Fitch Ratings et S & P Global Ratings (ex – Standard & Poors) viennent de dégrader la note souveraine de la France de AA- à A+, perspective stable1, invoquant une dette publique en hausse, une trajectoire de déficit et de dette jugée trop lente à se redresser, avec des incertitudes fortes sur les finances publiques dans le contexte d’instabilité politique actuel. Surtout, « la situation actuelle empêche de penser qu’on va inverser cette tendance qui ne cesse de s’aggraver depuis 2012, moment où Standard & Poors a rétrogradé la France de AAA à AA+, selon Yves Millardet, président du directoire de l’Agence France locale (AFL). Si la France continue malgré tout à placer sa dette sur les marchés, elle s’endette désormais à 100 points de base plus cher que lorsqu’elle avait un triple A ».
Des emprunts au-dessus d’Euribor + 100 points de base
Les collectivités locales sont directement impactées, car leurs notes ne peuvent de toute façon pas être au-dessus de la note de l’État, « du fait d’un système centralisé où l’État est le principal distributeur de subventions et de transferts financiers aux collectivités locales », selon Yves Millardet. Toutes les collectivités locales notées par Fitch Ratings et S & P Global Ratings ont donc aussi été rétrogradées à A+2.
Du coup, l’accès au marché obligataire se dégrade. Au 1er novembre 2025, 3 Mds€ avaient été émis par les collectivités locales contre 3,8 Mds€ à la même époque. Pour Yves Millardet, « cela est dû à une baisse du marché (ndlr : les collectivités empruntent moins vu le contexte politique), à un moindre accès à la ressource du fait d’une baisse générale de l’emprunt, mais surtout à un report vers le financement bancaire (ndlr : moins exposé directement que les marchés obligataires) ». De fait, la part obligataire dans les financements des collectivités locales françaises a reculé en 2024 à 25,9 %, contre 28 % en 2023.
Mais le coût de l’emprunt augmente aussi. Selon la Banque des Territoires / Finance Active, le taux moyen des nouveaux emprunts bancaires pour les collectivités était d’environ 3,54 % en 2024, contre environ 2 % les années antérieures. Et cela pourrait empirer en 2025, même s’il faut encore être prudent, « les collectivités attendant traditionnellement la fin de l’année pour recourir à 50 % de leurs emprunts annuels, ceci pour des raisons de trésorerie », selon Yves Millardet. De plus, aujourd’hui et toujours selon l’AFL, les collectivités locales empruntent fréquemment au-dessus d’Euribor + 100 points de base, c’est-à-dire que la marge bancaire, qui s’ajoute au taux variable interbancaire de référence en zone euro (Euribor) déjà élevé, a elle-même crû de 50 points de base en quelques années du fait notamment des incertitudes financières publiques. Philippe Laurent, maire de Sceaux explique même que pour une consultation récente de sa mairie, « on est à 120 points de base de plus, alors qu’il y a 20 ans, on était à 10 points ou même 0 ».
2… ou 8 Mds€ d’effort ?
Le contexte où la note de la France s’impose aux collectivités locales n’empêche-t-il pas que les efforts demandés par le gouvernement à celles-ci avec le PLF 2026 tel que proposé au Parlement (4,7 Mds€ selon nos estimations) leur serve directement à améliorer leur note ? « Pour Yves Millardet, « les efforts à réaliser par les collectivités locales sont sans commune mesure (2 à 4 Mds€) avec ceux à réaliser par l’État : 40 Mds/an pendant trois ans ». Philippe Laurent ne dit pas autre chose : « Les mesures du PLF vont tendre la situation des collectivités locales pour un bénéfice négligeable sur la réduction du déficit. Le vrai problème c’est que les Français ne travaillent pas assez et que la réforme des retraites est abandonnée. Les collectivités locales payent pour les Français ». Mais les associations d’élus ne disent pas elles-mêmes qu’elles ne refusent pas de baisser les dépenses ? Elles veulent simplement avoir une visibilité pluriannuelle et déplorent l’absence de marges de manœuvre fiscales.
Et Yves Millardet de constater que « tous les pays (Suède, Canada…) ont mis à contribution les collectivités locales pour redresser leurs finances », mais d’évoquer aussi « la nécessité d’inclure dans un plan national d’effort budgétaire pluriannuel la sphère sociale, comme le recommande la sphère des marchés financiers ». De son côté Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Institut français de recherche sur les administrations publiques (iFRAP), demande à ce que « les bons gestionnaires soient valorisés et les mauvais pénalisés, comme en Italie via la mise en place d’une comptabilité analytique et à partir de l’open data et de la diffusion des comptes publics locaux ». Surtout, pour elle, « les collectivités devraient se sentir coresponsables. Le déficit est commun à l’ensemble des administrations publiques : État, Sécurité sociale et collectivités locales. Si les collectivités ne peuvent pas s’endetter pour fonctionner, elles perçoivent néanmoins des transferts de l’État assurant l’équilibre de leur section de fonctionnement. L’État a intérêt à ce que les collectivités soient bien gérées et inversement ». Autrement dit, les notes de la France et des collectivités locales sont liées, c’est donc ensemble qu’elles peuvent régresser ou progresser. Jusque là, tout le monde est à peu près d’accord, mais c’est lorsque l’on évoque le montant des économies à réaliser pour les collectivités locales que cela se gâte : 7 à 8 Mds€ sont possibles selon l’iFRAP en alignant leurs dépenses de fonctionnement sur la moyenne des collectivités locales3, contre 2 à 4 Mds€ évoqués par l’AFL ou 4,7 Mds€ demandés par le gouvernement…
Frédéric Ville
1. Respectivement les 12 septembre et 17 octobre 2025.
2. Seules celles notées par Moody’s restent encore à AA, avec un risque élevé de basculer en A+ du fait de la perspective négative.
3. Hors dépenses sociales des départements.
