Numérique : pilotage, organisation et gouvernance

Publié le 25 juin 2012 à 0h00 - par

En France, le développement des usages du numérique dans l’éducation fait l’objet de récents agendas politiques, d’initiatives et de rapports. Quels efforts la France doit-elle poursuivre pour rattraper son retard dans ce domaine et pour dynamiser ces usages pédagogiques ? (1/2)

Numérique : pilotage, organisation et gouvernance

Vision et gouvernance

Il existe de fortes disparités dans les établissements scolaires et de nombreux freins existent encore. Il est plus que nécessaire de définir une vision partagée entre tous les acteurs et décideurs pour réussir la modernisation de notre système éducatif.

Weka.fr : Comment définir, en 2012, la vision de l’école numérique pour le 1er et pour le 2nd degré ? Quel projet, quelle politique pour le numérique dans l’éducation pour les années à venir ? Quelles sont les priorités ?

Claire Britten/ANDEV : La priorité globale 2012 doit être la mise en cohérence de l’existant : informatique pédagogique / informatique administrative (notes, absences) / accès aux ressources de façon à rendre crédibles les efforts réalisés par l’État, les collectivités territoriales et par des acteurs publics et parapublics (ONISEP, musées, INA, archives…).

L’Éducation nationale, au travers des rectorats, doit retrouver des moyens d’accompagnement, d’innovation, d’évaluation des actions mises en œuvre dans les établissements scolaires.

La réflexion sur les TICE doit accompagner tous les travaux menés aujourd’hui afin de surmonter les difficultés de notre système scolaire et de mettre au fur et à mesure des outils performants au service des politiques décidées (lecture, échec scolaire, langues, mathématiques). Il faut donner des moyens humains et financiers à des laboratoires de recherche pour créer, expérimenter et évaluer des produits collaboratifs.

Il est nécessaire de penser aux familles qui n’ont pas accès à Internet, en termes de ressource physique ou aux savoir-faire en la matière : ouverture des établissements, ordinateurs en libre accès, assistance et accompagnement.

Il faut une volonté nationale pour un projet global. Il est frappant de constater comment les politiques numériques sont aujourd’hui déjà en vases clos, comment les outils informatiques sont utilisés de façon marginale dans certains secteurs, celui du handicap par exemple où des outils pertinents existent, il est frappant que dans des établissements du secondaire, magnifiquement équipés, l’agent d’accueil n’ait pas accès au planning des salles, aux emplois du temps, aux heures de réception des familles, aux téléphones utiles… À l’heure de l’accessibilité si facile, pourquoi ne pas encourager (financièrement ou en moyens humains) le renouveau des cinéclubs dans les établissements, les correspondances avec les élèves des villes jumelées ?

Weka.fr : Entre le national et le local, quel est le bon niveau pour piloter les projets numériques éducatifs ? Comment mieux articuler les politiques nationales avec les initiatives locales ? Comment donner une cohérence à l’ensemble ?

Claire Britten/ANDEV : Le bon échelon est celui de l’académie, par sa connaissance du territoire, sa possibilité de mobiliser les acteurs de l’éducation nationale sur le terrain et de créer des dynamiques pour valoriser les bonnes initiatives. L’Éducation nationale dispose de relais tant au niveau local (les inspecteurs et leurs collaborateurs, les chefs d’établissements, les enseignants) qu’au niveau national.

Weka.fr : Pourquoi, par exemple n’y a-t-il pas de schémas directeurs de l’éducation calqués sur celui des SDAN volet usages et services ?

Claire Britten/ANDEV : Pourquoi pas, en associant les conseils régionaux qui se sont engagés en la matière, souvent avec des fonds européens, les CRDP/CDDP qui ont travaillé des contenus…

La répartition des compétences entre l’État et les collectivités, mais aussi entre les collectivités elles-mêmes, constitue manifestement un frein à la mise en œuvre des politiques numériques dans l’éducation. On le constate sur le 1er degré où, au-delà du plan ENR, DUNE et de quelques initiatives locales, la dynamique n’est pas réellement engagée, où la question de la mise en place des réseaux haut débit, voire très haut débit, mais aussi celle des équipements eux-mêmes, de leur maintenance ne peuvent être réglées que par les seules communes.

Des questions qui restent valables pour le 2nd degré.

Weka.fr : Faut-il mettre en place une gouvernance transverse territoriale, entre communes, EPCI, département, région ou au travers d’agences, comme le préconise le dernier rapport de Jean-Michel Fourgous ou le CNN ? Faut-il mutualiser les moyens et les ressources, et partager la gouvernance au travers de structure comme des GIP ou des syndicats mixtes ?

Claire Britten/ANDEV : Les rectorats ont la légitimité, l’expérience et la capacité (ils peuvent être renforcés en moyens humains) pour piloter des dispositifs. C’est eux seuls qui peuvent impulser les usages par le corps enseignant. Toute la bonne volonté des élus et les moyens financiers énormes déployés par les collectivités sont gaspillés si les pratiques ne changent pas dans les établissements (cf. évaluation des Landes). Je ne pense pas qu’il soit pertinent de rajouter des organismes, mais plutôt de renforcer et de conforter l’existant.

Weka.fr : Est-ce qu’il ne faudrait pas mieux répartir – réglementairement – les compétences entre les collectivités territoriales, les académies et l’État ? Voire entre les différents niveaux de collectivités ?

Claire Britten/ANDEV : Bien sûr, en trouvant la juste frontière entre la libre administration des différentes collectivités et le rôle d’impulsion et de régulation de l’État.

Il faut aussi retravailler la notion de continuité de l’action publique, car les élus ont été « échaudés » par les gaspillages engendrés par des exigences successives de l’Éducation nationale (salles informatiques dans les écoles primaires fermées faute de moyens d’animation ou de formation des enseignants).

Weka.fr : Devant le succès du plan ENR, si l’on en juge par le rapport de l’Éducation nationale récemment dévoilé par l’AMRF, quelles pistes pour véritablement développer et généraliser le numérique dans le 1er degré ? Nouveau plan ENR comme le demande l’AMRF, favoriser les regroupements de collectivités… ?

Claire Britten/ANDEV : Ci-dessous un rappel des préconisations du bilan sur les ENR qu’il serait souhaitable de développer pour généraliser le numérique dans le premier degré :

Sur les équipements :

  • Poursuivre une politique incitative en publiant un document donnant des solutions types d’équipement pour une école numérique (« Vadémécum » de l’école numérique) et peut-être des aides incitatives en fonction des capacités financières des communes.
  • Créer des « salons numériques permanents » comme lieux d’expertise, de conseil, de rencontres et de formation, en partenariat avec les fournisseurs de matériel (rôle des CRDP et CDDP).

Sur l’accompagnement :

  • Maintenir à son niveau actuel le réseau des conseillers et des animateurs TICE : vérifier qu’ils n’ont pas été trop réduits ces quatre ou cinq dernières années.

Sur la recherche et l’innovation :

  • Encourager des recherches sur l’impact des nouveaux outils numériques sur les apprentissages, à tous les niveaux de la scolarité.

Claire Britten/ANDEV