judiciaires et une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sont constatés, complète la circulaire. Ce cadre contenant permettra notamment le prononcé d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime et de paraître au domicile de la victime, ainsi qu’une mesure de bannissement numérique, pour une durée maximale de 6 mois, ajoute le texte.
À tous les stades de la procédure et quelle que soit l’orientation retenue sur l’action publique, l’engagement d’un dispositif de justice restaurative pourra être proposé à la victime et à l’auteur mineurs. Enfin, les procureurs de la République peuvent saisir la cellule de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes (CRIP) en cas de risque de danger.