Mise à disposition de bureaux de vote, mobilisation des agents, gestion des procurations… Organiser les élections législatives après la dissolution du 9 juin 2024 a pesé sur le budget des petites communes – un coût d’autant plus élevé en raison de l’urgence. En effet, si l’État leur rembourse une partie des dépenses et des frais liés à l’organisation matérielle des scrutins, on est loin d’atteindre la totalité, a rappelé l’Association des petites villes de France (APVF) dans une lettre du 10 juillet 2024 adressée au ministre de l’Intérieur en place, Gérald Darmanin. Le montant de la subvention (44,73 euros par bureau de vote et 0,10 euro par électeur inscrit sur les listes au jour du scrutin) n’a pas été révisé depuis 2006 et se trouve décorrélé de la réalité des dépenses engagées. L’APVF qui sollicite une revalorisation de l’indemnisation, au moins à hauteur de l’inflation, pointe le fait que « les frais de personnel occasionnés pour les élections ont crû sensiblement cette année » car de nombreuses communes « ont dû augmenter les vacations de personnel pour inciter les employés de mairie, réticents à faire des heures supplémentaires un dimanche d’été, à se porter volontaires ». Sans compter que ces surcoûts n’ont pas pu être anticipés et qu’ils intervenaient deux mois après le vote du budget primitif, un exercice « particulièrement tendu en 2024 dans les petites villes ».
Dans un courrier du 23 août 2024 au président de la République, Camille Pouponneau, maire de Pibrac (Haute-Garonne, 8 880 habitants), estime les frais de personnel de ces élections à 16 669 euros pour les équipes techniques, juridiques et policières, dont pas loin de 30 % pour rémunérer les heures supplémentaires. À quoi il faut ajouter l’achat des panneaux pour les élections européennes du 9 juin, utilisés pour les législatives : 2 093 euros. Soit un total de 18 762 euros, sur lesquels l’État devrait rembourser… un peu plus de 1 000 euros. Dans cette petite commune au budget de 8 millions d’euros, la somme a son importance : c’est l’équivalent d’un an d’achat de livres pour la médiathèque ou du recrutement d’un agent de catégorie C pendant six mois. À peine les élections européennes terminées, l’élue a dû remobiliser ses équipes pour organiser de nouvelles élections « dans des conditions optimales », et suspendre des projets communaux « pour respecter leur charge de travail ».
Interrogé par Public Sénat, le maire de Sceaux (Hauts-de-Seine, 20 800 habitants) et ancien trésorier de l’Association des Maires de France (AMF) Philippe Laurent estime que chaque tour d’élection coûte 80 millions d’euros aux communes. Il rappelle qu’il faut prévoir la veille la mise en place matérielle (urnes, tableaux, isoloirs…), puis vérifier les cartes d’identité à l’entrée des bureaux de vote, ce qui peut nécessiter des dizaines d’employés. Dans un rapport de 2015, le sénateur Hervé Marseille constatait déjà que les subventions ne permettent pas toujours de couvrir, ne serait-ce que les dépenses des communes pour le matériel électoral et la tenue des bureaux de vote.
Le bureau de l’Assemblée nationale a, quant à lui, décidé (à l’unanimité) de demander à l’État une dotation complémentaire à la hauteur du surcoût : 28,54 millions d’euros, sur un budget de fonctionnement 2024 de 589 millions d’euros. La Chambre des députés doit faire face à de nombreux imprévus : dépenses logistiques supplémentaires d’installation des nouveaux députés, indemnités de licenciement pour rupture de contrat lié à la fin du mandat des 2 200 assistants parlementaires… Les députés financent aussi une allocation, versée par la Caisse des dépôts aux 133 députés sans activité après avoir perdu leur siège. Soit pas loin de 2 millions d’euros. Et France travail devra indemniser les assistants au chômage – potentiellement entre 400 et 500 personnes.
Les permanences parlementaires devront aussi payer le loyer de leurs locaux soumis à un préavis de six mois (bail professionnel) jusqu’à mi-décembre et financer la résiliation anticipée des contrats de prestations de services jusqu’en 2027 ; la dissolution n’étant pas un cas de force majeure, elles doivent verser les mensualités, assorties de pénalités. Le coût global des frais de fin de mandat pourrait, selon Public Sénat, atteindre 3 millions d’euros pour les députés non réélus.
Pour l’État, en revanche, le coût des législatives pourrait être moins élevé qu’en 2022 où il a représenté quelque 160 millions d’euros. En effet, le nombre de candidats a baissé de 37 % en 2024 et la campagne électorale a été plus courte. Il faudra attendre 2025-2026 pour que la Commission nationale des comptes de campagne publie le coût définitif de ces scrutins.
Marie Gasnier